A45 : ce qui pourrait pousser ou non sur sa tombe (3/3)
Peut-on croire à la réalisation des alternatives ? (3/3)
L’A45 est enterrée depuis la caducité de sa Dup (Déclaration d’utilité publique) le 16 juillet. Deux ans auparavant, la préfecture de Région avait lancé une « démarche globale d’amélioration de la mobilité dans le corridor entre Saint-Étienne et Lyon » bénéficiant des 400 M€ promis à l’origine par l’État pour l’A45. Après avoir détaillé, mercredi, l’idée d’un nouveau pont routier sur le Rhône, puis ses projets routier ferroviaires, place ce vendredi au débat politique qu’elle suscite.
Peut-on cette fois y croire ? Pro et anti A45 peuvent légitimement se poser la question au regard du grand écart entre annonces et concrétisation à propos de l’ex-serpent de mer autoroutier. Rappelons, pour ne citer que ces épisodes marquants, l’assurance successive quant à sa réalisation donnée en personne par deux présidents de la République, Nicolas Sarkozy et François Hollande aux Ligériens partisans du projet, lors de visites dans la Loire. Maintenant que l’État travaille à concevoir (ou à y intégrer des projets déjà élaborés) une batterie d’alternatives, ira-t-il jusqu’au bout ? Logiquement, la ligne de partage des politiques ligériens à ce sujet se calque, à chaque fois ou presque, sur celle qui les divisait à propos du projet autoroutier. Ses « ex »-opposants parlent volontiers de leur optimisme. Ses « ex »-partisans moins facilement de leur pessimisme : ni la majorité de Saint-Étienne Métropole, ni celle de la Région n’ont répondu à nos sollicitations. Une problématique centrale que confirment, en revanche, tous les politiques interrogés : pour financer les alternatives, l’État ne compte pas que sur la seule réutilisation de ses 400 M€ autrefois dévolus à la feu A45 mais aussi, au moins en partie, sur le cumul des aides qu’avaient promis la Région, Saint-Étienne Métropole (qui jusque-là continuent à officiellement boycotter la démarche) et le Département, soit 393 M€. Sauf que les trois collectivités ne l’entendent pas de cette oreille…
Régis Juanico, député de la Loire (Génération.S) : « Contrairement à l’A45, les planètes sont alignées et surtout, il y a des élus motivés, côté rhodanien »
Opposant à l’A45, le député stéphanois estime que « ce qui s’élabore aujourd’hui a tiré les leçons d’autrefois. Il y a besoin d’échanges, de compromis entre les élus de la Loire et du Rhône. On a, par le passé, perdu beaucoup de temps à ne pas se rencontrer. Avec la démarche entreprise depuis 2 ans par la préfecture de région qui a reçu carte blanche de la part de l’État, c’est tout le contraire et on avance. Alors, oui, on peut y croire. Contrairement à l’A45, les planètes sont bien alignées pour la concrétisation de ces alternatives et surtout, il y a des élus motivés, côté rhodanien : des parlementaires, ceux du Grand Lyon, le président du Département… La grande différence avec l’A45, c’est cette unanimité. Même si la Région et Saint-Étienne Métropole continuent à officiellement bouder la démarche, des techniciens de la première y sont présents et des élus de la seconde, maires de l’Ondaine et du Gier, aussi. Il faut que ces deux collectivités et le Département accordent leurs financements prévus à l’origine pour l’A45. Sans cela, il se fera quand même des aménagements mais de moindre ampleur. Département du Rhône et Métropole de Lyon vont contribuer. Alors, je suis convaincu qu’ils reviendront à plus de pragmatisme. »
Georges Ziegler, président du Département de la Loire (LR) : « Il ne faut pas compter sur notre ex engagement financier pour les alternatives »
Côté Département de la Loire, le boycott de la démarche préfectorale semble fini depuis déjà dix mois. Mais celui financier reste d’actualité. Son président, Georges Ziegler, l’a répété à IF Saint-Étienne cet été : « Nous comptions effectuer un emprunt de 131 M€ sur 50 ans pour l’A45 et seulement pour l’A45. La parole de l’État n’a pas été respectée, le projet ne se fera pas, nous ne contracterons donc pas cet emprunt. Il ne faut donc pas compter sur notre ex engagement financier pour les alternatives évoquées, nous préférons poursuivre notre désendettement. »
Jean-Luc Fugit, député du Rhône (LREM) : « Il est désormais urgent que tout le monde vienne s’asseoir autour de la table »
Le député de la 11e circonscription du Rhône, celle du canton Givors, est plus qu’un voisin. Longtemps enseignant-chercheur et vice-président de Jean-Monnet, cet ex responsable du PS ligérien a habité Grand-Croix et connaît bien la problématique vue du côté de la Loire. Opposant à l’A45 – « mauvaise réponse à un vrai problème » -, il fait partie de ces élus rhodaniens qui ont pris place autour de la table avec la motivation qu’évoque plus haut par Régis Juanico. Le parlementaire a été un des rapporteurs de la loi d’orientation des mobilités (LOM) et est membre de l’instance consacrée au nœud Ternay/Givors. « Oui, je crois à la concrétisation des alternatives. Parce que les 400 M€ de l’État sont inscrits dans la LOM. Parce cette fois, de nombreux élus, techniciens des deux départements et de l’Etat travaillent la main dans la main sur l’articulation d’aspects routiers, ferroviaires et intermodaux quand l’A45 focalisait les oppositions politiques et géographiques. Les Rhodaniens ont compris leur intérêt et on raisonne davantage sur un grand bassin de vie de 2 millions d’habitants aux enjeux communs. La présence en tant que politiques aux réunions donne un signal de bienveillance à la démarche et entretient de l’exigence, une certaine pression. Alors, il est désormais urgent que tout le monde vienne s’asseoir autour de la table. Une fois les régionales 2021 passées, il n’y aura pas d’élection locale avant 2026. Ce qui libère du temps pour construire. »
Hervé Reynaud, maire de Saint-Chamond et vice-président de Saint-Étienne Métropole (LR) : « Essayons d’être constructifs mais ce grand fourre-tout laisse sceptique »
« On nous accuse de mauvaise volonté ? Il ne faut pas retourner les choses ! » Même s’il s’exprime là en tant que maire de Saint-Chamond, Hervé Reynaud justifie le boycott de la démarche sur les alternatives comme « une décision cohérente de la part de Métropole de la Région et du Département. Avant de discuter « d’alternatives », nous souhaitions que l’État ait le courage d’assumer officiellement sa décision et ne se contente pas de 2 ans de « signaux ». Ça n’a pas été le cas. Ce ne l’est toujours pas puisque malgré la caducité de la Dup en juillet, l’État n’a même pas lancé la procédure permettant de libérer l’utilisation des terrains bloqués par l’A45 ! Maintenant, les choses vont bouger au sein de Métropole, nous allons nous consulter et oui, j’irai désormais à l’instance qui concerne les vallées de l’Ondaine et du Gier. Il faut de toute façon fluidifier et sécuriser la liaison Saint-Étienne/Lyon. Alors essayons d’être constructifs, même si je ne crois pas au travail enclenché. Pour l’heure, je n’ai pas lu des alternatives mais un listing d’idées, un grand fourre-tout qui laisse sceptique, notamment sur ses financements très flous. Quant à la participation de Métropole, il ne faut pas compter sur les 131 M€ : ils ne sont pas provisionnés. Il s’agissait d’un projet d’emprunt obtenu à taux avantageux pour la seule A45, choix de responsables élus représentant la population. »
Jean-Michel Mis, député de la Loire (LREM) : « Rester sur une posture A45 ou rien, c’est facile et contreproductif »
Le député stéphanois a longtemps un défenseur de l’A45. Aujourd’hui, par la force des choses, « j’ai évolué, comme le pays. La loi d’orientations des mobilités (LOM) a changé beaucoup de choses et je siège donc à l’instance sur l’amélioration RN88-A47. Rester sur une posture A45 ou rien, c’est facile à tenir et contreproductif. La politique de la chaise vide ne sert pas à grand-chose, sûrement pas à l’intérêt général. Si les collectivités de la Loire et la Région ne donnent pas de financements comme elles le souhaitaient pour l’A45, alors il y aura moins de réalisations, forcément. La sanctuarisation des 400 M€ accordés par l’État sur ces alternatives est, elle, garantie : en termes d’inscription et de fléchage de la somme, l’A45 n’a jamais eu l’équivalent. Le nouveau ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari ne diverge pas de sa prédécesseur. Enfin, la démarche actuelle fait appel à toutes les sensibilités, elle est beaucoup plus large qu’à une époque où les présidences de Métropole, Département et Région montaient à Paris défendre, seules, l’A45. »
Dino Cinieri, député et conseiller régional (LR) : « Pour l’instant, ce ne sont que des « réunionites » »
Sollicité pour connaître l’avis de la Région, le conseiller régional et député LR pro A45 Dino Cinieri, ne se montre qu’à peine plus loquace que sa présidence : « La position de la Région, c’était l’A45. Quant à ce travail sur les pseudo alternatives, je n’y crois pas. Pour l’instant, ce ne sont que des « réunionites », on se prononcera quand il y aura du concret, des projets chiffrés. »
Jean-Charles Kohlhaas, vice-président aux déplacements de la Métropole de Lyon (EELV) : « Prêts à mettre de l’argent dans les aspects ferroviaires et intermodaux. »
Si la présence des Rhodaniens depuis 2 ans sera décisive selon les défenseurs de la démarche, qu’en pense la nouvelle majorité écologiste de la Métropole de Lyon ? « Nous avions suivi les débats et serons bien présents aux réunions, dès ce vendredi pour l’instance sur le nœud de Givors-Ternay, répond Jean-Charles Kohlhaas, vice-président aux déplacements. S’il y a bien une vision globale de la problématique, nous avons quand même le sentiment que cela va plus vite sur le volet routier. Nous ne sommes pas forcément opposés à un nouveau pont sur le Rhône avec toutes les garanties que cela doit avoir pour l’impact sur la population, ni à la sécurisation et la fluidification des axes comme l’A47. Mais nous n’avons pas à financer ces projets-là. On a parlé de la Métropole pour doubler l’axe Brignais/Beaunant et réaménager la sortie Solaize sur l’A7 ? L’abandon de l’Anneau des sciences a rendu caduc le premier projet. Pour le second, il n’est pas question de substituer à l’État surtout avec les portions d’A6 et d’A7 qu’il nous a transmis dans un état lamentable et dont il exige la mise aux normes. En revanche, nous avons rencontré la préfecture la semaine passée pour signifier que nous sommes prêts à mettre de l’argent – et beaucoup – dans le ferroviaire et l’intermodal. Déjà avec plusieurs dizaines de millions pour l’extension du tram train de Brignais à Givors. Cela permettra de diminuer la pression automobile sur Givors. Nous voulons aussi contribuer à l’amélioration sur notre territoire des lignes ferroviaires Saint-Étienne/Part-Dieu et Saint-Étienne/Givors/Perrache, mise à mal par une réduction de la fréquence en 2016. On peut déjà être sollicité hors compétence. Mais la loi va amener une nouvelle mouture de l’établissement public qu’est le Sytral en 2022 intégrant infrastructures et exploitation du ferroviaire, en lien avec la Région. Une sorte d’Île-de-France Mobilités à l’échelle lyonnaise. »