Conjoncture : la « résilience » 2022 tiendra-t-elle le coup en 2023 ?
Associée comme en 2022 à la CCI et rejointe cette année par la CMA et la Chambre d’agriculture de la Loire, la direction Loire de la Banque de France a présenté le 21 février un point sur la situation macroéconomique à l’échelle d’Auvergne Rhône-Alpes. Son enquête annuelle menée en fin d’année auprès de milliers d’entreprises donne un bilan 2022 globalement plus positif que prévu. Mais les prévisions 2023 sont, elles, plus pessimistes sans pour autant être catastrophiques.
Pas ou très peu de chiffres à l’échelle de la Loire dans cette présentation. Les moyens publics manquent de partout, y compris apparemment pour les sondeurs de la Banque de France… La « photographie » macro-économique 2022 qu’elle réalise à l’échelle régionale mérite, quoi qu’il en coûte, davantage qu’un coup d’œil au sein d’une époque marquée au fer rouge par le manque de visibilité et des « crises » ayant la fâcheuse tendance à se chevaucher. Quand il s’agit de conduire, l’utilisation de rétroviseur n’est pas de trop, même si regarder devant reste le plus important.
Il y a un an, le bilan 2021 s’était révélé bien plus positif que ce qui était craint quelques mois plus tôt. Le rebond « post-covid » avait été en effet plus intense que prévu et les perspectives 2022 plutôt optimistes. Qu’est-ce que cela a réellement donné un an plus tard après l’éclatement d’une guerre sur le sol européen, des tensions internationales inimaginables il y a 25 ans et l’explosion des coûts énergétiques ?
4 300 réponses sur quatre indicateurs
Eh bien pas si mal que ça à en croire l’enquête menée de la fin novembre 2022 à la mi-janvier 2023 auprès de milliers d’entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes. Ce qui au moment de la présenter devant le nouveau préfet de Loire, Alexandre Rochatte, le président du Département de la Loire Georges Ziegler ou encore celui de l’université Jean-Monnet Florent Pigeon, au sein du campus stéphanois de l’EM Lyon a fait prononcer à Christine Gord, directrice Loire de la Banque de France le mot « résilience ». Mot à la mode certes, mais ici « absolument pas galvaudée », a-t-elle précisé pour qualifier l’année écoulée. Bien que consciente, plus que quiconque, de l’utilisation des fonds publics pour éviter une récession qui guette, elle, l’Allemagne au prix d’une dette publique nationale passée au-dessus de la barre des 110 % du PIB depuis 2020 (pour la voir sous les fameux 60 %, il faut remonter à 2000) et qui le sera encore selon les prévisions en 2024.
Précisons que cette enquête régionale a obtenu 4 300 réponses sur quatre indicateurs estimatifs : chiffre d’affaires, effectifs, investissement et rentabilité. Les entreprises du secteur industriel ayant répondu représentent 42 % des effectifs du secteur dans la région, celles des services 14 % et celles de la construction 24 %. Effet retardateur du « quoi qu’il en coûte » ? Les défaillances tombées très bas en 2020, encore plus bas en 2021 sont certes remontées de 37 % (environ 4 700) en 2022 par rapport à 2021 mais restent inférieures de 22 % par rapport à 2019 (environ 6 000 enregistrées) suivant une courbe conforme à celle nationale. Au niveau du chiffre d’affaires (CA), les résultats 2022 ont été supérieurs aux prévisions, logiquement positives, après le terrible trou d’air de 2020.
Dans l’industrie
La hausse globale du CA dans l’industrie a été finalement de + 12 % comme en 2021 et au lieu des 7 % prévus. Niveau effectifs, la réalité est plus conforme aux attentes : + 2,7 % pour 2,8 %. CA ou effectifs, ce sont les entreprises du secteur estampillé « produits informatiques-électroniques-optiques » qui ont le plus progressé suivi, pour ce qui est du CA, de l’industrie chimique, du « travail du bois, papier, imprimerie » et de la métallurgie. En janvier dernier, le dynamisme du secteur « produits informatiques-électroniques-optiques » s’est poursuivi à l’inverse de la chimie en repli depuis décembre. L’export global, remonté en flèche en 2021, a poursuivi sa hausse en 2022 avec + 16 %. Forcément, la hausse du CA est à relativiser en raison de l’inflation et n’a rien à voir avec une expansion des marges. Cependant, d’autres indicateurs permettent d’affiner et d’ailleurs, de rester dans le positif.
Niveau production, le rebond significatif de 2021 s’est par exemple, poursuivi dans une moindre mesure en 2022 avant, toutefois, un essoufflement notable fin 2022. Idem sur la progression du niveau des carnets de commande qui retombe en décembre à un niveau entre 0 et + 1 % croisant celles des stocks négative depuis début 2021 mais finissant l’année 2022 à + 6/+ 7 %. La rentabilité, tous secteurs industriels confondus, est jugée en baisse par 36 % des entreprises, stable pour 33 %, en hausse pour 31 %. Côté investissements, Aura caracole largement en tête de toutes les régions françaises avec + 30 % (3,38 Md€ !) en 2022 mais dont 26 % sur l’immobilier et seulement 4 % sur l’équipement.
Dans les services
La hausse globale du CA dans les services marchands s’est, elle, élevée à + 21 % en 2022 au lieu des + 9 % prévus, les effectifs de + 5,5 % contre + 4,5 % attendus. C’est logiquement l’hébergement-restauration qui progresse le plus dans ces deux domaines (+50 % d’effectifs en 2022) suivi de l’ingénierie-études techniques Au niveau de l’activité, le rebond ayant connu des hauts et des bas en 2021 ne s’est pas démenti en 2022, au contraire, et de manière plus constante. En revanche, la progression de la trésorerie à partir du 2e trimestre 2022 se dégrade et chute carrément en fin d’année tout en restant positive à + 6/+7 % en décembre.
Le niveau des prix a logiquement fortement augmenté avec l’inflation mais de manière chaotique, soit de + 6 % à + 17 % selon les mois. La rentabilité tous secteurs des services confondus est jugée en baisse par 26 % des entreprises, stable pour 36 %, en hausse pour 33 %. Côté investissements, la hausse a été de 7 % pour atteindre 558 M€ en 2022.
Dans la construction
La hausse globale du CA dans la construction, encore une fois à relativiser au regard de l’inflation et donc des prix, a été + 6 % en 2022 : deux fois moins qu’en 2021 mais deux fois plus que les 3 % prévus, les effectifs de + 2,4 % contre 2,5 % prévus. Les travaux publics sont loin devant sur la progression du CA (+ 10 %), un peu moins sur les effectifs, suivis du second œuvre (+ 6 %) puis du gros œuvre (+ 4 %). La rentabilité tous secteurs de la construction confondus est jugée en baisse par 44 % des entreprises, stable pour 34 %, en hausse pour 22 %. Niveau activité, le dynamisme, hormis la période estivale, a été assez constant tout le long de l’année. Côté investissements, la hausse a été globalement de 7 % pour atteindre 264 M€ en 2022.
Ce que pourrait donner 2023
Côté prévisions, au niveau des chiffres d’affaires (CA) 2023 ne sonnera pas la fin d’une récré mais le rythme ne sera plus le même. On reste cela dit dans le positif, avec encore une progression attendue de l’industrie à 5 %, des services marchands à 6 %, la construction à 2 %. Progression encore sur les effectifs, à respectivement + 2 %, + 2,5 % et +1,2 %. La rentabilité dans les services est attendue à la baisse par 44 % des entreprises, stable pour 50 %, en hausse pour 23 %. Celle de l’industrie à la baisse pour 27 %, stable pour 45 %, à la hausse pour 28 %. Dans la construction, ces proportions sont respectivement de 29, 51 et 18 %. Pour ce qui est des investissements, c’est la décrue dans l’industrie qui est hélas à prévoir dans l’industrie (l’effet France relance passé ?) avec + 1 % mais aussi dans les services (+ 3 %), la construction resterait à + 7 %.
A une autre échelle, celle mondiale, la Banque de France met en évidence la décrue de l’inflation générale (après des pics printaniers et estivaux l’indice des prix des matières premières retrouve des niveaux plus proches de 2021) depuis deux mois malgré tout encore à un niveau inédit depuis des décennies, soit + 8 % au niveau mondial en novembre. En décembre, elle était de + 6,7 % en France en décembre, + 9,2 % dans la zone euro, bine plus marquée à l’Est de l’Europe : + 20 % en Lituanie, + 20,7 % en Lettonie, + 25 % en Hongrie. Selon la Banque de France, l’inflation dans notre pays devrait se maintenir à 6 % en 2023 puis retomber à + 2,5 % en 2024 et enfin + 2,1 % en 2025. Cela selon un scénario d’un PIB à +0,3 % l’an prochain puis + 1,2 et + 1,8 %.
Capacité à payer les crédits : la Loire a la cote
Les cotations des entreprises sur l’encours des crédits mobilisés par les PME sont à nouveau plutôt rassurantes et même au-dessus des moyennes régionale et nationale.
La Banque de France les note sur une échelle allant de « 3++ » pour les mieux cotées à « 9 » pour les pires, soit 11 classes de risques. « Non pas dans l’objectif de permettre aux entreprises de rassurer leurs partenaires financiers, nous avertissait Christine Gord, directrice de la Banque de France Loire en juillet 2021. Mais afin de s’assurer de la robustesse du système bancaire français, évaluer si les risques pris sont trop forts. » Les données de décembre 2022 font apparaître un département de la Loire dans une situation plus favorable que celle moyenne régionale et nationale puisque 61,21 % de ses PME ont une cote favorable et 20,58 % intermédiaires. A l’échelle régionale et nationale, ces pourcentages sont respectivement de 59,49 % et 21,09 % et 54,86 % et 24,08 %.