Cours criminelles : « Cette réforme considère que les viols sont un peu la sous-catégorie du crime »
C’est effectif depuis le 1er janvier. Les Cours criminelles départementales remplacent les Cours d’assises pour les crimes les moins « graves », passibles de 15 à 20 ans de prison. Composées uniquement de magistrats professionnels, elles ne comptent plus aucun jury populaire. Elles ont été expérimentées dans certains départements, puis ont été généralisées. Pour y voir plus clair, nous avons interrogé Me François Paquet-Cauët, avocat, et futur bâtonnier de l’Ordre des avocats de Saint-Etienne.
Les Cours criminelles départementales ont été généralisées au 1er janvier à l’ensemble du territoire. De quoi s’agit-il ?
« Elles ont vocation à remplacer les Cours d’assises pour les crimes les moins graves. Il s’agit de tous ceux passibles de 15 à 20 ans de prison. Cela va représenter entre 90 et 95 % de viols. L’objectif était de réduire les délais de traitement de ces affaires, car on va remplacer le jury populaire, composé de trois magistrats et de six citoyens en première instance, par des magistrats professionnels. L’objectif est réduire les coûts, en n’ayant pas à indemniser les jurés et de gagner un peu de temps en jugeant plus vite. »
Y a-t-il suffisamment de personnel formé pour se substituer aux jurés ?
« Le problème est que pour une affaire, il faut avoir deux magistrats de plus qu’actuellement. A Saint-Etienne par exemple, je ne sais pas comment on va faire. Nous n’avons pas assez de magistrats. »
Quels sont les autres arguments mis en avant par les défenseurs de cette réforme ?
« Le garde des Sceaux, qui était parfaitement opposé à cette décision lorsqu’il était encore avocat, affirme que cela va permettre une baisse de la correctionnalisation. La correctionnalisation est un système assez choquant qui consiste à abaisser l’incrimination reprochée à l’accusé, pour pouvoir le juger plus vite. Comme, par exemple, un viol, qui sera requalifié en agression sexuelle. Sauf que, lorsque nous avons regardé les chiffres de l’expérimentation, le taux de correctionnalisation reste le même avec cette réforme. On s’aperçoit aussi à travers cette expérimentation que le taux d’appel est supérieur à celui des assises. Donc le temps gagné en première instance se répercutera sur l’appel. »
Cela a entraîné la disparition des jurés populaires. Pourquoi y êtes-vous opposé ?
« On considère maintenant que les viols ne doivent pas être jugés par des jurés populaires. Cette réforme considère que les viols sont un peu la sous-catégorie du crime. Le problème de la disparition du jury populaire est un vrai problème philosophique. On réduit l’accès des citoyens à la justice au lieu, au contraire, de montrer comment cela se passe à l’intérieur. Les sortir de la Cour d’assises, c’est couper les liens entre les citoyens et l’institution judiciaire. C’est d’autant plus grave, car nous sommes dans un contexte de vraie défiance envers le système judiciaire. Pour moi, c’est une réforme qui va à l’encontre des grands principes de notre système juridique. D’autant que pour l’instant, en l’état des moyens humains, et immobiliers, car c’est aussi un problème, le gain de temps sera limité. »