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jeudi 12 décembre 2024
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Sécurité des documents d’identité : un futur qui s’inscrit à Saint-Etienne

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Et ce futur est très, très proche. Il est en gestation depuis une quinzaine d’années derrière les murs du laboratoire CNRS Hubert Curien. Le groupe américain HID a décidé d’accélérer une collaboration vieille de 6 ans en investissant à Saint-Etienne dans un « laboratoire commun » baptisé LAMCID pour Lasers, Materials and Colors for Citizen Identity Documents… Une application de plus issue de la recherche de l’université Jean-Monnet autour de l’usage des lasers, du traitement de surface et de la nanotechnologie.

Grâce à la création de nouveaux éléments de sécurité issus de la technologie laser développée à Saint-Etienne, l’authenticité de documents officiels devrait passer un cap. ©Université Jean Monnet

« Quand notre technologie élaborée à Saint-Etienne, au LAMCID, sera prête, falsifier des documents réalisés avec relèvera de la science-fiction », assure Damien Cardinaux. Ce Suisse est le vice-président des documents d’identité au sein du groupe américain HID Global CID, filiale du géant d’origine suédoise Assa Abloy (environ 50 000 collaborateurs 11 Md€ de CA !) dont elle est, à elle seule une composante déjà quelque peu costaude et elle aussi très internationale : on parle là d’environ 4 500 salariés travaillant partout dans le monde pour un chiffres d’affaires « confidentiel ». Son siège social basé à Austin, au Texas n’en concentre « que » 400. HID élabore et fournit la technologie de sécurisation de documents officiels et cartes d’accès permettant d’identifier les individus.

La société qui se présente comme leader mondial de son domaine travaille pour les entreprises, l’éducation, les institutions gouvernementales et financières, les hôpitaux. Elle a ainsi fourni depuis ses débuts plus de 2 milliards d’objets connectés partout dans le monde au secteur privé et public. Plus d’un État fait appel à ses services pour apposer des éléments de sécurité et d’authentification sur leurs cartes d’identité, passeports ou autres documents plus spécifiques : le Brésil, l’Argentine (avec les premières cartes d’identité sécurisées sur smartphone), l’Italie, l’Irlande, la Tanzanie, l’Arabie Saoudite, Hong-Kong, tout récemment Bahreïn et enfin, les Etats-Unis où elle est, depuis 15 ans, derrière les éléments anti falsification intégrés à la précieuse green card, la fameuse carte autorisant un étranger à y résider en permanence.    

Un contrat signé pour 4 ans

A l’origine cependant, ce n’est pas HID mais, dès 2015, Arjo Systems, que le groupe a rachetée 2 ans plus tard, qui a frappé à la porte du laboratoire CNRS Hubert-Curien. Cette PME française (100 salariés) avait saisi la technologie majeure pouvant découler des recherches menées derrière les murs du labo stéphanois. HID a ainsi confirmé puis amplifié les relations nouées avec ce fleuron de la recherche scientifique de Jean-Monnet avant donc de passer à la vitesse supérieure en signant un contrat de 4 ans avec l’université stéphanoise pour créer ce laboratoire partagé qu’est le LAMCID. En fonction depuis mars, il est réparti, sur le campus Manufacture, entre le bâtiment des Forges et à proximité, les locaux déjà existant d’Hubert Curien. L’investissement d’HID – là aussi pour « un montant confidentiel », nous répond Damien Cardinaux – a notamment permis d’acquérir de nouveaux équipements.

En nous installant pour de bon à Saint-Etienne, nous allons probablement mettre deux fois moins de temps pour avancer.

Stéphane Ayala, chargé du projet au sein d’HID, co-directeur du laboratoire LAMCID
Stéphane Ayala, chargé du projet au sein d’HID et co-directeur du LAMCID. ©If Média/Xavier Alix

Mais, aussi, de regrouper des ressources d’HID jusque-là dispersées, en particulier à Suresnes en région parisienne. « En nous installant pour de bon à Saint-Etienne, nous allons probablement mettre deux fois moins de temps pour avancer. Avant, il fallait envoyer les résultats des tests loin d’ici, les faire analyser, s’expliquer à distance, etc. Ces allers-retours étaient chronophages », explique Stéphane Ayala, chargé du projet au sein d’HID, un des trois salariés du groupe à désormais travailler à Saint-Etienne. Deux d’entre eux sont d’ailleurs d’ex-doctorants du laboratoire Hubert-Curien. Ils auront pour collègues trois chercheurs actuels d’Hubert-Curien sans compter de nouveaux doctorants et post-doctorats, susceptibles de signer, eux aussi, chez HID. Car c’est un savoir-faire mais aussi des ressources humaines, des « talents » qu’HID est venue chercher à Saint-Etienne.

La technologie laser au service de la sécurité

Jeudi 9 juin, lors de la présentation officielle du LAMCID, le président de l’université Florent Pigeon qui a été membre puis directeur d’Hubert-Curien a rappelé que, derrière les résultats spectaculaires et les débats de société qu’elle provoque, c’est sur « le temps long » que s’envisage la recherche. La genèse du projet, bâti étape par étape, article par article, remonte en effet à 2006 et à l’opiniâtreté de Nathalie Destouches, désormais co-directrice du LAMCID aux côtés de Stéphane Ayala même si de nombreux autres scientifiques qui ont contribué, de près ou de loin, pourraient être cités. Mais « alors jeune chercheuse, il faut se souvenir de sa prise de risque, sa position peu évidente à tenir pour orienter ses travaux qui nous a amené jusqu’ici, souligne Florent Pigeon. Cela doit encourager nos jeunes chercheurs à insister quand ils sentent une idée amenant une forme de rupture. »

Ce sont aussi les jeunes talents, les doctorants et post doctorants, que HID vient chercher à Saint-Etienne. ©Université Jean Monnet

Grâce à la création de nouveaux éléments de sécurité issus de la technologie laser développée à Saint-Etienne, l’authentification et la protection des documents officiels proposés par HID devraient passer un nouveau cap et lui donner une avance décisive sur la concurrence. Et il y a de quoi travailler quand on sait que 6 700 documents frauduleux ont été repérés en 2018 au sein de l’espace Schengen en 2018 ou encore que 40 000 identités d’enfants ont été frauduleusement utilisées. Mais qu’est-ce que Nathalie Destouches, ses collègues et leurs équipes développent de si nouveau depuis toutes ces années ? Le laboratoire Hubert-Curien ne travaille bien sûr ni sur ce qui est visible ou semi-visible avec des équipements légers, mais sur ce qui est infiniment petit, à l’échelle nano, via la modification par laser de particules d’une taille comparable au virus du Covid.

L’étape industrielle d’ici 2-3 ans

« Le procédé que nous développons permet d’inscrire des éléments de sécurisation non pas à la surface comme un encrage mais à l’intérieur même de la carte. Il porte à la fois sur le laser, son utilisation et la surface traitée. Nous sommes en mesure de modifier les particules pour imprimer toutes les couleurs souhaitées (les inscriptions laser sont actuellement d’abord en noir et blanc, sinon sur des gammes limitées de couleurs, Ndlr) mais aussi pour que ces couleurs une image, une photo soient complètement différentes selon tel ou tel angle d’observation. On parle d’images multiplexées », décrit Nathalie Destouches dont les recherches ont donné lieu pour l’instant à trois brevets et des publications dans de nombreuses revues scientifiques de prestige.

La technologie du laboratoire Hubert Curien modifie les particules à l’échelle nano pour créer en particulier des images multiplexées. ©Laboratoire Hubert Curien.

La recherche menée à LAMCID vise à améliorer la qualité des images encodées pour une observation à l’œil nu, à développer des matériaux nanostructurés qui présentent des propriétés optiques qui n’existent pas encore, à caractériser et expliquer ces nouvelles propriétés optiques, et à intégrer les matériaux, procédés et traitements numériques à l’échelle industrielle. Avant une étape industrielle – qu’il ne faut pas attendre à Saint-Etienne –  permettant de produire des cartes en plastique équipées de ces éléments de sécurité « uniques et innovants ». HID espère y parvenir d’ici dans relativement peu de temps : 2 ans. Ce qui ne signifie pas qu’il s’agira pour le groupe américain d’un « one shot ». Car la course face à la contrefaçon est permanente et « il y aura toujours des choses à perfectionner, améliorer, des nouvelles demandes ».

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