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samedi 18 janvier 2025
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Décrypter les avis de taxes foncières et de CFE pour détecter des voies de contestation

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Notre rubrique en partenariat avec l’Ordre des avocats de Saint-Etienne – «  Les Pages du Barreau » se consacre, ce vendredi, à la fiscalité. Avec l’automne, arrivent les avis de taxes foncières et de CFE (cotisation foncière des entreprises). Vérifier, d’une année sur l’autre, la cohérence des sommes appelées est un impératif ; comprendre plus précisément l’imposition et contrôler son bien-fondé est un atout pour le contribuable avisé. Par Me Hélène Vilain, avocate au Barreau de Saint-Étienne, spécialiste en droit fiscal.

Me Hélène Vilain, avocate au Barreau de Saint-Étienne, spécialiste en droit fiscal.

Le poids des impôts locaux occupe désormais une place significative dans le budget d’une entreprise. La taxe foncière est due par le propriétaire des locaux au 1er janvier de l’année, mais fréquemment refacturée au locataire. La CFE, imposition à laquelle sont assujettis les professionnels exerçant une activité non salariée, est acquittée chaque année par l’exploitant. Si les dirigeants d’entreprises ont une perception claire de la fiscalité directe les concernant (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés), tel n’est généralement pas le cas en matière d’impôts locaux.

À quoi correspond la base taxée ? Comment est-elle valorisée ? Qui en décide et pourquoi ? Appréhender correctement un avis de taxe foncière ou de CFE n’est pas aisé : et pour cause ! Les mentions qui y figurent sont énigmatiques voire inintelligibles, et n’apportent directement aucun détail sur les paramètres, d’évaluation sous-jacents, conduisant au montant de l’impôt à payer. Pourtant, quelques indices permettent aux initiés de s’assurer en première analyse de la cohérence générale des impositions émises.

Focus sur les principaux points d’attention et idées reçues.

Point d’attention n° 1 : différentes méthodes de valorisation coexistent

Le revenu cadastral, servant à déterminer l’assiette de la taxe foncière et de la CFE, est valorisé par les services fiscaux en application d’une méthode qui varie en fonction :

  • De la nature de l’activité déployée dans le local,
  • Du régime fiscal du propriétaire.

Deux grandes méthodes coexistent :

  • Pour les établissements industriels, c’est généralement la « méthode comptable » codifiée à l’article 1500 du CGI qui est applicable. Elle concerne les locaux dans lesquels est exercée une activité de fabrication / transformation nécessitant un outillage important, ainsi que les locaux dans lesquels est développée une activité autre (stockage par exemple), utilisant des moyens techniques importants ET dont le rôle est prépondérant dans l’exercice de l’activité.
    Cette méthode est cependant exclue pour les biens détenus par des propriétaires assujettis à l’impôt sur le revenu (personnes physiques, SCI à l’IR, collectivité locale), pour les professionnels qui utilisent un outillage dont la valeur est inférieure à 500 000 euros et pour les artisans.
  • Pour les autres locaux professionnels (commerces, bureaux, ateliers, Ehpad, hôtels…), le revenu cadastral est déterminé par application de la méthode dite de la « grille tarifaire » de l’article 1498 du CGI.
    Si la « méthode comptable » est basée sur la valeur des immobilisations inscrites au bilan de l’entreprise taxée, la « grille tarifaire » repose sur un principe totalement différent : tarification au m² applicable par catégorie de locaux présents dans un même secteur géographique.
    La méthode appliquée pour l’une des impositions prévaut pour l’autre : il n’est cependant pas rare qu’une incohérence apparaisse entre avis de taxe foncière et avis de CFE, nécessitant alors une analyse approfondie afin d’envisager des voies de contestation.

Point d’attention n°2 : comment identifier sur les avis de taxe foncière et de CFE la méthode appliquée par les services fiscaux ?

La méthode retenue n’est pas mentionnée de manière explicite sur les avis d’imposition. Des indices permettent de l’identifier néanmoins.
Si sur la page 3 de votre avis de CFE, dans la case « présence d’au moins un bien industriel parmi ces biens », un « NON » est mentionné : l’imposition est établie selon la « grille tarifaire » applicable aux locaux professionnels.
Si dans cette case figure un « OUI » : votre bien est taxé comme un établissement industriel relevant de la « méthode comptable. »
Pour vérifier la cohérence avec l’avis de taxe foncière, il convient de contrôler sur ce dernier les bases mentionnées pour chaque collectivité récipiendaire : tous les montants sont identiques ? La méthode comptable est appliquée. Les bases de la quote-part communale, intercommunale et celle servant d’assiette à la taxe d’enlèvement d’ordures ménagères sont différentes ? Votre bien est valorisé selon la « grille tarifaire. »

Idée reçue n° 1 : la taxe foncière est égale à un mois de loyer

L’on entend parfois affirmer que la taxe foncière correspond, peu ou prou, à un mois de loyer. Si d’un point de vue arithmétique la proposition peut être occasionnellement vérifiée, cette affirmation est dépourvue de fondement juridique.
La « valeur locative cadastrale » constitue bien l’assiette de l’impôt foncier, mais pour autant, le montant du loyer pratiqué n’a aucun lien direct avec la base d’imposition du local. Il n’est pas si rare en pratique de se trouver en présence d’avis de taxes foncières, dont le montant représente 50 %, voire plus, du loyer annuel… !
Pour certains locaux professionnels, cette situation se rencontre de plus en plus fréquemment d’ailleurs. En cause ? La révision des valeurs locatives entrée en vigueur en 2017, dont les pleins effets apparaissent progressivement avec le temps.

Idée reçue n° 2 : J’achète un local professionnel, ma taxe foncière sera équivalente à celle acquittée précédemment par mon vendeur

La méthode de la « grille tarifaire » s’applique aux locaux professionnels depuis le 1er janvier 2017.
Lors de l’entrée en vigueur de cette réforme deux mécanismes atténuateurs ont été mis en place par le législateur afin d’éviter les variations trop importantes d’imposition, à la hausse ou à la baisse, entre l’ancienne méthode de valorisation et la nouvelle. Ces mécanismes (connus sous les dénominations de « lissage » et de « planchonnement ») ont d’abord donné l’apparence, trompeuse, d’une réforme relativement neutre. Ils concernent la période d’imposition 2017 à 2025, mais cessent toutefois immédiatement de s’appliquer lorsque le local fait l’objet :

  • D’un changement de consistance affectant au moins 10 % de sa surface (par exemple une extension de surfaces de plus de 10 %).
  • D’un changement d’affectation (par exemple un local commercial qui deviendrait affecté à une activité libérale).

Dans ces situations, les ressauts d’imposition sont parfois phénoménaux, et les impacts économiques rarement anticipés par les contribuables.
Citons l’exemple d’une société qui acquiert un local de stockage pour lequel l’ancien propriétaire acquittait une taxe foncière de 7 000 euros environ ; avec stupeur le nouveau propriétaire reçoit l’année suivante un avis d’imposition cinq fois plus élevé, alors que le local n’a subi aucune transformation et reste affecté à une activité de stockage. L’administration fiscale a, dans cette espèce, considéré qu’un changement de consistance était intervenu à l’occasion du transfert de propriété, mettant fin aux mécanismes atténuateurs appliqués jusque-là.
Contestant l’analyse, le contribuable a pu ici obtenir l’invalidation judiciaire de la position arrêtée par les services fiscaux (tribunal administratif de Lyon, 4e chambre, 30 octobre 2024, 2307831).

Idée reçue n° 3 : Ce sont les services fiscaux qui décident seuls du revenu cadastral retenu pour déterminer l’assiette de la taxe foncière et de la CFE

Que le local relève de la « méthode comptable » ou de la « grille tarifaire », les services fiscaux arrêtent en principe les paramètres d’évaluation d’après les déclarations souscrites par les contribuables : déclaration « Modèle U » pour les locaux industriels, déclaration « n° 6660-REV » pour les locaux professionnels. Ce n’est qu’en cas de manquement déclaratif qu’une imposition d’office peut être établie par l’administration fiscale.

Il importe donc que le contribuable remplisse ses obligations déclaratives, et/ou s’assure de l’exactitude des déclarations souscrites : pour les établissements industriels soumis à la « méthode comptable », le périmètre et le prix de revient des immobilisations foncières à déclarer doivent être analysés avec précision. Pour les locaux professionnels relevant de la « grille tarifaire », les métrages, la catégorie du local, la ventilation entre les surfaces principales et secondaires sont autant d’informations à traiter avec attention pour se prémunir d’une surimposition.

En synthèse : une lecture attentive des avis de taxes foncières et de CFE permettra au contribuable de vérifier la cohérence globale de ses avis d’imposition. Les paramètres détaillés d’évaluation pourront être demandés aux services fiscaux si des anomalies sont détectées afin d’envisager des voies de recours. En matière d’impôts locaux, le contribuable ne dispose que jusqu’au 31 décembre de l’année suivante pour contester l’imposition reçue. Un suivi annuel des avis émis assurera ainsi au contribuable vigilant la bonne maîtrise de ses impositions.

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