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Les emprunts toxiques à Saint-Etienne, c’est fini

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C’est la fin d’un feuilleton financier vieux de 14 ans. Selon un accord conclu avec la banque Depfa, et voté en conseil municipal le 22 mars, la Ville de Saint-Etienne avait 18 mois pour en terminer avec le pire et l’ultime emprunt toxique qui pesait sur elle. L’accord restait encore suspendu aux conditions des marchés monétaires. Elles se sont avérées suffisamment favorables cette semaine pour le concrétiser.

« Quand nous sommes arrivés à la mairie en 2014, les emprunts structurés représentaient 27 % de la dette. A la fin de cette conférence ce presse, ce sera zéro. » Ce jeudi matin, Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, a annoncé que les emprunts toxiques n’étaient plus qu’un mauvais souvenir pour la Ville.

Des 15 emprunts à taux variables ayant fait couler tant d’encre depuis la crise des subprimes à l’été 2008, il n’en restait jusqu’à cette semaine qu’un. Le pire. Les 22 M€ levés auprès de la banque germano-irlandaise Depfa en juin 2007 ont cours jusqu’en juin 2042. Surtout, son taux d’intérêt pouvait depuis 2020 devenir complètement fou. À tout moment.

Un remboursement de 120 M€ menaçait Saint-Etienne

Une formule complexe calée sur l’évolution des rapports entre dollars, euros et francs suisse, pouvait potentiellement faire monter son taux d’intérêt – cantonné au 0 % de 2007 à 2020 – à… 58 % ! « Il n’y a pas de plafond fixé. C’est le maximum estimé par nos services financiers », précise le maire, Gaël Perdriau. Ce taux est révisé chaque trimestre en fonction de la formule. Il peut aussi très bien rester à 0 %, comme c’était le cas depuis un an. Ou passer à 5, 10 ou 40 %. Le pire scénario ferait cependant grimper le remboursement des intérêts à… 120 M€. Alors qu’il ne reste que 17,5 M€ de capital à rembourser.

La municipalité Maurice Vincent avait assigné Depfa en justice au TGI de Paris en juin 2013 pour cet emprunt souscrit sous Michel Thiollière. Plusieurs tentatives de médiation, suspendant la procédure, ont échoué. Une audience en justice était fixée au 4 mai 2021. Mais en mars, la banque a envoyé un e-mail à la mairie pour proposer un protocole transactionnel potentiellement applicable sur les 18 mois à venir.

Saint-Etienne va payer 13,19 M€ pour en finir avec les emprunts toxiques

Car suspendu aux conditions des marchés monétaires. « Elles sont depuis cette semaine favorables. L’accord va donc s’appliquer », a expliqué ce matin Gaël Perdriau. Les 17,5 M€ de capital restant à payer d’ici 2042 vont donc passer au taux fixe de 4,7 % (loin des taux du marché actuel, 1 % environ, mais un peu inférieurs à ceux d’il y a 14 ans). Et la Ville va verser 13,19 M€ d’indemnité de sortie. Somme qui correspond aux provisions de sécurité imposées par la loi accumulées depuis 13 ans vis-à-vis de cet emprunt. Elle étaient calées sur un taux d’intérêt d’hypothèse fixe, à 4,91 %.

Adjointe municipale aux finances, Nora Berroukeche qui a négocié l’accord aux côtés de ses services rappellent que « la banque aussi souhaitait et avait intérêt à sortir des emprunts toxiques. » Depfa qui demandait à l’origine 29,75 M€ a finalement pris en charge 8,4 M€ de cette somme. Outre les provisions, il reste un peu plus de 7 M€ qui seront dilués dans les taux d’intérêt désormais fixes.

« Les reproches » de Gaël Perdriau à l’encontre de Maurice Vincent

Gaël Perdriau a tenu a salué son adjointe aux finances pour la manière dont elle a mené, aux côtés de ses services, les négociations avec Depfa. La demande initiale de la banque était de passer à taux d’emprunt fixe à 4,91 %.  D’une manière plus générale, au-delà de l’élimination d’une épée de Damoclès qui menaçait « de manière inacceptable les comptes de la Ville », le maire a souligné que « l’encours de la dette municipale était de 348 M€ en 2014. pour passer à 263 M€ en 2021. Le taux d’intérêt moyen est, lui, passé, de 4,32 % à 3,73 %. Cet encours est sécurisé avec des taux fixes pour 85,25 % des emprunts. Pour les 14,75 % restant, il s’agit du variable classique et prévisible type Euribor ou Livret A.»

Tournant aussi ses propos sur ses adversaires politiques – anciens et présents -, Gaël Perdriau a rappelé les deux « reproches » sur ce dossier qu’il maintient à l’encontre de son prédécesseur, Maurice Vincent. Rappelons que l’ancien maire (2008-2014) avait largement entamé le travail de « désintoxication » des emprunts structurés contractés sous Michel Thiollière. En mars, lors du vote anticipant l’accord avec Depfa, l’opposition n’avait d’ailleurs pas manqué de rappeler l’appartenance de Gaël Perdriau à la majorité Thiollière 2001-2008…

« Sur les emprunts toxiques, il serait bon d’éviter tout triomphalisme »

Sauf qu’aux yeux du maire actuel, « Maurice Vincent aurait pu régler le cas Depfa en 2008. S’il avait écouter son adjoint aux finances d’alors (Jean-Claude Bertrand, Ndlr). La banque proposait de passer à un taux fixe conforme au marché. Et sans versement d’indemnités. Il a refusé. D’autre part, sa communication outrancière au sujet des emprunts toxiques était une erreur pour l’image de Saint-Etienne. Nous avons prouvé que l’on pouvait régler le problème en parlant davantage de nos avancées urbaines, culturelles et économiques. »

L’opposition avait estimé en mars l’accord avec Depfa trop favorable à la banque. Pierrick Courbon (groupe d’opposition Saint-Étienne Demain) disant par exemple : « Au final, cet emprunt va coûter plus de 40 M€.  Dont 25 M€ en intérêts et pénalités aux Stéphanois si on additionne coût de sortie, capital restant dû, nouveaux intérêts à rembourser…  (…) Il serait bon d’éviter tout triomphalisme, restons modeste : rappelons, M. le maire, que vous étiez conseiller municipal sous Michel Thiollière.»

Le maire est revenu sur l’idée qu’aurait avancé l’opposition d’effectuer un emprunt sur taux actuel. C’est-à-dire très faible pour purger celui de Depfa. « Aucune banque n’aurait financer ça. Pas pour rembourser des emprunts toxiques », assure-t-il.

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