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Keranova : industrialisation en vue

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La start-up stéphanoise conçoit un traitement de la cataracte via un laser nouvelle génération. Keranova va s’installer cet automne dans de nouveaux locaux, rue de la Montat. De quoi concrétiser dès 2022, si le feu vert des autorités européennes est accordé, une industrialisation travaillée depuis des années.

La technologie développée par Keranova ainsi que l’organisation interne de l’entreprise vont passer leurs examens de passage européen à partir de l’été. Image fournie par Keranova

Il faudra bientôt quitter le berceau. Même si Keranova est pour l’heure encore à l’aise dans ses 1 000 m2 de la rue Claudius-Ravachol. À l’est de l’ex-Manufacture d’armes, à quelques pas de la Cité du design, la superficie de ses locaux, loués à Saint-Étienne Métropole, avait déjà été doublée. Ils s’étendent sur un étage entier. Mais le développement induit par le passage à la production exige un déménagement. D’ici octobre ou novembre, Keranova va s’installer rue de la Montat.

Notre invention est stéphanoise, nous resterons à Saint-Étienne. J’y tiens.

Fabrice Romano, fondateur et PDG de Keranova

« Keranova en est encore au stade start-up »

C’est au sein de l’immeuble Le Ginkgo, en cours de livraison, dans 3 500 m² loués que Keranova va lancer une nouvelle phase de son histoire. « Notre invention est stéphanoise, nous resterons à Saint-Étienne. J’y tiens », souligne Fabrice Romano, PDG et fondateur lyonnais de l’entreprise. Un déménagement qui donnera lieu à un investissement estimé à 1,5 M€. Il sera soutenu à hauteur de 200 000 euros par Saint-Étienne Métropole. Comme nombre de start-ups, Keranova a obtenu quelques coups de pouce immobiliers de la collectivité. Mais pour le reste, c’est-à-dire presque tout, elle se débrouille. Ses ailes, elle les façonne patiemment. Depuis plus de 5 ans.

Fabrice Romano, fondateur et PDG de Keranova.

Nous sommes encore au stade start-up. Nous ne le serons plus quand notre produit sera sur le marché.

Fabrice Romano

« Quand on s’est installé ici en 2016, nous étions cinq. On n’avait rien. L’équipement a commencé à arriver à l’été, se souvient Fabrice Romano, fondateur et PDG. On ne fait aucun bénéficie actuellement, tout est dans la R&D. Alors oui, même si nous allons passer la barre des 40 collaborateurs, nous sommes encore au stade start-up. Nous ne le serons plus quand notre produit sera sur le marché. »

29 M€ levés par Keranova en l’espace de 5 ans

Ils sont plus d’un à l’attendre. À commencer par les investisseurs : leur mise totalise 29 M€. Financière Arbevel, Ti invests ont rejoint en 2019, Supernova, Mérieux Equity Partners et CEA investissement. Dès 2016, les deux derniers cités avaient déjà mis 4 M€ sur la table pour voir. Le premier prototype a aussi bénéficié d’un prêt d’1 M€ de BPI France. Il faut dire que Fabrice Romano n’a rien d’un inconnu dans le secteur de l’ophtalmologie. Que ce soit sur le plan scientifique ou économique. Sa capacité à créer un pont entre les deux univers pour déboucher sur des succès industriels avait de quoi susciter la confiance.

Cet ancien vétérinaire est notamment derrière une autre start-up consacrée à la thérapie oculaire : EyeTechCare, fondée en 2008. Il a depuis quitté tout rôle opérationnel. Mais ce sont ses travaux qui ont donné sa technologie traitant les glaucomes à partir d’ultrasons de haute intensité. Contrairement à Keranova. « Là, je ne suis pas l’inventeur », précise Fabrice Romano. Deux chirurgiens du CHU de Saint-Etienne, spécialistes de la cornée, chercheurs à leurs heures non perdues sont à l’origine avec d’autres scientifiques de l’Université Jean-Monnet de l’invention sur laquelle planche Keranova depuis 5 ans.

Une technologie 100 % stéphanoise

Les essais cliniques durent depuis 2 ans. Photo Keranova.

À l’automne 2014, Fabrice Romano s’attache à être consultant pour des entreprises de medtech quand ces deux chirurgiens ophtalmologistes stéphanois, Philippe Gain et Gilles Thuret, exerçant au CHU et au laboratoire BIIGC le sollicitent en présence d’un autre laboratoire stéphanois : Hubert Curien. Un laser femtoseconde ultrarapide développé dans ses murs est présenté sur une possible application chirurgicale ophtalmique, mais sans vraiment d’objectif précis.

Par rapport aux autres lasers, c’est comme comparer un vélo avec une F1 !

Fabrice Romano

La technologie est cependant révolutionnaire : « Par rapport aux autres lasers, c’est comme comparer un vélo avec une F1 !, assure Fabrice Romano. J’ai compris tout le potentiel que cela pouvait avoir, beaucoup plus rapidement, avec les opérations de la cataracte. »

30 millions de patients par an concernés dans le monde

30 millions de patients sont concernés dans le monde chaque année. Dont 830 000 rien qu’en France et bientôt un million. « Nous n’allons pas révolutionner la chirurgie de la cataracte, avertit Fabrice Romano. Avec le robot que nous développons et son laser, nous allons considérablement l’accélérer, la rendre plus sûre. Aussi précis et compétents qu’ils soient, les chirurgiens qui font dix fois le même geste en une journée ne peuvent pas le répéter dix fois avec la même exactitude. La robotisation permet d’aller plus vite, plus précisément. Elle ne remplace pas l’humain mais le complète pour plus d’efficacité et moins d’effets secondaires indésirables en réduisant l’aléa chirurgical et en augmentant la précision du geste. »

Mais pourquoi faut-il autant de temps pour la mettre sur le marché ? « Nous sommes dans un monde très normé, très réglementaire dès que l’on touche à la santé des humains et c’est normal. Il faut des années pour démontrer qu’une technologie n’est pas dangereuse avant de pouvoir la développer. C’est comme pour un avion. » Ensuite, « le temps de développement est proportionnel à la complexité de la machine en soi. Le développement de son intelligence artificielle, de la robotique. » Enfin, « il y a une longue phase de recherche clinique. C’est normal : on utilise de l’énergie laser sur des patients ! Cela nous place assez haut dans la classification des garanties à présenter. »

L’appareil en est à son quatrième prototype. Photo Keranova.

Un « bac blanc » en attendant le vrai examen pour l’agrément

Mais Keranova voit le bout du tunnel. Et s’impose actuellement en interne un « bac blanc ». Car cet été, elle aura droit à son examen de passage pour la délivrance de son certificat européen. D’abord une revue des troupes, de l’organisation interne, des process. Avant que les examinateurs ne se penchent sur son prototype final, la 4e version en 5 ans. Celui qui préfigure une production en série à la fin de l’année. Une technologie blindée par le dépôt de 13 brevets. Deux ans que les dossiers ont été déposés, que les études cliniques ont été lancées. Le feu vert est espéré début 2022. L’industrialisation pourra alors commencer.

Keranova est quasiment prête. Ses bureaux sont peuplés surtout de scientifiques, au sein d’un personnel sans cesse croissant : + 30 % en 2020. Et encore 5 à 10 personnes de plus en 2021. Mais son organisation en divers pôles – administratif, affaires règlementaires, industrialisation, électronique, informatique, mécanique/optique/photonique, interaction tissu/laser, affaires cliniques – ne trompe pas : ce n’est pas de la recherche fondamentale qui se joue ici.

Plusieurs centaines de machines produites d’ici 5 ans

Avec une longue expérience dans la finance, Denise Hoblingre, déjà directrice administrative  et financière depuis 2015 est devenue il y a an vice-présidente exécutive afin d’accompagner ce cheminement vers le marché. Keranova travaille, parallèlement à l’UE, à son homologation aux États-Unis. Un cabinet de consultant travaille pour elle là-bas. Ce sera ensuite le tour de la Chine et du Japon.

En attendant, si le certificat européen est accordé, la production pourra démarrer rue de La Montat. D’abord au rythme de quelques dizaines de machines en 2022. Mais l’objectif, d’ici 5 ans est de passer à plusieurs centaines par an. Ce qui implique la création d’une quarantaine d’emplois supplémentaires.

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