Casino : le tsunami annoncé pour la Loire n’a pas encore fait trop de vagues
A quel point la déchéance de Casino a-t-elle impacté l’écosystème de la Loire ? Le document de synthèse de l’enquête lancée en juillet auprès de 4 000 entreprises potentiellement concernées par la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne n’est pas accessible à la presse. Néanmoins, Irène Breuil, présidente de la délégation stéphanoise, nous en a donné les grandes lignes et répondu à nos questions. A ce stade du moins, si l’effet constaté sur l’écosystème local n’est pas négligeable, il est globalement « plutôt rassurant ».
« Confidentiel ». Malgré notre insistance et notre assurance de ne citer aucun nom des entreprises concernées apparaissant sur le document, les services de la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne – pour rappel, les trois ayant fusionné en janvier 2016 avec un siège à Lyon et deux délégations dans la Loire – ne souhaitent pas transmettre la fameuse « étude d’impact ». Seulement en donner les grandes lignes. Il s’agit pourtant de la première mesure concrète des conséquences effectives de la déchéance de Casino sur l’écosystème ligérien, puisque issue d’un sondage massif auprès de ce dernier. Comme nous l’indiquions le 12 juillet, l’étude a été lancée par les services de la CCI au début de l’été dernier à la demande de la préfecture de la Loire et de Saint-Etienne Métropole en impliquant France Travail ainsi que la CMA, la CPME ainsi que des réseaux et clubs d’entreprises territoriaux pour le relayer. Mais ni annonce, ni présentation médiatisée volontairement, ne serait-ce que par simple communiqué, à son lancement.
Pas plus qu’un bilan détaillé à la presse une fois les résultats connus, analysés, synthétisés. Pas de vagues donc autour de la réalité – du moins à la mi-2024 – du tsunami pronostiqué par beaucoup pour l’économie ligérienne. Cela, dès fin 2023 avec l’enveniment dramatique et dans des proportions inattendues par le grand public de la situation de son fleuron, le groupe Casino. Une discrétion qui peut paraître étonnante mais l’objectif principal, qui nous a été rappelé à la suite de nos sollicitations pour obtenir les résultats cet automne, il est vrai, consistait avant tout d’apporter une assistance aux TPE / PME faisant part de difficultés liées et leur semblant inextricables au point de craindre pour leur avenir. Afin d’obtenir une vision complète de la situation et de mieux accompagner les entreprises du territoire se disant impactées par la restructuration du groupe Casino, un questionnaire en ligne, quelle que soit la taille de l’entreprise, pouvait ainsi être complété durant l’été en quelques minutes. Des milliers ont ainsi été averties d’une manière ou d’une autre, par leur réseau et/ou du mailing. Démarche complétée par une campagne téléphonique. L’enquête s’est finalement achevée fin septembre.
4 000 entreprises ont été sollicitées
Si selon les syndicats, un total d’environ 3 800 postes sur environ 50 000 ont été ou vont être supprimés à l’échelle de la France, surtout en raison des sites (hypers, supers et centres logistiques) n’ayant pu être transférés, la perte directe d’emplois – en cours d’application – pour le Sud Loire est connue. Elle se concentre essentiellement dans la réduction du nombre de postes affectés au siège de Châteaucreux, ce qui reste du groupe Casino (basé sur la conservation des enseignes de proximité) y conservant environ 1 000 emplois – grâce, aussi, à des transferts de services depuis les implantations d’Ile-de-France – sur un peu plus de 1 500 qui y travaillaient à l’origine. L’ancrage territorial de Casino dans la Loire et la présence du siège l’amenaient, forcément, à faire appel à de nombreux sous-traitants locaux. De l’artisan à la PME jusqu’aux restaurateurs et autres, des environs ou non, en tout cas fréquentés par des employés et/ou sollicités par des services désormais moins nombreux.
Cas immédiatement connu et pour qui il est déjà trop tard, l’implantation stéphanoise de l’entreprise de communication Gutenberg, très, très dépendante des ex-supermarchés et hypermarchés du groupe, et contrainte de se séparer d’au moins une soixantaine de ses 91 salariés. Et pour les autres ? Si depuis Lyon, la CCI n’a pas souhaité transmettre le document en soi, Irène Breuil, la présidente de la délégation de Saint-Etienne, a bien voulu nous en donner les grandes lignes et répondre à nos questions. « Nous avions identifié, en amont, environ 4 000 entreprises de la Loire, des fournisseurs, des partenaires et prestataires de Casino, quel que soit le volume visible d’affaires. Ce nombre inclut des commerces et des restaurateurs qui ont été interrogés, oui on a été à ce niveau de finesse. Tout cela a été élaboré au printemps : il y avait nos fichiers, nos outils, notre propre prospection et nos échanges avec nos partenaires comme la CPME ou encore la CMA où sont enregistrées les TPE de moins de dix salariés, clusters et clubs d’entreprises afin d’essayer de recouvrir et alerter le plus grand nombre possible d’entreprises potentiellement concernées. »
Et moins de 400 ont répondu
Sur ces 4 000 entreprises, moins de 10 % ont répondu faisant ainsi part de leur bilan d’activité mi 2024 au regard de l’impact causé par ses nouveaux rapports ou la perte de rapports avec le nouveau Casino. Déduction d’Irène Breuil : « L’impact, du moins à ce stade, n’est pas aussi catastrophique que l’on pouvait craindre à l’échelle du département. C’est plutôt rassurant, bon nombre de chefs d’entreprises ayant sans doute anticipé ou pu anticiper la réduction de leur dépendance vis-à-vis de Casino (mises au grand jour il y a 14 mois dans une ampleur globalement insoupçonnée, les difficultés montantes du groupe ne datent en effet sûrement pas de 2023, Nldr). On a même relevé des remarques de fournisseurs restés référencés qui se voient davantage sollicités par le groupe (dans le cadre de son repositionnement stratégique ?) et craignent d’être en difficulté pour avoir du mal à suivre les demandes ! Ce qui, à l’échelle des plusieurs entreprises, comme Gutenberg, n’enlève évidemment rien à ce qu’elles ont subi de leur côté, subissent ou risquent de subir. »
Sur les un peu moins de 400 répondants, l’écrasante majorité est composée de TPE, évoluant dans des secteurs variés mais, pour les plus nombreuses (pas de proportion communiquée), dans la restauration et les services à la personne. « Suivent dans une moindre mesure, des entreprises dans les services ou industrielles, note Irène Breuil. Pour un tiers des répondants, le recul de chiffre d’affaires lié tourne autour de 20 % avec un impact davantage sur leur trésorerie, leurs investissements mais encore assez relatifs sur leur nombre d’emplois. La plupart des touchées n’avaient pas encore licencié pour cette raison. » Les cas les plus graves – avec un chiffre d’affaires majoritairement dépendant de Casino et donc en grande partie mis en péril – serait de l’ordre de quelques dizaines.
Le cri d’alarme enregistré, comment se voient-elles aidées pour éviter d’aller droit dans le mur ? « Si elles confirment leur demande d’aide dans le cadre de l’enquête, il s’agit du coup de leur fournir gratuitement un accompagnement par nos services – c’est notre rôle de facilitateur – et partenaires en gestion, stratégie et développement commercial afin de passer ce cap, se diversifier. De l’audit, de la mise en relations… C’est d’autant plus important avec ce profil de TPE qui très souvent manquent de moyens, de ressources dans ce domaine. Il y a parfois des habitudes, une routine prise qu’il faut parvenir à faire évoluer. Et isolé, ce n’est pas évident. »