Saint-Étienne
vendredi 29 mars 2024
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Face aux rez-de-chaussée vacants, la Ville de Saint-Etienne incite, aide et taxe

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Nous vous en parlions en mai 2021 : la Ville de Saint-Etienne a, depuis, poursuivi le recensement des rez-de-chaussée vacants. Il y en a désormais officiellement 637. Dans l’objectif d’inciter leurs propriétaires à en faire quelque chose, la municipalité a voté, lors du conseil communal du 26 septembre, une aide financière sur les projets de rénovation. Mais elle a aussi instauré une taxe sur les friches qui persistent.

Selon la municipalité, la vacance commerciale s’élève en moyenne à 10 % « dans les rues commerçantes » de Saint-Etienne. ©If Média/Xavier Alix

« Oui, c’est un volet répressif. Mais la taxation vient, en plus, pour bouger ceux qui ne répondent pas à nos sollicitations, à l’aide qui leur est offerte », soulignait il y a 10 jours Jean-Pierre Berger. 17 mois plus tôt, le futur 1er adjoint était déjà aux côtés de Pascale Lacour, adjointe aux commerces, pour présenter l’action de recensement, de cartographie et d’aide à la réoccupation des rez-de-chaussée vacants à l’intérieur du boulevard urbain. A l’époque, l’hypercentre était hors de cause puisque là, « nos efforts payent déjà, précisait alors Pascale Lacour en rappelant que Saint-Etienne témoignait « d’un solde positif de 520 commerces sur le mandat 2014-2020 (chiffre qui concerne l’ensemble de la ville cependant, Ndlr). » L’effort d’identification de la Ville avait donc porté sur des rez-de-chaussée commerciaux en friche, situés dans des zones dites de « seconde catégorie ».

Un travail de fourmi – le relevé fait, il faut ensuite retrouver les propriétaires, c’est parfois une vraie enquête puis les contacter – effectué par une vingtaine d’agents municipaux du service urbanisme et de la direction du commerce ayant alors donné un bilan de 400 rez-de-chaussée vacants. L’enquête s’est poursuivie et on en est désormais à 637 locaux vacants même si la proportion de friches commerciales, du moins par rapport aux autres cœurs de ville de même calibre, ne serait pas tant supérieure à Saint-Etienne selon la municipalité avec une moyenne à 10 % « dans les rues commerçantes ». L’idée est en tout cas de pousser, d’une manière ou d’une autre à leur réoccupation. Mais pas forcément pour rouvrir des commerces…

Jusqu’à 45 000 € d’aide

Car « le comportement des consommateurs a évolué, par rapport à il y a 30 ans. Il n’est plus forcément pertinent de remettre du commerce partout où il y en avait », note le maire Gaël Perdriau. Certains deviendront donc des locaux associatifs ou des parties communes et pratiques à l’immeuble, pour les poubelles, le stockage vélos etc. Afin d’inciter à leur rénovation et face aux freins que représentent les coûts, la mairie propose une aide financière aux porteurs de projet – actuels ou futurs propriétaires et/ou locataires -, analogue à celle proposée pour un logement. Ainsi qu’une assistance technique. Plusieurs collectivités locales – municipalité, intercommunalité, Département – sont impliquées via une batterie de dispositifs : Alec42, plan façade de la Ville, OPAH-RU, PIG Anah, etc. En mai 2021, la municipalité annonçait que selon les revenus, la prise en charge pouvait ainsi monter jusqu’à 75 % de l’investissement.

Nous pourrons prendre en charge jusqu’à 30 % du montant des travaux.

Jean-Pierre Berger, 1er adjoint en charge de l’urbanisme.

Mais en ce qui concerne l’accompagnement qui lui est propre, voté lors du dernier conseil municipal, Jean-Pierre Berger a donné des précisions : « Nous pourrons prendre en charge jusqu’à 30 % du montant des travaux dans une limite maximale de 45 000 € et minimale de 5 000 €. »  Sont éligibles les commerces ayant une vitrine et situés donc à l’intérieur du boulevard urbain ou « près de la Cité du design ». Il faut qu’ils soient en friche depuis plus de 2 ans, « sauf si la remise aux normes nécessite de très lourds travaux ». Chaque montage d’aide fera l’objet d’une convention et l’exécution des travaux sera suivie par la Ville. Celle-ci estime que le rythme initial de réouvertures, une fois les projets aboutis, devrait osciller entre 7 et 10 projets par an pour une subvention de 30 000 € en moyenne chacun, soit 210 000 à 300 000 € consacrés par an.

Un nouvel impôt local : la TFC

Pascale Lacour ajoute : « Nous faisons tout pour que des projets soient lancés. Au-delà des analyses, du repérage de terrain, des enquête statistiques, un partenariat avec l’université Gustave-Eiffel (Ile-de-France, Ndlr) à qui nous accordons 5 000 € pour travailler sur la question de la réhabilitation urbanistique, nous mettons en relation les porteurs de projets avec les propriétaires. Nous avons adressé des courriers à 90 d’entre eux. » La foncière lancée en juin 2020, la Sorapi, détenue à 51 % par l’Epase (le reste par le Crédit agricole, la Caisse d’épargne, la CDC) appuie, enfin, la démarche. Elle en est désormais à 15 rachats, a précisé le 26 septembre Gaël Perdriau lors de la présentation de la délibération.

Malgré ça, il reste un certain nombre d’attentistes, voire de « récalcitrants » : si avec les propriétaires identifiés surévaluant le prix de leurs biens ou refusant d’agir, l’impasse peut être résolue par le droit de préemption, il est sans doute plus aisé pour la Ville de passer par la fiscalité plutôt que d’acheter et ainsi « enrichir » son patrimoine d’une foule de rez-de-chaussée en friche. Aussi, lors du dernier conseil municipal, l’adjointe aux finances Nora Berroukeche a-t-elle présenté la TFC, la Taxe sur les friches commerciales. « Un impôt local sur des biens commerciaux inexploitées. Cette taxe sera progressive dans le temps : 10 % la première année, 15 % la seconde, 20 % la troisième. » De quoi lever une somme estimée à 207 000 € par an au départ et donc compenser, au moins dans un premier temps, une partie des dépenses en aides.

« Un revirement spectaculaire »

« Mieux vaut tard que jamais », commente le groupe d’opposition Saint-Etienne Demain. Extrait de leur programme électoral à l’appui, les élus de gauche, s’ils saluent la mesure, rappellent qu’ils avaient proposé cette taxe lors des Municipales 2020. « A cette époque, M. Perdriau s’y opposait fermement, au nom d’un refus de principe d’instaurer des taxes supplémentaires. Sur ce sujet comme sur d’autres, son revirement est donc spectaculaire. Plus de deux années auront été perdues pour la mise en place de cet outil. Nous avons là un exemple supplémentaire de proposition de l’opposition municipale qui aurait sans doute mérité mieux que d’être balayée par dogmatisme d’un revers de main », estime le groupe d’opposition.

Il est très dommage que vous ne demandiez aucune contrepartie dans la qualité des travaux.

Germain Collombet, élu d’opposition EELV

Absent, le 26 septembre, dans la salle au moment du vote puisqu’il l’avait quittée temporairement pour protester contre les réponses jugées insuffisantes du maire à propos de l’enquête de Mediapart, Saint-Etienne Demain a quelques jours plus tard envoyé un communiqué à ce sujet. Présent, lui, durant la partie « normale » du conseil municipal, les écologistes par la voix de Germain Collombet réagissaient en soulignant, eux aussi, qu’il était « enfin temps ». Mais le Temps de l’écologie s’est abstenu lors du vote et de l’aide comme de la taxe, estimant que l’ensemble de la démarche manque de stratégie réelle, de réflexion, d’innovation : « Vous donnez l’impression de naviguer à vue. On attend toujours la parution du diagnostic et votre proposition manque de cohérence. »

« C’est un boulot de fourmi »

L’élu craint l’effet d’aubaine : des déménagements de commerces intéressés. En outre, il estime « très dommage que vous ne demandiez aucune contrepartie dans la qualité des travaux. » Germain Collombet parle là de transition énergétique : « Les devantures sont souvent des grands ponts thermiques. Et quid des associations voulant reprendre des rez-de-chaussée ? Elles ne pourront pas le demander. » Réponse de Jean-Pierre Berger : « Nous sommes nombreux à travailler sur le sujet, plus de 500 propriétaires ont été contactés. C’est un boulot de fourmi qui a été mené. Alors, oui, on aimerait tous que les choses aillent plus vite mais si cela prend du temps, c’est justement parce que c’est un accompagnement très sérieux, très suivi. L’architecte de bâtiments de France (ABF) sera d’ailleurs aussi sur le coup. » Et oui, « certains locaux seront destinés à des associations avec plus d’un projet consacré au développement durable. »

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