Epora lance une foncière pour garantir une suite industrielle aux friches
La logique législative de sobriété foncière – le fameux zéro artificialisation nette en tête – risque d’aggraver la pénurie de terrains pour les projets économiques, en premier lieu industriels. Problématique particulièrement vraie dans le Sud Loire malgré son réservoir des friches, par ailleurs si complexe à réapproprier. Le contexte a poussé l’Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes (Epora) à s’associer à la Banque des Territoires pour lancer une « foncière économique de portage long-terme ».
L’outil est décrit comme « innovant » et même une « première » à l’échelle nationale. « Foncière Eco d’Epora », c’est son nom officiel, doit entrer en action début 2025. Deux sites – ils n’ont pas été communiqués – devraient d’ailleurs bénéficier dès l’année prochaine de cette « foncière économique de portage long-terme ». Au total, ils sont 12 à avoir déjà été repérés comme correspondants aux objectifs et au cahier des charges sur l’ensemble du périmètre d’action de l’Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes (Epora), dont deux dans la Loire. Trop tôt, là encore, pour les évoquer. L’heure est à l’annonce de la création et à la sensibilisation des collectivités, les communes en particulier, à cette nouvelle offre. Elles peuvent être de la Loire donc mais aussi du Rhône, de l’Ardèche, de la Drôme ou encore du Nord Isère.
Créé en 1998 à la demande du président du Département de la Loire, feu Pascal Clément, l’Epora œuvre à la récupération et à des travaux de préparation / dépollution des friches industrielles. Cela en vue des projets de reconversion, de nos jours souvent orchestrés par les intercommunalités dont la compétence économique porte sur l’offre foncière à mettre à disposition des entreprises. Il s’agit d’un des 10 opérateurs fonciers publics ayant le statut d’établissement public d’État à caractère industriel ou commercial. A l’origine très tourné vers la Loire où il conserve son siège à Saint-Etienne, son champ d’action s’est donc progressivement étendu sur les territoires voisins. Le Rhodanien Patrice Verchère – il est maire de Cours – en est d’ailleurs devenu le premier président non Ligérien il y a 14 mois.
Une dimension « anti-obsolescence »
Celui-ci a présenté à la presse locale fin novembre, cette nouvelle activité pour Epora : une foncière créée en partenariat avec la Banque des territoires (une direction de la Caisse des dépôts) visant à « accompagner la réindustrialisation et le recyclage urbain » en partant du constat que « le développement économique futur devra être sobre en foncier et s’appuyer sur des fonciers recyclés, présentant des caractéristiques différentes des terrains naturels ou agricoles qu’il devient désormais impératif de protéger. Les sites à requalifier sont souvent plus fragmentés, plus pollués, et plus occupés, nécessitant des stratégies d’intervention spécifiques ». Autre constat : la tentative en cours du législateur de mettre fin, ou du moins de freiner considérablement l’étalement urbain ne doit surtout pas entrer en compétition avec l’ambition de réindustrialisation. Forcément, les friches se retrouvent au beau milieu de l’équation.
Plus que compliqué toutefois de caler leur long processus de récupération/ dépollution / requalification – ce que connaît par cœur Epora – avec l’horloge infiniment plus pressée d’un investisseur économique et l’opportunité qu’il présente à l’instant T. Le danger, c’est qu’elles perdent leur fonction industrielle et/ou se morcellent. C’est là que se comprend la précision de « portage de long-terme ». La foncière aura en effet « la capacité de porter certains fonciers au-delà de 50 ans, mobilisant des mécanismes de dissociation du foncier et du bâti ». L’objectif affiché est triple : « Protéger les grandes emprises industrielles ayant nécessité une action et des financements publics pour leur remédiation, contre la division parcellaire et le changement d’usage, pour maintenir une capacité d’accueil d’entreprise industrielle » ; « Lutter contre l’obsolescence des Zones d’activité économique en remobilisant les fonciers au gré de leur libération et permettre leur réaménagement d’ensemble » ; « Accélérer les remédiations des sites économiques libérés par les entreprises pour augmenter l’offre de fonciers d’accueil d’entreprise sans artificialiser ».
Une capacité d’investissement de 35 M€
Au lieu de revendre (via son système de décote) comme elle le fait classiquement à la collectivité le bien situé sur son territoire, après l’avoir récupéré souvent à un tiers puis « dérisqué », Epora pourra faire de même mais avec sa « Foncière Eco ». Cette dernière sera dotée d’emblée d’une capacité d’investissement de 35 M€ pour les 5 ans à venir, comprenant 14 M€ de fonds propres répartis entre Epora (51 %) et la Banque des Territoires (49 %). Cette enveloppe doit permettre « dans un premier temps l’acquisition d’une douzaine de fonciers stratégiques » comme évoqué au début de cet article. « Nous sommes le seul des établissements d’Etat équivalents à lancer un outil de telle ampleur, assure Patrice Verchère. Cela répond à un véritable changement de paradigme vis-à-vis de l’existant et, en même temps, à l’effort de réindustrialisation du pays, le tout pour un développement économique responsable. »