Une « Maison antiflammes » : il aimerait voir ses idées à l’épreuve du feu
A 77 ans, dont près de 60 passés dans le bâtiment, il a du mal à laisser moisir dans les cartons les idées que lui inspire encore son ex-vie professionnelle. Le Stéphanois Mario Lorenzi a collaboré avec l’École des Mines de Saint-Etienne au sein de « Price », programme incitant les étudiants à une première expérience entrepreneuriale via un projet innovant d’une entreprise qui les encadre. Sinon d’un particulier, comme dans son cas. Son dispositif de protection antifeu pour maisons individuelles, affiné par plusieurs mois de travail avec trois étudiants, a été breveté. Il espère désormais qu’un entrepreneur motivé le reprenne à son compte.
Non, à 77 ans, il ne se voit pas commencer une (autre) carrière d’entrepreneur. D’une manière générale, Mario Lorenzi se dit simplement que son expérience technique et entrepreneuriale, sa curiosité, ses idées peuvent encore profiter à la société. D’où son courrier adressé à l’automne 2022 à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne autour de « l’élaboration d’un concept innovant de protection des constructions contre les incendies ». Aucun rapport avec les installations intérieures de sécurité : le dispositif imaginé consiste à « protéger les constructions à proximité d’espace boisé ou par contamination de feu par mitoyenneté ». Selon Mario Lorenzi que nous avons rencontré à la suite de sa sollicitation, « contrairement à l’intérieur des bâtiments collectif et les systèmes rodés de sprinkleurs, il n’existe pas grand-chose, voire rien, pour lutter automatiquement depuis l’extérieur contre la propagation d’un feu aux maisons individuelles. »
Au mieux, poursuit-il, « de rares systèmes collectifs déclenchant des rideaux d’eau à l’entrée d’un lotissement mais individuellement, il n’y a rien. C’est la vision de toutes ces habitations détruites à l’été 2022 (dans le Sud-Ouest notamment lors de cet opus très incendiaire) qui me l’a cruellement rappelé – j’ai eu à travailler plus d’un projet en AMO, de reconstruction à la suite d’incendies, dans le Roannais notamment – et poussé à y travailler ». Sa bouteille à la mer adressée au directeur des Mines Saint-Etienne n’est pas restée lettre morte. Le dispositif imaginé par Mario Lorenzi a en effet été intégré au programme « Price » (Projet d’Innovation de Création et d’Entreprenariats) de l’école sont destinés aux étudiants ICM (ingénieur civil des mines) de 2e année, « constituant un axe majeur de leur formation en utilisant une approche « Learning By Doing » (« apprendre en faisant » en moins chic, Ndlr) », décrit l’école. Trois étudiants des Mines ont donc planché en 2023 avec lui, sur la mise au point technique, l’affinement et, aussi, voire surtout, la faisabilité économique des plans initiaux de Mario Lorenzi.
Un premier jet retravaillé
Ce retraité stéphanois témoigne, de son côté, d’une solide expérience technico-commerciale dans le Bâtiment, de la base au sommet. Ouvrier maçon dès 16 ans, dès le début des années 1960, il avait créé la société Edibat SA à Saint-Etienne en 1974 puis sa version sud, au Cannet (Alpes-Maritimes) en 1983, cumulant à elles deux 120 collaborateurs. Il avait cessé de diriger ses entreprises à partir en 1997 pour devenir cadre au sein de ce qui était alors l’Office HLM de Saint-Etienne en qualité de responsable de l’entretien de logements et parties communes. Tout en ayant créé, dit-il, aussi une « régie d’insertion par le travail pour jeunes des quartiers sensibles ». Officiellement retraité en 2007, Mario Lorenzi avait lancé en 2009 sous statut d’auto-entrepreneur, son cabinet d’AMO (Assistance à maître d’ouvrage) jusqu’en 2021, année marquée par une « pause » vite mise de côté, donc, pour cette collaboration de plusieurs mois avec des étudiants des Mines.
Celle-ci a obtenu à l’issue de sa soutenance, en mai 2023, par le trio d’étudiants qui y ont travaillé avec lui – Bastien Bony, Gustavo Borges Simoes, Lilian Sauvadé -, la 5e place sur les 32 projets présentés cette année-là. L’idée de base sur laquelle le quatuor a planché ? « A partir de la zinguerie classique, installée sur les constructions, les chéneaux, les bandeaux de rives, faîtage, déclencher automatiquement en cas de détection incendie une pulvérisation ou un ruissèlement d’eau formant ainsi un écran protecteur à l’arrivée des flammes depuis l’extérieur. » Système qui exige donc un dispositif de gestion informatisée pour la détection du feu. Et, pour la fourniture en eau, la présence, dans le premier jet du projet, et donc la connexion avec une piscine ou au moins une réserve d’eau conséquente (plutôt courant dans une maison du Sud davantage exposée sans être pour automatique) même si on peut, certes, l’imaginer aussi simplement alimenté par le réseau classique.
Un système coûtant 18 000 €
Mais c’est bien pour dépasser l’imaginaire que Mario Lorenzi s’est tourné vers l’école des Mines. Le projet a ainsi été revu en profondeur afin de l’améliorer. La version soutenue en mai 2023, au-delà de la mise au point par les étudiants d’un système informatique de détection (il faut donc que l’électricité soit maintenue en cas de besoin de déclenchement avec donc la nécessité d’un groupe électrogène) prévoie ainsi un système de déclenchement de rideaux d’eau à partir d’un recueil des eaux pluviales dans une cuve de rétention – somme toute, assez classique – permettant de l’alimenter. Puis, en boucle, de récupérer à nouveau cette eau usagée en cas d’utilisation, qu’elle ait été finalement pertinente ou non. Mais aussi, dans un objectif de prévention, une brumisation régulière des murs extérieurs en période de haute chaleur à partir de cette même réserve, déclenchée à partir de l’analyse d’humidité des sols. Enfin, les murs pourraient être végétalisés dans l’idéal au maximum, comme cela se fait déjà, pour appuyer cette prévention via un système de drains spécifiques (d’ailleurs objet d’un second parrainage de Mario Lorenzi propre à un second projet Price 2023).
De quoi, au passage, réduire le risque de fissures, effet secondaire hélas désormais de plus en plus connu de la sécheresse sur les murs des bâtiments. Le tout se verrait connecté à des panneaux photovoltaïques afin d’optimiser davantage encore son utilisation, d’ailleurs flanqué, naturellement de son « appli ». L’ensemble complet et monté, selon le « business model » élaboré avec les étudiants encore coûterait au client final 18 000 € environ, à ajouter donc au prix d’une maison ancienne ou nouvelle. Un investissement conséquent mais qui vaut largement le coût estime Mario Lorenzi, au regard de la montée du danger, année après année de réchauffement climatique. Sans compter les éventuels effets avantageux au niveau des assurances. Mario Lorenzi estime que le potentiel économique et le bienfait social sont tous les deux-là. Il a fait breveter le système et est prêt à vendre l’idée à tout porteur de projet sérieux intéressé. Comme après sa révision/amélioration, elle n’est plus exclusivement la sienne, au cas où cela arriverait, il assure qu’il n’oubliera pas d’accorder quelques pourcents à l’Ecole des Mines et aux étudiants avec qui il a travaillés. L’accord est lui aussi déjà dans les tuyaux.