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samedi 18 janvier 2025
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Les outils amiables de prévention des difficultés des entreprises

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Notre rubrique en partenariat avec l’Ordre des avocats de Saint-Etienne – « Les Pages du Barreau » – se consacre, ce vendredi à la prévention des difficultés des entreprises. En matière de prévention des difficultés des entreprises, deux outils sont prévus par le Code de commerce : le mandat ad hoc et la conciliation. Ils occupent une place essentielle, permettant aux entreprises de trouver des solutions amiables pour réorganiser leurs dettes et assurer la continuité de leur activité, en toute confidentialité.

Par Me Prisca Wuibout, avocate au Barreau de Saint-Étienne, spécialiste en droit commercial, des affaires et de la concurrence et spécialiste en droit des sociétés, mention droit des entreprises en difficulté.

Me Prisca Wuibout, avocate au Barreau de Saint-Étienne.

Le Code de commerce distingue deux grandes catégories de procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises : les procédures dites « amiables » et les « procédures collectives ». Les procédures amiables sont méconnues, bien qu’elles offrent des avantages significatifs. Mieux comprendre leur fonctionnement permet aux entreprises de choisir une procédure adaptée à leur situation.

La notion de cessation des paiements occupe une place centrale. Elle se caractérise par l’impossibilité pour une entreprise de régler son passif exigible avec son actif disponible. Les procédures préventives sont ouvertes aux entreprises qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements : mandat ad hoc, conciliation (procédures confidentielles) et sauvegarde (procédure collective et publique) ou qui le sont depuis moins de 45 jours (conciliation). Elles ne peuvent être ouvertes qu’à la demande du dirigeant.

Les procédures amiables de mandat ad hoc et de conciliation se distinguent par leur caractère confidentiel. Seuls les partenaires sélectionnés par le dirigeant sont invités à renégocier la dette de l’entreprise ou encore un contrat, sous le contrôle d’un « mandataire ad hoc » ou d’un « conciliateur ». Cette renégociation est à la fois confidentielle et privée : les cocontractants non invités ne sont ni concernés ni prévenus de la mesure. Le Code de commerce prévoit une obligation de confidentialité absolue.

De récentes statistiques montrent qu’environ 70 % des entreprises parviennent à un accord à l’issue d’un mandat ad hoc. Environ 60 % des conciliations aboutissent à des accords homologués. Parmi les entreprises ayant bénéficié de cette procédure, près de 80 % sont encore en activité trois ans après.
En quoi consistent ces outils ?

Le mandat ad hoc

Le mandat ad hoc est une procédure préventive, confidentielle et totalement volontaire. Une entreprise confrontée à des difficultés, sans être en cessation de paiements, peut saisir le président du tribunal compétent pour demander la désignation d’un mandataire ad hoc. Il sera chargé d’aider l’entreprise à résoudre ses problèmes financiers, économiques ou sociaux.

Quels en sont les avantages ?

Aucune publicité n’est réalisée, ce qui préserve l’image de l’entreprise. La mission du mandataire est personnalisée en fonction des besoins spécifiques de l’entreprise. Le mandataire agit en tant que facilitateur entre l’entreprise et ses créanciers. La procédure est simple et dépourvue de formalisme.

Quels en sont les inconvénients ?

Les partenaires invités à participer au processus demeurent entièrement libres de collaborer ou non, leur engagement étant facultatif. Aucune obligation ne leur impose de suspendre leurs demandes de paiement ou d’interrompre d’éventuelles actions judiciaires.

Les partenaires qui accepteraient de fournir des fonds supplémentaires ne bénéficieraient d’aucune garantie spécifique en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective, à la différence du régime prévu dans le cadre de la conciliation.

La conciliation

La conciliation est une procédure préventive confidentielle, distincte du mandat ad hoc. Elle s’adresse aux entreprises confrontées à des difficultés juridiques, économiques ou financières existantes ou prévisibles, à condition qu’elles ne soient pas en état de cessation des paiements ou qu’elles le soient depuis moins de 45 jours. Cela constitue une différence notable avec le mandat ad hoc ou la procédure de sauvegarde. À la demande de l’entreprise, et après vérification des conditions requises, le président du tribunal nomme un conciliateur. Ce dernier a pour mission de négocier un accord amiable entre l’entreprise et ses créanciers, ainsi que ses éventuels partenaires.

Quels en sont les avantages ?

Pendant son exécution, les créanciers ayant signé l’accord ne peuvent poursuivre le recouvrement de leur créance contre le débiteur tant que l’accord est respecté. L’accord signé bénéficie également aux cautions et aux coobligés.

Pour faire face à la difficulté de parvenir à un accord avec les principaux créanciers, le chef d’entreprise peut solliciter auprès du président du tribunal ayant ouvert la conciliation des délais de paiement. Ces délais peuvent même être imposés aux créanciers qui n’ont pas répondu favorablement, dans le délai fixé par le conciliateur, à la demande du débiteur de suspendre l’exigibilité de leur créance.
En cas d’accord, l’entreprise peut bénéficier de plusieurs mesures, telles que le rééchelonnement ou la remise de dettes, l’obtention des financements nécessaires à la continuité de son activité, ou encore la mise en place d’une restructuration. Cet accord peut être constaté ou homologué par le tribunal, renforçant ainsi la sécurité juridique. Cependant, une homologation affaiblit la confidentialité de la procédure.

Les créanciers ou partenaires ayant accepté d’apporter des fonds, des biens ou des services dans le cadre de cet accord bénéficient d’un privilège spécifique dit « de new money », leur conférant une priorité de paiement sur les autres créanciers en cas de redressement ou de liquidation judiciaire ultérieure.
L’entreprise peut ainsi parvenir à préserver son activité et à maintenir sa crédibilité commerciale.

Quels sont les inconvénients ?

Le délai de la conciliation peut être trop court (4 mois plus 1 mois) et être une contrainte pour traiter une situation complexe. Certains créanciers, notamment les fournisseurs, peuvent être réticents à négocier.

Les procédures amiables sont parfaitement adaptées pour traiter des difficultés ponctuelles de trésorerie ou encore un litige en particulier. Leur caractère privé permet de protéger l’exploitation.

Je dirige une petite entreprise, puis-je en bénéficier ?

Les outils de prévention s’adressent à toute entreprise commerciale, artisanale, ou libérale (personne physique ou morale) ainsi qu’aux associations, aux auto-entrepreneurs et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée. Seuls les agriculteurs en sont exclus car ils bénéficient d’une procédure particulière prévue par le code rural.

Bien que les données soient imprécises en raison de la confidentialité des procédures, il en ressort que peu d’entreprises recourent aux procédures amiables. Selon les statistiques de la Banque de France, la plupart des redressements et liquidations judiciaires directes concernent des microentreprises, qui représentent en moyenne 95 % des cas de défaillance, 94 % des entreprises soumises à une procédure collective employant moins de 10 salariés.

Est-ce que je risque de perdre mon entreprise en ayant recours à une procédure de prévention ?

Pendant la durée du mandat ou de la conciliation, le dirigeant continue à diriger et gérer seul son entreprise.

Les outils de prévention se terminent soit par l’arrivée à leur terme, soit par une décision du président les ayant désignés, ou encore, en cas d’échec des négociations et/ou de constatation d’une cessation des paiements, par l’ouverture d’une procédure collective.

Ainsi, il n’existe pas, en tant que tel, de risque de perdre la maîtrise de son entreprise, contrairement à ce qui peut survenir dans le cadre d’un redressement judiciaire.

Dans certaines hypothèses, l’ouverture d’une conciliation peut être envisagée précisément pour permettre la cession de l’entreprise. En effet il est désormais prévu que le conciliateur peut être chargé, à la seule demande du dirigeant, d’une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. L’objectif est alors de rechercher un candidat qui sera à même de proposer dans un délai très court un plan de cession, sans pour autant reprendre le passif existant.

Conclusion

Le recours limité aux procédures amiables s’explique probablement par la difficulté des petites entreprises à anticiper leurs difficultés. Contrairement aux grandes structures, elles disposent d’une moindre capacité de rebond face à une cessation des paiements, qui est souvent moins prévisible et plus rapidement irréversible.

Il est donc absolument nécessaire que la relation privilégiée, entretenue avec votre expert-comptable et/ou votre avocat, soit mise à profit pour envisager de recourir à ce type d’outils, même si leur coût doit être supporté par l’entreprise.

Le mandat ad hoc et la conciliation sont des outils indispensables pour anticiper et gérer les difficultés des entreprises. Ils offrent aux entreprises en difficulté une opportunité de redressement, tout en préservant l’emploi et la continuité de l’activité économique.

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