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samedi 14 décembre 2024
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Centenaire, la maison Souchon Boissons a bien digéré

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Basé à La Ricamarie, le grossiste fournisseur en boissons pour 1 400 établissements CHR (cafés hôtels restaurants), référence sur son créneau dans la Loire, affiche 102 ans au compteur. Souchon Boissons a fêté début octobre, en « B to B », un centenaire indissociable d’une histoire de famille (s), avec un décalage dans le temps à mettre sur le dos de la pandémie. Terrible séisme dont le distributeur aux 110 collaborateurs se serait bien passé mais désormais (très) largement digéré.

Daniel Souchon au milieu de ses trois fils représentant la 4e génération à la tête de l’entreprise, de g. à d. Philippe, Hugo et Rémi. Photo transmise par l’entreprise

Nous l’avions laissée pas loin du fond du verre, en tout cas en plein dans le trouble. Celui de la pandémie et d’un moins 40 % de chiffre d’affaires essuyé en 2020. C’était en février 2021 et Souchon Boissons Services venait alors de s’associer à une demande désespérée de la part de son secteur afin d’obtenir un soutien de son activité à la même hauteur de celui accordé par l’Etat à ses clients, les cafés hôtels restaurants (CHR) fermés de longs mois durant par les autorités. Ce qui revenait à bloquer à 100 % aussi l’activité de fourniture de boissons. Fond de soutien spécifique (un décret daté du 28 janvier 2021 a accordé, aux entreprises de catégorie « S1 bis » une aide équivalente à celles « S1 » tout court) finalement obtenu et qui, en s’ajoutant aux autres plus uniformes du « quoi-qu’il-en-coûte » – PGE, chômage partiel… –, lui a finalement permis de passer le cap. Et ainsi de rejoindre, un an plus tard, le club des entreprises du département affichant 100 ans d’existence. Derrière le fournisseur en boissons de 1 400 établissements de la Loire, il y a une histoire aussi 100 % familiale que son actuel capital.

Philippe et Rémi, rejoints plus tard par Hugo le benjamin, ont pris le relais en 2013 de leur père Daniel, 71 ans. « Dans son discours de « départ », il avait indiqué qu’il ne prenait déjà plus une décision sans nous consulter depuis quelques temps, raconte le cadet Philippe. Bon, 11 ans après, il est encore régulièrement à nos côtés mais maintenant la logique de décision / consultation s’est inversée ! » Le trio représente désormais la 4e génération familiale à la tête de la maison Souchon Boissons, fondée en 1922 par leur arrière-grand père. Ce n’était pas un « Souchon » mais un certain Ganivet, Joseph de son prénom. Un exilé de la ruralité venu comme tant d’autres de Haute-Loire qui tenta alors d’échapper à l’usine en reprenant l’affaire d’un limonadier appelou. « Il livrait avec la marchandise portée par un cheval les cafés, épiceries et particuliers en limonade surtout, un peu en eau ou jus de fruits, dépeint Philippe Souchon. C’était un travailleur acharné : avec sa première paie quand il est arrivé de Haute-Loire, il avait acheté un réveil ! Ce réveil, nous l’avons conservé : il est dans une vitrine dans nos locaux. »       

L’accélération et la période Rouchon Souchon

Dans les années 1950, ce n’est pas à une de ses deux filles qu’il va progressivement transmettre son affaire – une possibilité très très peu envisageable dans la mentalité de la société patriarcale de l’époque – mais à son gendre Lucien Souchon, jusque-là boulanger. Toute la famille vit dans la partie supérieure d’une maison de ville de Firminy dont le rez-de-chaussée est dévolu au stockage de la marchandise. « C’est là qu’est né mon père en 1953 puis sa sœur en 1956. Lui y vit toujours d’ailleurs et nous y avons grandi tous les trois », raconte encore Ph. Souchon. Titulaire d’un doctorat en économie, Daniel Souchon à l’origine ne se destinait pas et n’était pas plus destiné par ses parents à reprendre ce qui est encore une affaire très modeste malgré la mise à la retraite des auxiliaires équestres au profit des camions de livraisons. Mais l’affect l’emporte et le voilà parti donner une autre dimension à Souchon, associée à partir des années 1980 à une autre famille : les Rouchon (d’où l’appellation pendant longtemps de Rouchon Souchon qui parlera moins à nos plus jeunes lecteurs), spécialisée dans le vin.

Conformément à des besoins plus modernes, la fourniture de boissons est devenue plus large, complète, ayant intégrant celles alcoolisées. Et la mention Rouchon Souchon fleurit alors dans les bars cafés de l’agglomération. La logistique se modernise, les locaux se multiplient. Depuis 2005, l’entreprise les a centralisés dans 6 000 m2, bureaux compris à La Ricamarie. Mais l’association avec Rouchon n’aura été finalement qu’une longue parenthèse dans cette histoire. « En 2002, la famille a vendu des parts à Kronenbourg qui comme beaucoup de grands producteurs souhaitait alors maitriser toute la chaine de valeur jusqu’à la distribution dans les débits de boisson. Mais cette politique pour Kronenbourg, comme les autres, s’est heurtée aux réalités du terrain, sa gestion du dernier kilomètre, la proximité, la souplesse et le relationnel qu’il exige vis-à-vis du client, analyse Philippe Souchon. C’est ce qui fait la force et le maintien très fréquent sur des territoires relativement restreints de « petits » (par rapport aux groupes, Ndlr) distributeurs comme nous : nos acheteurs ne sont pas des numéros de dossier. S’il y a « Services » après « Boissons » dans notre nom, ce n’est pas pour rien. Un client peut appeler en cata après les exigences de délais théoriques pour le livrer, on ne le laissera pas tomber. »

Le chiffre record de 2019 battu dès 2022

En tout cas, le groupe Kronenbourg est parti en 2012, les Rouchon avec. Souchon a depuis retiré ces derniers de son appellation et poursuivi son bonhomme de chemin familial. Plutôt bien, puisque son CA croissant avait atteint un record de 22 M€ de CA en 2018/19, juste avant le siphonage du Covid pour des références toujours plus nombreuses – environ 3 000 de nos jours – sur une zone de chalandise où l’entreprise est leadeur des distributeurs livreurs (il y en a toutefois quelques autres et un débit de boissons peut évidemment toujours se fournir au sein de la grande distribution spécialisée). Celle-ci s’étale sur les deux tiers sud de la Loire et l’est de la Haute-Loire, après le rachat d’un « petit » encore plus petit, et familial aussi, Udivel, basé au Puy-en-Velay, il y a déjà 7 ans. Exit, en revanche, il y a peu la tentative de croissance externe vers le sud avec la prise de propriété de Gévaudan Boissons à Mende en Lozère : « Ce que j’ai dit tout à l’heure pour les grands groupes vis-à-vis d’entreprises de notre calibre s’est révélé vrai aussi, à notre échelle, avec cette extension trop éloignée de nos bases », explique, fair play, Ph. Souchon.

1 400 établissements CHR représentent environ 85 % de l’activité de Souchon, complétée de services complémentaires comme l’entretien / nettoyage des tireuses à bières et machines à café, « tache essentielle dans l’intérêt du bar comme du fournisseur que nous sommes. C’est le goût de la boisson qui est en jeu ». Ils sont une grosse centaine en comptant Udivel donc à travailler pour Souchon, dont une bonne moitié affectée à la logistique : chauffeurs, livreurs, préparateurs… « Nos équipes et les relations qu’elles tissent avec nos clients, c’est une dimension fondamentale. Nous avons des gens qui travaillent chez nous depuis plus de 30 ans. L’ancienneté moyenne est de 13 ans. C’est cela, argue Ph. Souchon, l’humain – d’où les silhouettes de notre logo d’ailleurs – que l’on a voulu célébrer lors de notre fête d’anniversaire entre nous et avec nos clients. Ce qui a été fait en deux temps du coup : un vendredi puis un dimanche pour intégrer les seconds qui le pouvaient. »

Pas de licenciements durant le Covid, ni à sa sortie malgré le PGE à assumer. Et pour cause : l’activité est repartie sur les chapeaux de roue : tombé à un angoissant 13 M€ en 2020/21, le CA est remonté à 25 M€ en 2021/22, 29 M€ en 2022/23. Idem en 2023/24 et nettement au-dessus du record pré-Covid. « Attention, il y a aussi l’inflation dans tout ça !, tempère Philippe Souchon. Mais il est vrai qu’en gros, la moitié de cette progression est réelle, hors inflation. L’enthousiasme post covid a sans doute joué. Mais évidemment, comme partout, le climat actuel est désormais plutôt au repli. » Reste que le rebond du centenaire a été d’une ampleur qui aurait relevé du rêve inaccessible un certain mois de février 2021. L’entreprise Souchon sait décidément d’où elle est vient.

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