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Cummins Meritor fête ses 90 ans et veut percer dans l’électrique

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Les plus anciens Stéphanois le connaissent sous le nom de Soma. Ce fut ensuite Rockwell puis, jusqu’en 2019, AxleTech, au gré des ventes et reventes. Le concepteur et fabricant de ponts, roues indépendantes et boites de transfert implanté au Soleil depuis 1932 est toujours là, racheté par Cummins l’été dernier avec des investissements à la clé. Comme bien d’autres entreprises ligériennes, les dépenses publiques croissantes dans la Défense – son principal secteur de débouchés – lui ouvrent de belles perspectives. Il rode cependant son savoir-faire dans l’électrique pour adresser de nouveaux clients au sein du civil…

Jérôme Ranquet, directeur du site, devant l’un de ses produits phares, les « ponts » de transmission. ©If Média/Xavier Alix

Il vient encore changer de main. Mais une main toujours américaine. C’est le cas depuis 1988. Avec le rachat par le géant d’outre Atlantique Cummins l’été dernier – 74 000 salariés dans le monde, l’équivalent de Thalès, et 30 Md€ de chiffre d’affaires –, on parle maintenant de « Cummins Meritor » pour cette entreprise historique de Saint-Etienne même si le nom officiel reste pour l’heure Meritor Industrial. « Je ne sais pas s’il va évoluer, commente pour If Jérôme Ranquet, directeur du site depuis 2020. Ce n’est pas encore déterminé, ni le sujet du moment. » A l’image de ces moules qui imprègnent encore ses produits d’un « AxelTech », appellation de l’usine à partir de 2003 et son rachat par le petit groupe naissant éponyme à Meritor. Cela jusqu’en 2019 et sa revente à… Meritor. Le sujet du moment, c’est d’avoir passé le cap des 90 ans et des investissements très récents dans l’outil de production visant à l’acheminer, entre autres, vers le marché électrique pour le civil.  

Le site stéphanois fabrique des corps de ponts, roues indépendantes et autres boites de transfert prêts à monter sur des véhicules « hors routes ». Une activité à 75 % tournée vers le secteur de la Défense (en équipant notamment les blindés d’Arquus, ex Renault Trucks Defense), sinon dans le civil – manutention, transports publics et engins spéciaux essentiellement -, Cummins Meritor s’appuie sur les nouveaux marchés et les perspectives apportées par les dépenses militaires croissantes des états occidentaux. Mais aussi sur le développement des flottes à moteur électrique dans le civil. Les plus anciens Stéphanois ont connu ce site industriel qui a ses quartiers au Soleil, depuis ses débuts, en 1932, juste à côté du Zénith. A ses meilleures heures, l’équipementier a employé plus de 2 000 personnes. Valeo en prend le contrôle en 1978 avant un premier rachat américain via Rockwell 10 ans plus tard.

Ici aussi, on travaille pour le canon Caesar  

Au sein de 25 000 m2 d’ateliers d’usinage, assemblage, peintures, magasins de pièces de rechange et bureaux, on croise ces corps de ponts destinés aux canons Caesar. ©If Média/Xavier Alix

Après une longue période de déclin (et en particulier une douloureuse restructuration en 1994 : 259 postes supprimés sur 407 restants), l’effectif était tombé autour des 140 personnes au début des années 2000 avant un retour de croissance, d’investissements conséquents et donc de recrues. La période 2010 à 2012 s’est même avérée prospère : l’entreprise ayant alors atteint les 400 collaborateurs et 150 M€ de chiffre d’affaires (CA). La perte de marchés aussi « cycliques que très concurrencés » sur les véhicules commerciaux a, par la suite, de nouveau décimé les rangs et fait reculer le CA mais sûrement pas l’intérêt donc des Américains pour le savoir-faire du site. Le fabricant stéphanois repart d’ailleurs à nouveau de l’avant. Il emploie 240 personnes et a dégagé 61,3 M€ de CA en 2022. Stable par rapport à 2021 mais le développement des commandes militaires lui donne des perspectives : il table sur une croissance de son CA de 20 à 25 % en 2023.

Par rapport à l’actualité des commandes militaires, nous sommes aussi impliqués dans le programme Scorpion en ce qui concerne le véhicule Griffon.

Jérôme Ranquet, directeur du site

Quoi de mieux pour l’illustrer que ces ponts de transmission qui attendent au milieu de milliers d’autres pièces dans ses immenses ateliers – 22 000 m2 – destinés (décidément !) à équiper les fameux canons mobiles Caesar commandés à Nexter par l’Etat pour remplacer ceux offerts à l’Ukraine. « Par rapport à l’actualité des commandes militaires, nous sommes aussi impliqués dans le programme Scorpion en ce qui concerne le véhicule Griffon, plus exactement, destiné à l’infanterie française », précise Jérôme Ranquet. L’actualité de Cummins Meritor, à la suite de son rachat, c’est aussi de l’investissement. 1,2 M€, déjà, dans la « Toyoda 4 » mise en service en janvier et dont l’utilisation monte en peu à peu en puissance dans l’objectif d’améliorer considérablement l’activité usinage qui occupe spécifiquement, sur 9 300 m2 une trentaine de personnes aux côtés d’un bureau d’études conséquent et des équipes consacrées à l’« assemblage / peintures ».

L’électrique soumis au banc d’essai

L’investissement dans la Toyoda 4 doit faire passer un cap au site dans l’usinage 4.0. ©If Média/Xavier Alix

Objectif de cet équipement « type de l’industrie 4.0 », souligne Jérôme Ranquet  – « Sa configuration est une première en France » –  : rendre considérablement plus efficace l’ensemble de l’usinage et éviter et se substituer à une bonne partie du parc machines. Dans le cadre du plan de soutien à l’industrie du futur, l’Etat doit subventionner la machine à hauteur de 180 000 €. Autre investissement en fonctionnement, depuis l’an passé, lui : un banc de tests de résistance destiné aux prototypes de ponts roulants dans lequel le moteur électrique est intégré. « Ici, nous ne travaillons pas sur plans mais nous concevons à partir de cahiers des charges », pointe Jérôme Ranquet. Voilà une preuve de ce concept : grâce à cet équipement, le site rode depuis des mois son nouveau savoir-faire en mode électrique, si différent des exigences liées aux moteurs thermiques. Un banc d’essai à 600 000 € soutenu à hauteur de 10 000 € au titre des économies d’énergie.

Ici, nous ne travaillons pas sur plans mais nous concevons à partir de cahiers des charges.  

Jérôme Ranquet, directeur du site

Car il s’agit pour le site stéphanois de reconquérir des marchés dans le civil – « le militaire commence tout juste à songer à l’électrique » – par le biais de l’électrique qui pourrait représenter jusqu’à 30 % de ses activités en 2025-2026. A cette date, Cummins Meritor espère avoir atteint les 100 M€ de CA tout en ayant recruté de 20 à 40 personnes. Les problématiques de recrutement, de pénurie de main d’œuvre et de l’apprentissage étaient d’ailleurs au cœur des échanges avec une délégation d’officiels – préfecture, UIMM, élus stéphanois, régionaux et métropolitains – venus en visite à l’occasion de la célébration des 90 ans de l’entreprise vendredi.

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