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samedi 18 janvier 2025
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FluSCritEx : un labo stéphanois travaille sur un plastique plus propre grâce… au CO2

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Rien à voir avec la start-up industrielle Lactips qui, à l’issue de recherches à l’université Jean-Monnet, propose, elle, un substitut naturel pour une partie de l’industrie de l’emballage déjà sur le marché. FluSCritEx, c’est une plateforme de l’IMP, laboratoire partagé entre Lyon I, l’INSA le CNRS et l’université stéphanoise. L’équipement permet de travailler sur la modification des propriétés des polymères, jusqu’à en éliminer les composés polluants. Elle est active depuis 3 ans au sein du Bâtiment des Forges du campus Manufacture à Saint-Etienne mais vient d’être officiellement inaugurée et donc présentée.

Granulas de plastique sortis de la plateforme FluSCritEx débarrassés de leurs propriétés malignes. Capture d’écran d’une vidéo de l’IMP.

Une sérieuse piste pour diminuer significativement la pollution plastique se joue-t-elle à Saint-Etienne, là, juste derrière les murs du Bâtiment des Forges ? Oui selon les recherches en cours vulgarisées publiquement la semaine passée par le laboratoire IMP (Ingénierie des matériaux polymères). Si, tout simplement, à la base, consommer le moins possible de plastique doit rester – ou s’inscrire – dans les mentalités, rappellent ses chercheurs, l’un n’empêche pas l’autre. Car les solutions actuellement développées par la plateforme de recherche « FluSCritEx » de ce laboratoire CNRS partagé – gouvernance, effectifs, plateformes – entre Lyon I, l’INSA le CNRS et l’université Jean-Monnet pourraient mettre tout le monde d’accord. Dans la mesure où elles ne remettent pas en cause une économie industrielle et ses emplois. Au contraire.

Pour faire dans le synthétique nous aussi, elles consistent à éliminer en soi, les molécules dangereuses du plastique tout en améliorant ses propriétés et sa capacité à être recyclé. Comment ? « Cette infrastructure de recherche et d’innovation exploite un procédé continu combinant extrusion et fluides supercritiques, en particulier le CO2 », résume l’université Jean-Monnet. Un million d’euros a été investi dans cette plateforme FluSCritEx mise en place il y a déjà 3 ans avec le soutien conséquent de la Région AuRa : la collectivité a pris en charge la moitié de la somme et le projet n’aurait pas pu se faire sans elle, soulignent les universitaires. D’où la présence il y a une semaine de Catherine Staron, sa vice-présidente, déléguée aux lycées, à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation à l’inauguration officielle de ce laboratoire spécifique du laboratoire de IMP en présence d’un représentant du CNRS, de la directrice de l’IMP et de Florent Pigeon, président de l’université Jean-Monnet.

Le rôle du CO2 version supercritique

C’est un calendrier décidément difficile allié à la volonté de se présenter avec des résultats, nous indique-t-on du côté de l’université qui explique ce décalage dans le temps. « La genèse du projet date d’une petite dizaine d’années, raconte le directeur de FluSCritEx, raconte Yvan Chalamet dans ce petit film de présentation ci-dessus. Dans un projet collaboratif, nous avons pu montrer qu’on était capable d’extraire complétement tous les polluants de film plastique en autoclave. » L’utilisation d’autoclave pour séparer des molécules est quelque chose de courant, précise le chercheur – « par exemple, pour décaféiner » – mais pas avec la production de plastique. La plateforme technologique FluSCritEx permet de reproduire le principe mais en passant « en système continu » (afin de rendre apte l’idée à son utilisation sur des lignes industrielles). Jusque-là, « nous étions limités par les équipements dont nous disposions. Il a fallu revoir cette technique, cette extrudeuse pour pouvoir l’adapter à des conditions d’extrusion et de fluides supercritiques (pression – températures) bien supérieures à celles que je pouvais faire à l’époque ».

Ces systèmes continues n’existent pas pour l’instant aux niveaux français, européen voire mondial.

Yvan Chalamet, directeur de FluSCritEx

La plateforme FluSCritEx utilisée par les chercheurs depuis 3 ans autorise donc à « réaliser le couplage entre la plasturgie (extrusion) et les fluides supercritiques, plus particulièrement les CO2 supercritiques. On s’intéresse à un état spécifique, celui supercritique où ce fluide n’est ni à l’état liquide, ni à l’état gazeux mais entre les deux. (…) On se rend compte que le CO2 se diffuse très très rapidement ». Ces systèmes continus appliqués au plastique tels que développés par FluSCritEx « n’existent pas pour l’instant aux niveaux français, européen voire mondial ». Les applications ? La capacité à séparer des composés dangereux, polluants donnerait selon l’IMP de sérieuses perspectives à une amélioration significative de la capacité à recycler le plastique limitée sur une grande partie des produits : « Avec les bouteilles PET, on y arrive plutôt bien, en gros, à 70 %. C’est une matière qui s’y prête. Mais quand il s’agit de films plastiques multicouches, par exemple, on plafonne à une capacité de 20 % en raison de polymères trop complexes. » Or, le procédé la plateforme FluSCritEx, visant à être reproductible par l’industrie, permet de modifier les propriétés au préalable afin de lever cet obstacle en utilisant donc CO2 sous sa forme supercritique, comme agent « extractant ».

« Nous devrions lever les derniers écueils en 2025 »

La plateforme FluSCritEx est installée dans le Bâtiment des forges campus Manufacture à Saint-Etienne. ©If Saint-Etienne/XA

Une bonne nouvelle, par exemple encore mais particulièrement notable, pour la sécurité sanitaire, à la base même du produit, quand plastique et alimentaire viennent au contact. Ce n’est pas tout : si elle ne rend pas non plus biodégradable le plastique, cette possibilité de modifier des propriétés, c’est aussi une capacité à rendre les produits plus légers, donc à réduire considérablement la consommation de matières premières et l’énergie nécessaire à sa fabrication. L’enjeu est mondial, a rappelé le président de l’université Jean-Monnet, Florent Pigeon, dans son introduction la semaine passée, citant ces chiffres planétaires affolants : « De 2000 à 2020, la production annuelle de plastique a doublé dans le monde, elle aura triplé d’ici 2060 pour atteindre un milliard de tonnes. En face, il y avait 360 millions de tonnes de déchets 2020 par an, ce sera à 600 en 2040. Or, le recyclage à l’échelle mondiale plafonne à 10 % (et à 20 % en Europe après des avancées réelles depuis 15 ans mais donc désormais limitées, Ndlr). Avoir la capacité de modifier les propriétés, ouvre de grandes perspectives, ouvre le champ des possibles. On peut penser aussi au caoutchouc de pneus pour leur recyclage, leur désodorisation etc. »

Florent Pigeon souligne que cette plateforme « multitutelle » est collaborative, ouverte aux entreprises, PME ou grands groupes. « Effectivement, nous sommes suivis de très près par la plasturgie, y compris des multinationales, confirme Yvan Chalamet. Je ne peux pas citer des noms d’entreprises mais oui, la plasturgie de la Haute-Loire est en lien étroit avec nous. Nous sommes trois à travailler au quotidien mais ce n’est pas pour rien que nous en sommes à huit thèses de doctorants autour de ces avancées qui nous ont appuyés ou nous appuient. Sachez aussi qu’une start-up s’est montée dans le cadre de l’IPC (Centre Technique Industriel de la Plasturgie et des Composites, commun à la profession) à Oyonnax à partir de nos recherches. Encore une fois, être parvenu en système continu, ce que nous faisions en autoclave ouvre des possibilités inédites aux industriels. Maintenant, il faut transformer l’essai mais on n’est vraiment pas loin : pour ce qui est de nos recherches, nous devrions lever les derniers écueils en 2025. » Les polymères n’ont qu’à bien se tenir : Saint-Etienne les décontamine.

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