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vendredi 19 avril 2024
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Aprotek, l’entreprise du Forez qui propose de solidifier l’eau

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C’est une des six championnes de la croissance 2023 de la Loire mises en évidence par le classement de nos confrères des Echos. Encore TPE, l’entreprise de Saint-Romain-le-Puy fondée il y a 10 ans par un ex de SNF, Stéphane Delheur, a mis au point un procédé permettant de solidifier l’eau via des polymères « superabsorbants » sous forme de poudres. Il trouve l’essentiel de son application dans la fixation des boues d’épuration ou de chantier, polluées ou non. Actuellement…

Solidification de boues au sein d’une station d’épuration grâce aux polymères de la gamme Apromud. ©Aprotek

Stéphane Delheur a eu du nez : sa poudre blanche à lui n’a, semble-t-il, que des vertus. C’est la forme sous laquelle se présentent ses polymères « superabsorbants » ou « supersasséchants », si on préfère, qu’adapte et vend, au cas par cas, sa société Aprotek. Le Forézien, ingénieur agronome de formation est bien sûr à une galaxie de tutoyer des géants de la chimie et du traitement des eaux comme le Ligérien SNF – ETI connue, entre autres, comme un leader mondial pour ses floculants destinés à la décantation des eaux et des boues polluées – qu’il a quitté voilà plus d’une décennie pour devenir entrepreneur. Non pour prétendre en devenir un concurrent, loin de là, ni même une future « licorne » dont il n’a pas envie, mais pour lancer sur le marché un procédé qu’il a breveté. Fondée en 2013, installée à Saint-Romain-le-Puy, des brevets, Aprotek en collectionne désormais une douzaine. Moins de la moitié est actuellement utilisée.

Ce qui n’empêche pas la TPE qui ne compte encore que sept collaborateurs aux tâches encore très polyvalentes, de se tailler un marché toujours plus important si on se fie à son chiffre d’affaires, passé en quatre ans de 2018 à 2022 de 1,36 M€ à 3,2 M€ (soit + 132 % en cinq exercices). Privés ou public, des clients modestes ou prestigieux, comme le Grand Paris, font ou ont fait appel à elle. Et 60 % de l’activité est déjà réalisée à l’export. En UE mais aussi en grande partie aux Etats-Unis où Aprotek compte une implantation et pourrait poursuivre son développement tant la demande et ses volumes y sont conséquents. Par rapport à la veille du Covid, certains plans ont été revus mais l’entreprise poursuit sa marche en avant. Modestement et sans afficher d’autre objectifs que de « continuer la croissance et le développement », nous précise son responsable marketing Vincent Petry. En 2023, vont cependant être recrutés un nouveau responsable de projets mais aussi un responsable d’atelier.

100 % recyclés, 100 % biodégradables

L’entreprise va investir dans un agrandissement de ses capacités de stockage. ©Aprotek

Et pour cause : Aprotek va investir 500 000 € pour augmenter de 50 % sa surface de stockage à la ZA Les Épalits où elle est installée. La TPE souhaite, en effet, continuer à avoir la main sur son process de production, de transformation plutôt, alors qu’il s’agit d’amplifier la cadence en raison de sa montée en puissance. Aprotek anticipe : sa capacité actuelle de stockage de 500 t ne sera bientôt plus suffisante. Dans son entrepôt, des balles de poudre blanche arrivent et repartent. Il s’agit des fameux polymères en question. Cette classe de matériaux recouvre les matières plastiques, les caoutchoucs naturels ou synthétiques, les colles, les peintures mais aussi les fibres dites naturelles. Réduits à l’état de poudre, les polymères utilisés par Aprotek sont, eux, non seulement 100 % biodégradables mais aussi à 100 % issus d’une revalorisation. « Nous les récupérons auprès d’industriels qui travaillent, essentiellement pour le marché de l’hygiène, précise Vincent Petry. Il s’agit de stocks inutilisés car ne répondant pas parfaitement à leurs cahiers des charges. Ils ont les caractéristiques dont nous avons besoin. »

Absorbants, asséchants, ils sont ensuite modifiés et dosés par Aprotek sur mesure, en fonction des besoins du client. Près de 95 % de l’activité actuelle est portée par les gammes de sa marque Apromud destinée à rendre considérablement plus « pelletable » les boues trop liquides. C’est-à-dire les boues de chantiers, de bétons et retours béton, de process industriels, de process miniers (charbon/boxite/fer, etc.), les boues de chantiers polluées et pétrolières SSP, celles biologiques de stations d’épuration. Apromud permet encore le curage de lagunes et de sédiments de dragage ou encore de lixiviats de méthanisation et de décharges, et même la « neutralisation des eaux contaminées, comme celles de centrales nucléaires » ! Le polymère superabsorbant a en effet la capacité « d’absorber jusqu’à plusieurs milliers de fois sa masse en eau ou en liquide organique, décrit la société. Sous forme de poudres blanches, les polymères superabsorbants (SAP) ont une capacité d’absorption qui permet de rendre les liquides solides tout en bloquant les lixiviats ».

Labellisée par Solar Impulse

Différents polymères superasborbants avec des granulométries différentes pour des applications différentes. ©Aprotek

Appliquée et mélangée à la main en cas de surface modeste, sinon au godet, la poudre, dont l’utilisation est présentée sans conséquences pour l’Homme et l’environnement, permet ainsi, en déshydratant la boue – seulement solidifiée, l’eau ne s’évapore pas – en un dizaine de minutes de fortement faciliter l’excavation mais aussi « d’optimiser le volume de chargement utile des camions de 30 à 40 %, d’économiser de la main d’œuvre et de l’énergie (20 à 40 % de camions en moins sur les routes), de sécuriser le transport en réduisant considérablement la possibilité qu’il s’échappe des bennes des éléments pollués par exemple », liste Vincent Petry. Considérablement plus efficaces et bien moins coûteux en temps et en argent que les centrifugeuses géantes et autres filtre-presses achetés ou loués par nombre de ses clients potentiels. Ceux-là seront a priori plutôt de taille mais Aprotex s’adapter aussi aux plus modestes.

Le succès croissant d’Apromud a pris une grande partie de l’énergie de l’entreprise forézienne ces dernières années. Mais Stéphane Delheur, son propriétaire-dirigeant à 100 %, ne souhaite pas à ce stade lui donner un destin de licorne et partir sur une croissance exponentielle à coup de levées de fonds. Même si Aprotek a été labellisée en avril 2020 par la Fondation Solar impulse au titre des 1 000 solutions viables pour une croissance qualitative. Car bien d’autres applications peuvent découler de ses brevets. Certaines en découlent d’ailleurs déjà : gestion des fuites avec la gamme Colmatek composée de polymères organiques ayant de fortes performances de gonflement et d’élasticité. De quoi stopper jusqu’à 90 % des pertes en eau d’une lagune, d’un bassin, d’une digue, d’un conduit etc. Autre exemple : l’idée de développer, pour l’instant, une start-up filiale, Ausec, dédiée à aider les particuliers à prévenir les inondations.

Pompage et économie d’eau

L’idée est de proposer des sortes de pais barrières ultra-absorbantes à disposer devant les habitations. Associant tissage et polymères, 200 g du produit suffiraient à eux seuls à absorber 20 l d’eau. Un tapis pourrait ainsi créer une bannière étanche jusqu’à une hauteur d’eau de 30 cm. Autrement plus délicate à développer, une autre application pourrait concerner une économie de consommation d’eau considérable des plantes. Des sortes de boudins enterrés sous les plantes avec des chambres contenant le produit capable ainsi d’« encapsuler » l’eau infiltrée dans la terre sous forme de gel, retenir les nutriments et diffuser l’humidité petit à petit en attendant une pluie – pourquoi pas ? –, sinon le prochain arrosage. De quoi diviser par deux le rythme de ce dernier et la consommation globale d’eau d’environ 30 %. Mais si quelques collectivités locales sont déjà clientes et s’en approvisionnent, elles le font uniquement pour leurs jardinières et parterres fleuris.

Car il ne faut surtout pas parler de réserves d’eau – c’est à ce stade illégal en France – ce dont se garde d’ailleurs tout à fait Aprotek qui présente sa solution seulement comme étant seulement « un système de drainage pour l’optimisation de l’irrigation de l’eau » surtout pas destiné à la culture nourricière. Si cela est possible en Belgique ou encore aux Pays-Bas, en France, il faudrait en effet pour cela que l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, donne son feu vert. Ce qui signifierait de très coûteuses études pour prouver l’absence de conséquences de ces polymères biodégradables sur la santé du consommateur. Apparemment personne ne souhaite financer. Hier, les agriculteurs ligériens ont défilé dans les rues stéphanoises. Parmi leurs revendications, la sécurisation de l’approvisionnement en eau et la mise à jour d’un sens des priorités hexagonal qu’ils jugent quelque peu… kafkaïen. Cas d’école ?

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