Kidiliz : « On peut y croire mais il y aura de la casse, forcément »
Placé en redressement judiciaire depuis septembre, Kidiliz, l’ex-groupe Zannier, attend désormais l’examen de ses offres de reprise. 1 300 CDI en France dont 160 à Saint-Chamond, son siège administratif, sont menacés par la procédure. Ce vendredi, les salariés du site couramiaud ont organisé un mouvement social pour alerter l’opinion publique.
Ils devraient en savoir un peu plus mardi. Mais les 1 300 salariés français (plus de 250 CDD n’ayant pas été renouvelés depuis cet été) attendent le 16 novembre pour connaître la décision du Tribunal de commerce de Paris sur les offres de reprises du groupe Kidiliz, placé en redressement judiciaire depuis le 10 septembre. Il se murmure que trois, peut-être quatre, des offres – elles étaient recevables jusqu’à hier – seraient à prendre au sérieux parmi une dizaine déposée.
Tous les Ligériens connaissent au moins sa marque totem : Z. Mais le spécialiste du prêt-à-porter enfants qu’est Kidiliz, l’ex-groupe Zannier, fondé à Saint-Chamond en 1962, compte aussi sous sa bannière Absorba, Beckaro, Catimini, Chipie, DIM, G-Star Raw, Kenzo Kids, Paul Smith Junior ou encore 3 Pommes. Le groupe emploie 2 600 salariés dans le monde (1 300 en France) pour environ 10 000 points de vente. Depuis octobre 2018, il est passé dans les mains du chinois Zhejiang Semir Garment, qui avait annoncé de grandes ambitions pour sa nouvelle propriété, entre investissements structurels et orientations stratégiques. Cet été, la gouvernance du groupe menée par un nouveau PDG, Patrick Puy, évoquait la nécessité d’investir la somme de 30 M€ déclenchant la possibilité d’obtenir un prêt garanti par l’État, à hauteur de 50 M€.
Un tiers du chiffre d’affaires perdu en un an
Las, seulement 8 M€ auraient été accordés par la maison mère. Et les détails du plan stratégique qui auraient dû être annoncés toujours cet été (vente en ligne en direction de la Chine, réduction des coûts fixes, réinvestissements dans les marques) ne sont jamais venus. La difficulté structurelle du secteur textile ajoutée à la succession des mouvements sociaux depuis 2016 (liés à la loi travail et surtout, ceux des Gilets jaunes) ayant déjà mis à mal la consommation en boutiques, la Covid a sans doute donné le coup de grâce aux ventes du groupe. Le chiffre d’affaires est passé de 427 M€ en 2017 à 391 M€ en 2019 avant une chute vertigineuse annoncée pour 2020 : 260 M€, soit un tiers de moins en une seule année.
Une situation que l’intersyndicale (CFDT, CFE-CGCG, CFTC, CGT) siégeant au CSE (Comité social et économique) met aussi sur le compte de « la mauvaise gestion du groupe, les mauvais choix stratégiques, la non-action au cours des dix dernières années de nos actionnaires successifs » et « de l’inertie manifeste de l’actionnaire chinois Semir qui n’a jamais investi dans le groupe à la hauteur de son projet de développement lors du rachat en 2018, ni des promesses faites à l’époque, notamment développement du marché chinois. »
Ce vendredi, afin d’alerter la population et les pouvoirs publics, elle organisait au siège administratif de Saint-Chamond un mouvement social symbolique : plusieurs dizaines d’employés se sont réunis portant des t-shirts et brandissant des pancartes à 12h30. Des élus saint-chamonais étaient présents pour marquer leur solidarité. À cette occasion, le premier adjoint, Régis Cadegros, a lu la motion présentée quasi en simultané par son maire, Hervé Reynaud, au conseil départemental (dont il est vice-président) et adoptée à l’unanimité par ce dernier.
« Une volonté délibérée de « saborder » ? »
Extraits : « De l’aveu même du nouveau PDG du groupe, M. Puy, « il y a des raisons d’espérer » parce que Kidiliz détient « une vraie position de leader ». Alors pourquoi en est-on arrivé à cette situation si les possibilités de maintenir ce groupe et ses marques existent ? Pourquoi le groupe Chinois Semir n’a-t-il pas pris les mesures qui s’imposaient pour pouvoir poursuivre l’activité d’un groupe leader et fleuron de notre savoir-faire textile ? Y a-t-il eu une volonté délibérée de « saborder » ces entreprises pour créer un appel d’air économiques pour les autres activités du groupe Semir ? (…) Il ne saurait être question pour nous que des groupes étrangers et en l’occurrence chinois, puissent faire main basse sur notre patrimoine économique. Il ne saurait être question que le savoir-faire et les emplois des hommes et des femmes de ces entreprises soit spoliés au nom d’une logique de rentabilité. Il ne saurait être question que des familles puissent être prises en otage par une quelconque logique financière (…). »
Le conseil départemental demande donc au groupe Semir d’assumer ses responsabilités, à l’État « de traduire en actes le discours tenu sur le soutien à l’activité économique » et aux « éventuels repreneurs de s’engager à la reprise pleine et entière de l’ensemble des salariés ». Que pensent, justement, les salariés des possibilités de reprise ? « Il y a une notoriété, des marques attractives, alors oui on y croit, commente Georges-Henri Massenya, délégué CFTC. Mais quoi qu’il en soit, il y aura de la casse sur l’emploi, forcément. »
En septembre, nos confrères du Monde écrivaient que selon Patrick Puy, les emplois les plus à risque en France sont les 600 emplois chez Z, qui « ont manifestement des difficultés à susciter de l’intérêt » auprès d’éventuels repreneurs. En revanche, Patrick Puy a relevé « une évidente appétence pour l’ensemble du groupe, hors Z ».