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Côté Experts : les ruptures du contrat de travail

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Me Cécile Azoulay, avocate associée du cabinet stéphanois Alticial, exerce auprès de ses clients en matière de droit social, de droit du travail, de droit pénal du travail ou encore de droit de la sécurité sociale. Nous revenons aujourd’hui avec elle sur les différentes situations de ruptures de contrats de travail. Me Cécile Azoulay est à retrouver également en tant qu’invitée de Côté Experts, émission diffusée sur France Bleu Saint-Etienne Loire du lundi au vendredi à 9h30.

Quels sont les différents cas de rupture de contrat de travail ?

Il existe trois catégories de ruptures de contrat de travail. Les plus connues sont les licenciements qui sont à l’initiative de l’employeur. Il existe également des ruptures à l’initiative du salarié avec la démission par exemple. Enfin, la nouvelle rupture « à la mode » est la rupture conventionnelle qui est la seule permettant de cesser un CDI de manière amiable.

Concernant les licenciements, quelles sont les formes les plus fréquentes ?

Celles que l’on retrouve le plus souvent sont les procédures de licenciement pour motif disciplinaire où l’employeur va sanctionner un comportement fautif du salarié et va prononcer un licenciement soit pour cause réelle et sérieuse ( c’est-à-dire pour une faute simple ou légère)  soit pour faute grave c’est-à-dire une faute qui rend impossible la poursuite immédiate du contrat de travail, y compris pendant le préavis. Enfin, il existe également le licenciement pour faute lourde mais cela reste très rare car il faut pouvoir caractériser l’intention de nuire du collaborateur.

Il existe d’autres motifs de licenciements ?

Oui, tout à fait, notamment le licenciement pour motif économique, individuel ou collectif, lié aux difficultés économiques qui sont rencontrées par la structure ou de la nécessité de se réorganiser pour assurer la sauvegarde de sa compétitivité. Ou encore le licenciement pour inaptitude, quand le médecin du travail constate que l’état de santé n’est plus compatible avec l’exercice de ses missions professionnelles. Ce dernier peut alors prononcer une inaptitude d’origine professionnelle ou non-professionnelle.

Tous ces motifs de licenciements possèdent donc des modalités différentes. Mais existe-t-il des motifs de licenciements qui ne s’adressent qu’aux CDD ou d’autres qu’aux CDI ?

Quand on parle de licenciement, on parle nécessairement de rupture de contrat de travail à durée indéterminée ou CDI. Le licenciement n’existe pas pour les contrats de travail à durée déterminée ou CDD. Pour ces derniers, il existe d’autres cas de rupture encadrés par le code du travail. Petite particularité également à connaître c’est que l’on ne peut pas « démissionner » d’un CDD. Pour quitter son CDD, il faudra nécessairement négocier avec son employeur pour arriver à une rupture d’un commun accord, mais qui n’est pas une rupture dite conventionnelle. C’est vrai que tout est très réglementé suivant les situations dans lesquelles on se trouve.

Quand on parle de licenciement, on parle nécessairement de rupture de contrat de travail à durée indéterminée ou CDI.

Me Cécile Azoulay

Si un employé est en CDD et trouve un CDI, la rupture du CDD est-elle automatique et l’employeur ne peut la refuser ?

En principe, l’employeur ne peut pas la refuser.

Est-ce que la période d’essai est une période de « liberté totale » dans le sens où l’on peut casser un CDD ou un CDI du côté du salarié ou de l’employeur sans contraintes ?

Alors, je dirais oui et non. La période d’essai est un test permettant d’un côté à l’employeur de voir si le salarié qu’il a recruté correspond à la mission et de l’autre côté au salarié de voir si les conditions d’exécution du contrat sont bien celles qui lui étaient promises. En période d’essai, chacune des parties peut rompre le contrat. Lorsque c’est le salarié qui arrête son contrat en période d’essai. Sur le papier, il n’a pas à justifier des raisons pour lesquelles il souhaite mettre fin à la période d’essai ( sauf motif disciplinaire). Il écrit simplement en expliquant qu’il rompt la période d’essai. Il a cependant un délai de prévenance à respecter pour ne pas mettre l’employeur en difficulté en quittant son poste du jour au lendemain. Côté employeur, c’est un peu plus compliqué. Sur le papier, il n’a pas à justifier des raisons pour lesquelles il souhaite mettre fin à la période d’essai. Il y a également un délai de prévenance. Mais l’employeur doit faire attention tout de même que le motif de rupture de la période d’essai ne soit pas discriminatoire, auquel cas il s’expose à un contentieux potentiel.

Concernant les ruptures conventionnelles, quelles sont les conditions à réunir pour la mettre en place ? La demande doit-elle venir du côté de l’employeur ou du salarié ?

La rupture conventionnelle a été mise en place pour éviter les processus que l’on connaissait auparavant, c’est-à-dire un abandon de poste avec une transaction. C’était ce qui se pratiquait quand les deux parties voulaient se séparer. Depuis 2008, le législateur a mis en place cette nouvelle forme de rupture à l’amiable pour les CDI. C’est un mode de rupture mixte, pour lequel on ne recherche pas qui est à l’initiative de cette scission. On n’a donc pas à savoir non plus les raisons. Ces informations n’apparaîtront donc pas dans les documents officiels. C’est malgré tout plus souvent le salarié qui est à l’initiative. Il faut préciser également que la procédure de rupture conventionnelle se fait en ligne désormais, sur la plateforme TéléRC.

La rupture conventionnelle a été mise en place pour éviter les processus que l’on connaissait auparavant, c’est-à-dire un abandon de poste avec une transaction.

Quelles sont les différentes étapes à suivre pour aller au but d’une rupture conventionnelle concernant les salariés non protégés ?

Il faut tout d’abord au moins un entretien formel de rupture conventionnelle. Pendant cet entretien l’employeur ne peut se faire assister que si le salarié l’est aussi. Un salarié peut se faire accompagner notamment par un représentant du personnel ou un conseiller du salarié. Un employeur par un membre de l’entreprise ou d’une organisation syndicale. Mais en aucun cas les deux parties ne peuvent se faire assister par leur avocat à cette étape. Les avocats interviennent en général de manière confidentielle en amont. Au terme du dernier entretien, on est censé s’être mis d’accord sur les dates de la procédure comme la fin de contrat qui ne peut pas intervenir avant le lendemain de l’expiration du délai d’homologation de la Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ou nouvelle Inspection du travail. En général c’est un mois et demi. Il faut également se mettre d’accord sur la situation du salarié pendant cette période concernant sa rémunération, de potentiels congés payés, etc. Ensuite, il y a un délai de rétraction à respecter de 15 jours pour chacune des parties qui peut revenir sur les conditions sans pénalité. Si au terme des 15 jours calendaires, personne n’est revenu sur la rupture conventionnelle, l’employeur va la télédéclarer auprès de la DREETS. Cette dernière a 15 jours ouvrables pour homologuer la demande de rupture. Si la DREETS ne dit rien, il y a validation et l’employeur va alors remettre au salarié le certificat de travail, le solde de tout compte comprenant le règlement des indemnités et l’attestation Pôle emploi.

Les indemnités pour le salarié sont-elles obligatoires ?

Cela fait partie des points sur lesquels il faut également se mettre d’accord. Il y a un minimum qui est prévu par la loi. Le montant que l’employeur devra verser sera ce qui est le plus favorable pour le salarié entre l’indemnité légale de licenciement* et l’indemnité issue de la convention collective. C’est sur ce point que les négociations se situent souvent entre le salarié et l’employeur.

Une rupture conventionnelle coûte-t-elle autant qu’un licenciement pour l’employeur ?

L’indemnité sera la même. Dans un licenciement classique, l’indemnité de licenciement n’est pas chargée pour l’employeur. Elle est en net pour ce dernier. Dans le cadre de la rupture conventionnelle, il existe un forfait social de 20 % à régler. Par contre, à l’inverse du licenciement classique, l’employeur n’a pas de préavis à payer. Pour un employeur, les conditions financières sont plus ou moins intéressantes selon les cas de figure.

Côté salarié, le licenciement ou la rupture conventionnelle restent plus intéressants que la démission ?

Oui, car avec une démission, il n’aura pas d’indemnités et pas le droit de bénéficier d’allocations issues de Pôle emploi.

On parle souvent d’abandon de poste. A quoi cela correspond et quelles en sont les conséquences ?

L’abandon de poste correspond au fait que l’employé ne se présente plus sur son lieu de travail et ne fournit pas de justificatif ou de raison légitime pour cette absence. Aujourd’hui quand le salarié ne se présente plus, l’employeur ne peut pas le considérer comme démissionnaire et doit enclencher une procédure de licenciement. Rappelons qu’un licenciement même pour faute lourde permet d’ouvrir droit aux allocations de Pôle emploi. Mais une réforme, issue de la loi marché du travail, vient de passer au Journal officiel le 22 décembre 2022, pour laquelle on attend un décret d’application. Cette dernière a été initiée car les pouvoirs publics se sont émus du fait que quelqu’un qui abandonne son poste d’une part contraigne l’employeur à engager une procédure de licenciement qui peut avoir un coût mais également puisse bénéficier d’allocations Pôle emploi par la suite. Cette réforme va permettre de considérer que le collaborateur qui ne se présente plus sur son lieu de travail et qui ne présente pas de justificatif légitime tel un arrêt de travail, va pouvoir être considéré comme démissionnaire et donc n’aura plus le droit aux allocations de Pôle emploi. Un changement qui risque de créer de nouveaux contentieux et qui reste encore à mettre en place.

*L’indemnité est au moins égale aux montants suivants : 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté après 10 ans.


Me Cécile Azoulay intervient notamment dans les domaines suivants :

  • Droit du travail
  • Droit de la sécurité sociale
  • Droit pénal du travail
  • Conseil/contentieux/Formation

Pour prendre rendez-vous avec Me Cécile Azoulay, cliquez ici

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