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vendredi 29 mars 2024
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Le nouveau préfet de la Loire a pris le pouls du milieu économique

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Officiellement affecté à la Loire le 6 février, Alexandre Rochatte continue à prendre la mesure du département. Vendredi dernier, entre griefs et contextualisation, il a longuement échangé avec des représentants du monde économique – chambre consulaires, organisations patronales – à l’issue d’une visite groupée des locaux stéphanois d’HEF, récemment sous le feu de l’actualité.

Alexandre Rochatte et les services d’Etat relatifs à l’économie ont échangé vendredi à HEF Saint-Etienne avec la CCI, la CMA, la Chambre d’agriculture, la CAPEB, la FBTP, le Medef, la CPME, l’UIMH, l’UIMM, la FNTR/FNTV. ©If Média/Xavier Alix

Il devait être question d’échanger sur « France 2030 ainsi que sur la sobriété et le développement économique ». Il a été question d’un peu tout. Surtout pas en revanche, du moins pour la presse, du fonctionnement actuel d’HEF à Saint-Etienne et de davantage de détails sur son projet de nouvelle usine sur laquelle seule la municipalité, vendeuse du lieu d’installation, a communiqué : la séquence « visite d’entreprise » n’était, en effet, pas ouverte à la presse. Dommage. Reste que les chambres consulaires ou organisations patronales Loire que sont la délégation stéphanoise de la CCI, la CMA, la Chambre d’agriculture, la Capeb, la FBTP, le Medef, la CPME, l’UIMH, l’UIMM, la FNTR/FNTV n’ont pas manqué l’occasion de la table ronde qui a suivi de parfaire la culture économique locale du nouveau préfet, d’informer sur leur contexte conjoncturel respectif et, surtout, de lui faire part de leurs problématiques. Bien souvent communes, elles ne manquent pas.  

Benoit Fabre, président du Medef 42, intervenait le premier pour parler du Collectif économique de la Loire constitué, à la base, avec la CPME il y a bientôt 5 ans pour décloisonner les points de vue. Une démarche transversale – elle intègre par exemple « de manière évidente » l’agriculture – qui synthétise les défis socio-économiques à échelle macro (transformation, transition énergétique, foncier, infrastructures, habitat, eau, forêts, formation et même modes de vie), vise à davantage collaborer avec les collectivités et l’Etat. Il entend ainsi recouper les remontées des entreprises avec France 2030 (présenté en 2021, ce plan d’investissement dans la lignée de France Relance annonce 54 Md€ sur 5 ans en faveur du développement économique). Alors qu’Elisabeth Borne a évoqué il y a peu un plan de 100 Md€ sur le ferroviaire, le Président Macron l’idée de 10 RER métropolitain et que le volet mobilité sur Contrat plan Etat Région (CPER) 2021/2027 se négocie ce printemps, Benoit Fabre insistait sur les infrastructures de transports vieillissantes de la Loire qu’il s’agisse de ferroviaire ou de l’A47.

Foncier et fermeté

Le président du Medef évoquait aussi la nécessité de poursuivre une réflexion proactive sur le tourisme dans la Loire, mais s’attardait davantage sur le besoin de reconvertir plus rapidement et efficacement les friches passées et à venir dans un contexte de pénurie foncière particulièrement dommageable aux projets d’implantation et de développement. Les rapports entre service d’Etat et collectivités comme Saint-Etienne Métropole ne sont en effet pas toujours à leur optimum quand il s’agit de savoir à quel point les secondes doivent dépolluer un site (la mise à disposition du foncier est de nos jours la première tâche économique des intercommunalités). Mais le temps administratif et ses allers/retours n’est pas celui des investisseurs… Rappelant le développement exponentiel et bienvenu de l’alternance, Benoit Fabre alertait cependant sur la conséquence collatérale au niveau du logement. Les apprentis et alternants en ont fréquemment besoin de deux.

« Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté », enchaînait, en citant Alain, Daniel Villareale, président de la CPME Aura et de la Loire. Alors, si les « voyants sont encore verts, nous commençons à avoir des remontées plus fréquentes sur les problèmes de trésorerie, les difficultés à payer les PGE. Et toujours et encore, ces difficultés de recrutement pour 91 % des adhérents cherchant à recruter, soit un sur deux ». Des Gilets jaunes aux retraites en passant par le Covid, l’inflation et l’explosion des coûts énergétiques, on ne peut que constater leur esprit fort « de résistance et résilience », leur capacité à « transformer les difficultés en challenge ». Mais attention à la lassitude, avertit le patron de la CPME qui espère de l’Etat de la fermeté – « hors de tous débats politiques » – dans le cadre des mouvements sur les retraites à propos du respect « du droit d’entreprendre et de circuler ».  

Le « joug allemand » sur l’énergie

Si venir, en partir et y circuler reste un problème « énorme » pour la Loire et son économie, notait aussi la FNTR/FNTV, pour ce qui est de sa seule chapelle, les organisations des transporteurs routiers et de voyageurs soulignaient que le manque de lieux pour assurer le développement des entreprises logistiques était criant aussi. Or, « si on se porte plutôt bien, on va rentrer dans une phase plus compliquée. Et nous sommes là victimes de réticences politiques », relève Louis Viallon, président 42 des FNT/FNTV. A l’heure où la moindre parcelle, en friche ou pas, destinée à l’économie est plus que jamais disputée, les intercommunalités comme Saint-Etienne Métropole préfèrent, en effet, les accorder à des projets estimés plus rentables dans le ratio emplois/hectare dépensé. Philippe Rascle, président de l’UIMM prenait la suite des transporteurs. Un secteur de la métallurgie qui pèse la moitié des employés industriels de la Loire (22 500 salariés environ) et qui se porte plutôt bien, comme en témoignent les investissements d’HEF, Linamar ou Boa. Les licenciés des rares contrexemples ne devraient pas avoir de mal pour se faire recruter, estime Philippe Rascle.

Le problème énergétique est majeur. Et c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités !

Philippe Rascle, président de l’UIMM.

Là aussi, c’est plutôt le manque de candidats, comme nous l’avons déjà indiqué, qui risque d’être plombant. Cependant, « nous avons des remontées de sous-traitants qui commencent à avoir des difficultés sur le remboursement des PGE et surtout, sur l’explosion des coûts de l’énergie avec des factures multipliées parfois jusqu’à 10, même si on se situe dans la moyenne nationale, de 3 à 4 ! Le problème énergétique est majeur. Et c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités… » Philippe Rascle, citant au préalable le gâchis de Fessenheim, au regard du rapport parlementaire qui a conclu à l’absence de problèmes de sûreté pour justifier la décision, dénonce l’absence de rationalité et la soumission inconsciente de la France au « joug allemand » sur le prix d’une électricité, qui serait encore très bon marché sans cet accord qui dispute le fameux au fumeux le calant sur celui du gaz. A ce titre, il regrettait l’absence d’une « case » décarbonation dans France 2030 : « On n’a pas un centime d’aide sur la décarbonation de nos process. C’est comme avec la cybersécurité. Tant pis, question de survie, on prend sur nos fonds propres. »

Manque de visibilité

Le recrutement avec certes. Mais l’énergie et ses prix, c’est la préoccupation n°1, aussi, du secteur de l’hôtellerie-restauration, souligne Boualem Yakoubi, vice-président de l’UMIH Loire, qui estime que ses membres travaillent globalement à nouveau plutôt bien depuis l’an passé, du moins pour ceux qui « font bien le job ». Problème : « Chez nous, tout le monde ne peut pas avoir des experts-comptables, et demander des aides, c’est une véritable usine à gaz. » Du côté de la CMA, la capacité à surmonter les crises est mise en avant par le président Pascal Calamand avec « un carnet de commandes bien rempli jusqu’en septembre mais après ? Il n’y a pas de visibilité. Et nous n’en avons pas plus à donner à nos clients entre manque de matières premières et l’augmentation de leur coût. On a noté un recul de 10-12 % des marges brutes en 2022 alors que la ZFE risque de faire encore du mal ». Chez les artisans aussi et bien sûr, le recrutement est un problème central.

Il n’y a pas de visibilité. Et nous n’en avons pas plus à donner à nos clients entre manque des matières premières et l’augmentation de leur coût.

Pascal Calamand, président de la CMA Loire

Un horizon plutôt ensoleillé et dégagé à court terme mais l’incertitude et des inquiétudes à plus long terme en raison de l’augmentation des taux d’intérêt et une chute constatée des mise chantier dans le neuf, c’est ce qui synthétise l’intervention de Bertrand Monatte pour la Capeb. Son secrétaire général signale cependant la nette éclaircie représentée par le marché de la rénovation électrique, pointant en revanche la lenteur de l’administration sur le dispositif France Rénov’. Manque de visibilité, altération des marges, obsolescence des infrastructures de transport : ce sont les éléments du message que Didier Brosse (FBTP), absent vendredi, souhaitait faire passer par le biais du Medef. Il revenait à Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture d’achever cette table ronde en mettant en avant des problématiques analogues : les infrastructures de transport encore, les soucis de recrutement dans l’agroalimentaire, de transmission dans l’agriculture, la concurrence sur l’eau… Concurrence qui, dans un département périurbain par excellence, affecte aussi, encore et toujours le foncier…

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