BioSpeedia ne s’arrête pas au Covid
C’est une brique de plus ajoutée en 2019 à l’écosystème médical stéphanois. Et quelle brique : start-up devenue depuis peu TPE, BioSpeedia a fait beaucoup parler d’elle en concevant avec le CHU l’un des premiers tests rapides diagnostiquant le Covid, depuis, distribué à 6 millions d’exemplaires dans le monde. Une aventure entrepreneuriale lancée par deux anciens chercheurs de l’Institut Pasteur Evelyne Bégaud et Yves Germani. Celle-ci n’a pas été engendrée par le coronavirus et ne risque pas de s’arrêter avec lui…
Ce n’est pas le Covid qui a fait venir BioSpeedia à Saint-Etienne. Mais c’est bien la pandémie qui l’a fait passer du statut de start-up à celle de TPE. Chercheurs expérimentés de l’Institut Pasteur, Evelyne Bégaud et Yves Germani ne voyaient pas la retraite comme une perspective – ils ont aujourd’hui respectivement 69 et 63 ans – lorsqu’ils décident, il y a 10 ans, de lancer leur propre société. Bénéficiant de la confiance et du soutien de leur ancien employeur matérialisé par une licence, BioSpeedia est souvent décrite comme un « spin-off » de l’Institut Pasteur.
Si on remonte plus loin encore, il y a un parcours professionnel marqué par des périodes internationales. En Afrique en particulier où Yves Germani a travaillé autour du diagnostic plus de sept années consécutives. C’était à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, de 1995 à 2003. « L’idée de BioSpeedia vient en grande partie de ce que nous avons pu observer là-bas. Avant l’arrivée des tests rapides, dans les pays développés comme la France, les malades pouvaient déjà compter sur un maillage de laboratoires d’analyse dans toutes les moyennes et grandes villes. Mais dans les pays africains, il n’y a rien ou presque de cela. »
L’histoire de BioSpeedia est intimement liée à Saint-Etienne
Concevoir et développer des prototypes préindustriels de tests diagnostic rapides pour déceler et soigner plus rapidement les maladies infectieuses, dans un premier temps les méningites et les diarrhées bactériennes, virales et parasitaires : c’est à l’origine de BioSpeedia. Ne serait-ce que pour sa facilité de diffusion, le concept intéresse l’OMS et les pays en voie de développement. Pour ajouter à leurs compétences une dimension entrepreneuriale, Evelyne Bégaud et Yves Germani vont retourner sur les bancs de l’école. Ceux prestigieux d’HEC (École des hautes études commerciales) Paris/Saclay. Leur bébé sera dans un premier temps cocooné dans la capitale au sein de l’Institut Pasteur et à IncubAlliance, à Paris-Saclay. En 2017, BioSpeedia met au point un kit de diagnostic pour détecter rapidement la méningite bactérienne à méningocoque en utilisant du liquide céphalo-rachidien puis en utilisant des échantillons d’urine.
L’histoire avec Saint-Etienne avait alors déjà commencé. Elle remonte même aux débuts de la société avec un doctorant stéphanois venu travailler en son sein puis des échanges de plus en plus nourris virant à la collaboration étroite avec le CHU de Saint-Etienne. Jusqu’au développement, déjà, de solutions diagnostic communes. Au centre du rapprochement : Bruno Pozzetto, chef du service virologie de l’établissement stéphanois. « Quand il a fallu trouver de nouveaux locaux pour le développement de BioSpeedia, c’est lui qui nous a convaincus de venir à Saint-Etienne, raconte Yves Germani. L’Ecole des Mines nous a ainsi mis à disposition des locaux en juillet 2019. Avant que nous nous installions donc au Canopé en juillet dernier, à proximité du CHU. »
L’apport des fonds américains
La France manque souvent de culture du risque pour l’investissement. Aucun fonds n’avait accepté de nous financer comme eux.
Yves Germani, co-fondateur de BioSpeedia
La collaboration avec l’écosystème stéphanois – la recherche universitaire donc mais aussi ses entreprises spécialisées dans le médical – va prendre encore plus d’ampleur avec le Covid faisant en quelques mois de BioSpeedia un des leaders français des tests rapides des maladies infectieuses. L’histoire a été très médiatisée : mettant leur savoir-faire au service de la lutte contre la pandémie, leur test nasopharyngé rapide mis au point en collaboration avec le CHU – leur deuxième brevet commun – obtient l’aval des autorités sanitaires nationales et internationales. Il est mis sur le marché à la fin de l’automne 2020, soit 9 mois après s’être mis autour de la table. Avec l’aide de la municipalité, 7 000 Stéphanois ont participé à ses tests lors de son élaboration.
Depuis, 6 millions de ces autotests dont la production a été confiée à un industriel lyonnais, Delpharm Biotech, mais distribués en France par une autre entreprise stéphanoise, DTF médical, ont été vendus. BioSpeedia n’en serait pas là non plus sans l’arrivée décisive du fonds d’investissement américano-irlandais Forepont Capital Partners. Développer les tests exige des investissements colossaux, jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros pour un prototype. « Leur apport est inestimable. Ce n’est pas un fonds comme les autres, il n’y a pas d’objectif de revente, de plus-value rapide. Il est porté par des familles fortunées et a une vraie dimension humaine », souligne Evelyne Bégaud.
L’activité R&D sur Saint-Etienne va s’intensifier
« La France manque souvent de culture du risque pour l’investissement. Aucun fonds n’avait accepté de nous financer comme eux, ajoute Yves Germani ». Forepont Capital Partners amène de l’argent mais pas seulement. Interrogé en mai par Maddyness.com, Julien Tizot, l’un de ses responsables est devenu temporairement directeur général délégué de BioSpeedia. Il confiait alors à nos confrères : « Nous avons complété leur expertise en investissant un million de dollars en equity et plaçant plusieurs personnes afin de gérer les aspects opérationnels. » Selon le site, l’entreprise engrange aujourd’hui 12 millions de dollars de chiffre d’affaires. D’autres investisseurs américains ont également souhaité investir.Dont un fonds familial avant même Forepont. « Là, on ne s’y attendait même pas : c’est à l’issue d’une visite presque anecdotique à l’Institut Pasteur où nous avons, entre autres, évoqué ce que nous faisions, qu’ils nous ont surpris en nous lançant dans la voiture qui les ramenait un « Combien ? ».
Le développement de BioSpeedia ne va donc pas s’arrêter là. Passée de six à sept membres avec l’arrivée d’un nouveau thésard en 2022, l’équipe continue de grandir. Ils seront 11 au second trimestre puis peut-être même une quinzaine d’ici la fin 2022 avec des nouveaux projets et de nouveaux tests rapides en gestation sur des pathologies comme la méningite et d’autres encore. Quant à ceux du Covid, certes légèrement plus coûteux que la concurrence, leur qualité supérieure à la moyenne du marché international marque de plus en plus de points. Ce qui pourrait déboucher sur de nouvelles ventes conséquentes. Si l’entreprise n’a pas vocation à développer, à terme, son propre appareil industriel, elle devrait en revanche intensifier prochainement, à Saint-Etienne, son activité de R&D en collaborant avec l’Institut Pasteur à Paris.