Dans la Loire, la PJJ perdrait 8 % de ses effectifs
C’est le bilan du syndicat SNPES-PJJ/FSU, à prendre avec des pincettes, avertit-il, du fait d’un contexte mouvant et de la difficulté d’obtenir des chiffres exacts. Mais c’est, en tout cas, son dernier comptage dans la Loire : 8 contractuels – pouvant être des éducateurs, psychologues, assistants sociaux…– de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n’ont pas été ou ne devraient prochainement pas être renouvelés au sein d’une Direction territoriale totalisant jusque-là 100 agents. Conséquence locale d’une décision d’ordre nationale relative à des mesures d’économie…
Tombée au milieu de l’été, la nouvelle l’a amené à se syndiquer. « A l’échelle du pays, on va économiser quelques millions d’euros pour obtenir quoi ? Une casse socio-économique certaine. Et donc plus de dépenses publiques sur le long terme… », analyse Nicolas Lecogne. Néo-représentant du syndicat SNPES-PJJ/FSU au sein de la Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ) Loire, cet éducateur travaille depuis Saint-Etienne au sein de l’UEMO (unité éducative de milieu ouvert) « Jacquard ». Une des huit que totalise dans le département la PJJ pour œuvrer à leurs taches respectives : outre le pôle administratif rue Dormoy, il s’agit donc de trois UEMO (Saint-Etienne intra-muros dit « Jacquard », « Saint-Etienne agglomération » et Roanne), deux foyers pour mineurs délinquants et enfin, deux accueils de jour consacré à l’insertion/réinsertion.
La Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est une direction du ministère de la Justice, déclinée territorialement en « directions interrégionales » et, en dessous, « territoriales » correspondant à son activité sur un ou plusieurs départements. Comme le rappelle sa page descriptive sur le site web du ministère de la Justice, ses missions, souvent en lien avec les juges, consistent à « élaborer et faire appliquer les textes concernant les mineurs en conflit avec la loi et les mineurs en danger », « assurer leur prise en charge dans les services et établissements de l’État », « apporter aux magistrats une aide à la décision, grâce à la connaissance du terrain » et, enfin, « garantir l’insertion scolaire et professionnelle des mineurs grâce à des réponses éducatives adaptées ». Jusqu’à cet été, cent personnes travaillaient pour elle dans la Loire, 9 232 très exactement à l’échelle nationale, toujours selon cette page web*.
Débat idéologique et petites économies
C’est désormais moins. Car « en pleine « trêve olympique » exigée par le chef de l’État, l’exécutif a infligé une effroyable cure d’austérité budgétaire à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Sur 9 000 personnels, 500 contrats ne seront pas reconduits (une grande portion des contractuels avec lesquels les services tournent, Ndlr), s’insurgeait la députée stéphanoise insoumise Andrée Taurinya dans un communiqué fin août. Ce véritable plan social conduira à la disparition de 76 postes dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Des secteurs entiers de l’agglomération de Saint-Étienne ne seront plus couverts. Cette catastrophe sociale laissera des jeunes et des familles livrés à eux-mêmes alors que la délinquance des mineurs constituait l’une des priorités démagogiques du gouvernement Attal. » Pour la députée insoumise, pas de doute : la décision – qu’elle associe, par ailleurs, au plan d’économie budgétaire de l’Etat – accompagne ce qu’elle considère comme un véritable « détricotage de la justice pénale des mineurs » :
« La PJJ doit leur donner un cadre stable et sécurisant, favorisant leur insertion et assurant la primauté de l’éducatif sur le répressif, conquis de l’ordonnance de 1945. » Depuis bientôt 80 ans, cette fameuse ordonnance constitue, en effet, le texte de référence fixant les règles et principes applicables en matière de justice pénale des mineurs. La PJJ est censée assurer son déploiement sur le terrain. Alors, assiste-t-on, à ce sujet aux conséquences d’une bataille idéologique entre primauté de l’« Educatif/préventif » vs celle du « répressif » ? On ignore si le gouvernement macroniste, déjà démissionnaire au moment de l’annonce de la décision, avait dans ses intentions de conduire un ferme « en même temps » en la matière ou s’il ne faut y voir qu’un simple et pur coup de rabot budgétaire (1,6 M€ à 1,8 M€ ainsi épargnés, selon les syndicats) certes plus ou moins teinté de désaccord idéologique…
Nouvelle grève en préparation
Selon cet article du Monde, la demande d’économie par Bercy, aurait déclaré le ministère de la Justice, fait suite à « une dynamique de recrutement (une augmentation préalable des effectifs donc ?, Ndlr) qui a entraîné une surconsommation de la masse salariale ». Mais elle ne compte « que » pour 700 000 €. Le restant (0,9 à 1,1 M€ donc) viendrait des primes à honorer, entre autres de nature olympique pour des éducateurs particulièrement mobilisés par Paris 2024. Primes… « oubliées » dans l’élaboration du budget impacté, nous indique la SNPES-PJJ/FSU. D’où la non-reconduction, pour trouver l’argent, annoncée de ces 500 contractuels dont des psychologues, éducateurs ou encore des assistants sociaux. Bien évidemment, l’affaire a été très vite politisée. Le syndicat SNPES-PJJ/FSU, assumant, dans la région au moins, n’avoir alerté que les parlementaires de gauche – d’où ce communiqué d’Andrée Taurinya – considérant que c’était peine perdue pour ceux de droite (ce qui inclut dans sa désignation l’ensemble des macronistes et alliés) car opposés, estiment-ils, aux principes fondamentaux de leur mission…
Des rassemblements et des grèves (14 et 29 août) ont donc été observés à l’appel d’une intersyndicale SNPES-PJJ-FSU, CGT-PJJ, UNSA-SPJJ et Interco-CFDT Justice. Une nouvelle grève est en préparation pour le vendredi 19 septembre. Cela, malgré une machine arrière relative effectuée par le gouvernement depuis les premières mobilisations, le déblocage de 3 M€ par le ministère (selon les chiffres qui circulent ; ce qui, paradoxalement, dépasse les économies visées), l’autorisation de rappeler, au moins une partie des contractuels éconduits et même de recruter à nouveau début novembre. Dans la Loire, qu’est-ce que cela donne ? « Au dernier comptage fin aout, 9 contractuels ne devaient pas être renouvelés sur 100 agents dans la Loire (titulaires/contractuels confondus). Cependant, nous venons d’en récupérer au moins un à la suite du déblocage des 3 M€ dont une partie va en fait servir à payer les primes oubliées. Mais difficile d’avoir les chiffres exacts », nous répondait vendredi dernier Nicolas Lecogne pour la SNPES-PJJ/FSU.
Réorganisation, désorganisation, réorganisation…
L’éducateur dénonce, lui, une logique « brutale », « irréfléchie », laissant sur le carreau ou du moins perturbant très fortement l’accompagnement de dizaines de mineurs délinquants ou de jeunes dont la PJJ doit faire en sorte qu’ils ne le deviennent pas. « Il n’y a sûrement pas une baisse d’activités qui pourrait justifier ça. Il faut savoir que l’on subit régulièrement des modifications, des injonctions, des affectations/désaffectations qui viennent perturber le suivi sur le long terme de dossiers. C’est dans mon unité que l’on devrait donc perdre finalement qu’un seul contractuel au lieu de deux, des éducateurs. Théoriquement, nous gérons un « portefeuille » de 25 jeunes, c’est en fait un peu plus et là on va donc assurément passer à une trentaine. On s’était réorganisé, il faut à nouveau se réorganiser… »
En attendant, ajoute-t-il, « la qualité de l’accompagnement lui, forcément en pâtit à chaque fois. Même si, non, on ne peut pas dire non plus que des secteurs de Saint-Etienne ne seront désormais plus couverts. Ils le seront moins bien en revanche. Or, réinsérer pour éviter la récidive ou travailler à l’insertion pour éviter la prison, c’est un travail de longue haleine : ces jeunes ne disent pas souvent « oui », tout de suite, ça se travaille. Et il y a encore pire que nous : selon les informations que j’avais, l’Établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu (qui fait partie de la PJJ donc, Ndlr) devait perdre 9 contractuels sur un total de 36 agents. Résultat : des détenus confinés 23 h sur 24 dans leurs cellules… »
* La PJJ emploie au total 9.763 personnes, dont 2.273 contractuels, selon des chiffres de 2023 du ministère de la Justice, disait, lui, Le Figaro dans cet article consacré au sujet et sourcé AFP. Les éducateurs de la PJJ suivraient près de 137 000 enfants et adolescents.