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jeudi 23 janvier 2025
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Sigvaris : « Fabriquer entièrement en France est un réel défi »

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Groupe international basé en Suisse, sous le nom de « Ganzoni » jusqu’en 2011, Sigvaris qui vient de fêter ses 160 ans, compte plus d’un quart de ses 1 600 employés dans la Loire, principalement à Saint-Just-Saint-Rambert. L’usine forézienne est aussi le siège social de la filiale Sigvaris France, tête de gondole des activités de l’entreprise qui revendique une ferme volonté de produire dans l’Hexagone où son histoire a commencé voilà 110 ans. Tout en soulignant à l’occasion de son anniversaire quel point elle considère que c’est n’est pas facile…

Le groupe emploie près de 500 personnes dans la Loire. ©Sigvaris

Le nom parle à tout le monde dans la Loire. Soit parce que l’on est un utilisateur ses fameuses chaussettes de compression dont le groupe est l’un des leaders mondiaux et même le leader tout court en France. Soit parce que l’on imagine parfois aussi Sigvaris comme un de ces jolis bébés économiques de la Loire né et attaché au département tant l’entreprise semble ancrée dans son paysage économique. Du made in Loire, dans le droit-fil d’une industrie textile locale ayant trouvé sa plus solide assise post 30 Glorieuses dans le technicomédical. Ce n’est ni tout à fait vrai, ni tout à fait faux. « Sigvaris », c’est le résultat d’une contraction. Pas celle d’un mollet mais entre « Sig » relatif au phlébologue allemand Dr Karl Sigg et donc « varis » pour, évidemment, les varices. Ce sera pendant des décennies le nom d’une marque liée à la mise au point du premier bas de compression destiné au traitement des troubles veineux en 1961.

Le rapprochement entre Ganzoni et TEF à la fin des années 80 a été une étape clé dans le développement de l’entreprise.

Sandrine Maillard, DG de Sigvaris France

Le fruit d’une collaboration entre ce docteur allemand et le fabricant suisse Ganzoni, lui-même né à Winterthur en 1864. Il y a donc 160 ans. Mais l’ancrage historique dans la Loire, plus précisément dans le Forez, du groupe Ganzoni – qui a décidé de devenir Sigvaris en 2011, Sigvaris group en 2019 – n’est pas pour autant usurpé. L’histoire commune a démarré il y a plus de 110 ans via une collaboration avec l’entreprise « au savoir-faire textile familial », TEF (Tricotage élastique du Forez). Avant un rapprochement décisif à la fin des années 80 et, plus récemment, de devenir en 1997 la première filiale du groupe. « Le rapprochement entre Ganzoni et TEF à la fin des années 80 a été une étape clé dans le développement de l’entreprise, rappelait à l’occasion des 160 ans du groupe, Sandrine Maillard, DG de Sigvaris France nommée en 2023. A travers cette collaboration, l’entreprise s’est enrichie d’un savoir-faire technologique français et a accéléré son développement dans le monde. » De nos jours, Sigvaris France représente bien plus, beaucoup plus, qu’une maille parmi d’autres du groupe dirigé par le Dr Suk-Woo Ha implanté dans 14 pays.

60 % du chiffre réalisés par Sigvaris France

Mais la pièce maîtresse avec ni plus ni moins que 44 % de ses effectifs. Soit environ 700 personnes sur 1 600 réparties entre trois sites : à Hunningue en Alsace (consacré à logistique) et donc dans la Loire, avec le siège de la filiale à Saint-Just-Saint-Rambert voisinant l’usine d’Andrézieux-Bouthéon et comptant respectivement environ 450 et 30 collaborateurs. Le tout pour 5 millions de pairs de chaussettes produites par an. Son activité représente en moyenne un peu plus de 60 % des 160 M€ de chiffre d’affaires réalisés par l’ensemble du groupe en 2023. Site cumulant administratif, fonctions supports et commerciales, production et R&D, Saint-Just-Saint-Rambert est secondé de manière décisive par Andrézieux-Bouthéon dans la zone des Murons, en tant qu’« unité couverture de fils de haute technologie » inaugurée en 2011. « C’est la première étape de notre production qui s’y joue : le double guipage qui est effectué permet de donner l’élasticité au fil et derrière, les propriétés de compression », explique à If Gaëlle Massacrier, responsable RSE-coordination projets attachée à la direction.

Le rapprochement progressif avec le savoir-faire forézien a été décisif dans la montée de Ganzoni devenue Sigvaris, du nom de sa marque phare en 2011. ©Sigvaris

13 ans après, l’investissement de 7 M€ dans ces 4 000 m2, est rappelé comme la concrétisation d’une conviction précurseure quant à la pertinence – si en vogue dans les discours, de nos jours – du « made in France » industriel : il avait en effet permis d’améliorer et maintenir cette activité jusque-là à Saint-Just-Saint-Rambert en interne. Sigvaris a eu à subir dans l’Hexagone, comme ailleurs, les affres du Covid – ses produits sont distribués dans 70 pays – lui faisant perdre environ 15 % de son CA 2019 (108 M€) avant le rebond de 2021, stabilisé en 2022 (102 M€ environ). Mais les résultats nets, s’ils restent positifs, sont en recul chaque année depuis 2020 (passé de 7,65 M€ en 2019 à 2,36 M€ en 2022). L’inflation qui a pris le relais du Covid n’est évidemment pas étrangère à ce bilan, le prix du fil ayant, entre autres, explosé. Mais pas seulement. Ce qui faisait transmettre ce message, à l’occasion de ses 160 ans, exprimé par Sandrine Mallard : « fabriquer entièrement en France des dispositifs médicaux textiles est un réel défi du quotidien et cela s’accentue depuis la crise du Covid. Nous faisons notamment face à une hausse importante de nos coûts d’énergie, de matières premières mais aussi de nos ressources humaines ».

R&D et diversification

Il y aussi « l’intégration des nouvelles réglementations, ainsi que les conséquences du changement climatique nous demandent également d’être de plus en plus agiles et de poursuivre une politique d’investissement importante ». Second message : malgré les écueils listés, Sigvaris tient à démontrer qu’il croit malgré tout à une production française. Sigvaris France avait d’ailleurs annoncé en 2021 investir 14 M€sur 3 ans pour accélérer sur la digitalisation et l’automatisation de ses process. Soutenu par la BPI à hauteur de 5 M€ lancé dans le cadre du Plan France relance 2030, le projet de recherche « Symphonies » dont la R&D de Saint-Just-Saint-Rambert est la locomotive – il s’agit d’un consortium avec plusieurs partenaires dont l’Ecole des Mines de Saint-Etienne – montre aussi une volonté de s’inscrire sur le long terme (on est encore loin d’une plus-value économique). Objectif : mettre au point une technologie digitale pour améliorer la prise en charge de patients atteints de lymphœdème. C’est-à-dire parvenir à une compression connectée vis-à-vis d’une pathologie demandant un suivi étroit et régulier.

Projet qui illustre une volonté de diversification des ventes du groupe tournées à 90 % vers la chaussette de contention. Il s’est d’ailleurs lancé en 2021 dans un métier connexe, chasse gardée d’un autre acteur ligérien historique, le Stéphanois Thuasne : l’orthèse. Sous le nom « Mobilis », ce sont ainsi 21 gammes seulement commercialisées par l’entité française (derrière l’investissement marketing cependant) puisque produites par un site polonais acquis par le groupe en 2015. Tandis qu’en France, le sujet de la réévaluation du remboursement des chaussettes de contention reste dans l’air depuis plusieurs années, la R&D continue toutefois de plancher sur le cœur de métier avec, par exemple, la sortie en septembre d’une gamme composée à 55 % de coton bio, écoulée à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Reste que « le marché de la chaussette de contention est mâture et a eu tendance à se paupériser ». Sigvaris Premium, plus esthétique, plus confortable, aux coloris plus variés côtoie ainsi l’autre marque, « Dynaven », tout aussi efficace médicalement mais surtout sans reste à charge. La proportion dans les volumes écoulés de cette dernière a tendance à croître.  

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