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Aaron : « Sortir de notre zone de confort »

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Le duo AaRON – connu notamment pour son titre U-Turn (Lili), BO du film Je vais bien ne t’en fais pas – est de passage sur la scène du Fil ce vendredi 15 octobre. L’occasion de parler avec Simon Buret, le chanteur, d’Anatomy of Light, le cinquième album du groupe et du live proposé en cette fin de semaine à Saint-Etienne.

Le duo AaRON au musée Bourdelle à Paris © Clotaire Buche (Junzi Arts)

Sur Anatomy of Light, on trouve des sonorités et une atmosphère qui revêtent une dimension que l’on pourrait qualifier de « cosmique », à l’instar de vos créations précédentes ?

Simon Buret : « Je pense que l’art en général fait décoller et décale le corps et l’esprit de celle ou de celui qui écoute de la musique. En effet, nos sonorités sont finalement de la matière qu’on essaie de créer pour emmener l’auditeur. Est-ce que l’on créée des mondes dans lesquels peut naviguer le public ? J’ai toujours pensé que chaque personne est une planète avec son centre, sa surface et son centre de gravité. Selon moi, nous ne sommes que des petites planètes qui s’entrechoquent en permanence… Donc oui, on peut dire qu’il y a un côté cosmique. »

En parlant des sonorités, comment se compose la musique chez AaRON ? Est-ce l’un de vous deux qui gère plus particulièrement cet aspect ?

« Nous amenons chacun de la matière. Après, nous n’avons pas particulièrement de spécificité propre, excepté le fait qu’Olivier (Olivier Coursier, autre moitié du duo, NDLR) est plus technique que moi. Il maîtrise les « machines ». Sur cet album, il y avait une nouveauté de taille pour nous, c’est que nous avons travaillé parfois à distance. Ce qui était à la fois très étrange et agréable. Nous étions souvent sur deux continents différents. Il y a eu des morceaux, tels que The Flame, où Olivier a créé l’ensemble du spectre sonore et me l’a envoyé par surprise. Cela m’a d’ailleurs donné l’envie de reprendre l’enregistrement de cet album. Mais, pour revenir sur la composition, c’est depuis toujours assez anarchique chez nous. Cela dépend des morceaux, de plein de paramètres différents… Nous n’avons pas de rôle bien précis et défini. Il n’y a qu’une chose qui reste intangible, c’est le fait que l’écriture des textes me revient. »

Combien de temps a été nécessaire à la création de ce disque ?

« Il a été assez rapide en fait. Il était prêt pour fin 2019 et puis il s’est passé tout ce que l’on sait. On a reculé sa date de sortie puis nous avons finalement décidé de le sortir malgré tout, en septembre 2020. En fait, cet album a revêtu tout de suite une dimension étrange. J’ai l’habitude de dire que c’est le disque le plus tentaculaire que l’on ait fait. Ce qui nous excitait c’était de sortir de notre zone de confort, d’aller chercher de nouvelles contrées. L’idée était de l’envisager comme un premier album. »

A chaque nouvel album, nous arrivons dans une terre inconnue, un paysage à cartographier.

Vous parlez de sortir de votre zone de confort, est-ce que le choix d’écrire aussi bien en anglais qu’en français matérialisait aussi cette intention ?

« Oui tout à fait. A chaque nouvel album, nous arrivons dans une terre inconnue, un paysage à cartographier. Nous n’avons jamais envie de rester dans ce que l’on sait déjà faire, nous essayons de nous réinventer à chaque fois. Avec le temps, on maîtrise nos outils mais l’excitation du faiseur, du créatif c’est avant tout de découvrir. Pour revenir sur la question de la langue française, nous avions effleuré cela dans notre premier album, mais sur Anatomy of Light, c’est Olivier qui m’a poussé à mettre en avant des textes que j’avais de côté et que je n’osais pas intégrer à AaRON.

Nous avons essayé de créer un album fluide, entre les deux langues, et qui réunissait pour la première fois qui j’étais. C’était assez excitant pour moi, de légitimer dans mon esprit d’une certaine manière le fait que je sois à la fois Français et Américain. Par contre, nous ne voulons surtout pas que cela soit de la chanson française. Il fallait que cela reste dans l’ADN d’AaRON. C’était cela notre sortie de la zone de confort : faire sonner des mots, des sensations aussi brutes soient elles, aussi âpres dans la poésie, dans l’énervement, le plaisir, le désir… tout en restant dans de l’AaRON. »

Vos clips sont toujours de très belles pièces, avec parfois des invités marquants tels John Malkovich ou Jean-Claude Van Damme, qui semblent être pensées au millimètre de la narration à la réalisation. Comment les travaillez-vous ? Vous faites-vous épauler ?

« Nous avons des thèmes que nous souhaitons explorer puis nous laissons beaucoup de place à l’instinct. Pour cet album, nous avons travaillé à deux pour les clips. Auparavant nous demandions à d’autres d’intervenir mais nous sommes tellement compliqués que nous leur faisions péter les plombs… Donc désormais nous allons jusqu’à effectuer le montage de nos clips nous-mêmes. Nous sommes tellement lourds ou bien excités à l’idée de créer le clip que nous avons l’envie de réaliser nos clips de A à Z. Et puis désormais, le matériel est devenu beaucoup plus léger et plus libre dans son utilisation.

Le clip correspond au dernier vêtement d’une chanson selon nous. Il faut qu’il soit à la bonne taille, tout en restant un poème visuel, dénué de but commercial. Nous ne les travaillons pas forcément en parallèle de la composition des titres même si en général nous avons déjà des idées de la manière dont nous aimerions que cela se forme. Et puis nous enrichissons petit à petit, tout en voyant parfois des accidents heureux arriver comme sur le clip de Les Rivières (ci-dessous, NDLR) pour lequel nous n’avions pas prévu que le soleil soit si écrasant et cela a donné une autre dimension tout en nécessitant de réadapter un peu le tournage. »

Le clip correspond au dernier vêtement d’une chanson selon nous. Il faut qu’il soit à la bonne taille, tout en restant un poème visuel, dénué de but commercial.

Concernant la scénographie, vous avez travaillé avec Victorien Cayzeele, qui a aussi œuvré pour Etienne Daho ou Vitalic. Que vous a-t-il apporté ?

« Victorien était déjà intervenu sur la tournée de We Cut The Night (précédent album du duo datant de 2015, NDLR). C’est un petit génie. Sur scène, nous souhaitons proposer une nouvelle couche de lecture au public. Pour We Cut The Night, nous voulions utiliser des lasers, pour couper la nuit. Pour Anatomy of Light, nous nous sommes demandé avec Victorien comment raconter l’anatomie de la lumière. C’est la première fois que nous construisons un élément physique présent sur scène et non seulement des éléments lumineux. Victorien a créé une forêt de lumières que l’on emporte un peu partout et qui s’adapte aux salles. Cela ajoute le sentiment d’avoir une cathédrale ou des piliers de temple grec derrière nous sur scène. C’est assez fantastique ce qu’a réalisé Victorien sur ce projet.

Pour revenir sur l’album, on s’est dit avec Olivier qu’Anatomy of Light correspond d’une certaine manière au pendant lumineux de We Cut The Night. »

Adaptez-vous votre live selon les tailles des salles dans lesquelles vous jouez ?

« Oui, nous l’adaptons pour ne pas perdre les gens. Pour ma part, j’adore jouer autant dans de toutes petites salles que dans de très grandes installations. C’est encore là une question de s’éloigner de notre zone de confort. J’ai toujours peur de me répéter. Pour nous, il est très important de réorchestrer les morceaux, en passant dans des salles différentes. Il faut que tout cela reste bien vivant. De plus, le Covid a ajouté d’autres inconnus. Aujourd’hui les salles peuvent accueillir 70 % de leur jauge, c’est encore le début du recommencement. Les gens qui viennent sont à la fois des combattants, car ce sont les premiers à revenir au concert. C’est beau et fragile. Les salles ne pouvant pas être totalement remplies, cela donne des choses étranges avec des harmonies de salles bizarres. C’est assez bordélique au final mais c’est très sympa. C’est la vie qui reprend dans tous ses sens, alors pourquoi pas ! Nous vivons un chaos merveilleux où les gens ont envie de retrouver la vibration de la musique. »

AaRON + Bleu Tonnerre, vendredi 15 octobre 2021 à 20h30 au Fil à Saint-Etienne

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