Saint-Étienne
samedi 18 janvier 2025
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Par le savoir, l’association Albin donne des clés aux détenus

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Au mois de septembre, l’association clermontoise Albin a ouvert une antenne à Saint-Etienne. Aux centres de détention de La Talaudière ou de Roanne, elle propose ainsi des cours universitaires dans plusieurs disciplines. L’occasion de créer une passerelle entre le milieu carcéral et l’extérieur, et de faire tomber quelques préjugés au passage…

Une fois par mois, un cours de niveau universitaire est dispensé par l’association à la maison d’arrêt de La Talaudière. ©JT/ If Saint-Etienne

« J’enseigne aussi à l’université, mais quand on sort d’un cours en détention, il y a une sensation d’euphorie », pointe Sedayet Mayaci, trésorière de l’antenne Albin de Saint-Etienne. Née en 2018 à Clermont-Ferrand, cette association vise à apporter le savoir dans le milieu carcéral en faveur d’une réinsertion réussie, et mène en parallèle des actions de sensibilisation auprès du grand public. Il y a trois mois, une antenne stéphanoise a été créée, sous l’impulsion de Lou Miralles, doctorante à la faculté de droit de Saint-Etienne.

« Lors d’un échange avec une professeur en droit privé qui travaille à la faculté de droit, j’ai appris qu’elle donnait des cours en prison quand elle était jeune. J’ai trouvé la démarche super intéressante, et je me suis renseignée en cherchant sur Internet. Je suis tombée sur l’association Albin, qui est clermontoise. J’ai pris contact avec Jules Brunetti, son président, et il m’a chargé de créer une antenne à Saint-Etienne ». Rapidement, elle en parle à son amie, également doctorante à la faculté de droit, Sedayet Mayaci, qui en devient la trésorière. De quatre membres à sa création en septembre, le pendant stéphanois de l’association en compte aujourd’hui une quinzaine, et a d’ores et déjà dispensé trois cours à la maison d’arrêt de La Talaudière.

S’adapter

Très vite, elles se rapprochent de doctorants, quelle que soit leur discipline, pour dispenser les cours, puis d’étudiants pour mener les actions de sensibilisation hors les murs. Une différence de niveau est exigée parce que des doctorants ont une expérience de l’enseignement, mais aussi pour ne pas choquer des élèves par le milieu carcéral, bien que des dispositions soient prises en amont. « Lou nous a tout de suite mise en confiance et nous avons eu une formation, mise en place par l’antenne clermontoise, explique Sedayet Mayaci. Avant l’intervention, on a aussi visité la maison d’arrêt avec le personnel qui s’occupe de l’Education nationale, pour nous donner les consignes et qu’on ne soit pas choqué. J’ai trouvé ces temps indispensables. J’aurais vécu l’intervention autrement sinon ».

Pour ce premier cours, dispensé par Sedayet Mayaci, Lou Miralles l’a accompagné, en soutien. Il portait sur les institutions de la Vème République, et un groupe d’une dizaine de détenus, hommes et femmes, a pu y assister. Bien qu’il s’agisse de vulgarisation des thématiques, ceux-ci n’ont pas à rougir de leur niveau…

Faire tomber les préjugés

« Ils participent tous, et posent des questions pertinentes. La semaine dernière, le cours portait sur les institutions de l’Union européenne. Ils ont interpellé les intervenantes sur les accords du Mercosur. Les échanges sont très enrichissants », souligne Lou Miralles, qui témoigne d’une ambiance sympathique et détendue, avec des élèves qui n’ont pas peur de poser des questions. Un moment suspendu pour les doctorantes, qui doivent déposer leur téléphone à l’entrée, envoyer leurs notes au préalable, mais aussi pour les détenus pour qui ce cours d’1h30 à 2h est une véritable soupape.

« Ça déconstruit l’image que l’on a du détenu, témoigne Sedayet Mayaci. On nous avait prévenu qu’il s’agissait souvent de gens qui avaient décroché il y a très longtemps des études, et bien pas du tout, c’est très enrichissant d’échanger avec eux sur ces sujets, ça fuse, parfois tellement qu’il faut recentrer les débats. Ils nous remercient à chaque fois à la fin, on se dit vraiment que ce qu’on fait ne sert pas à rien ». Au rythme d’une intervention par mois, ces cours deviennent un vrai rendez-vous pour certains détenus qui reviennent à chaque fois.

Aller plus loin

A la fin de chaque intervention, les intervenants essayent de proposer une bibliographie ou quelques schémas aux détenus qui souhaitent aller plus loin. Pour ce faire, les deux jeunes femmes travaillent actuellement à la mise en place d’un partenariat avec les bibliothèques universitaires, pour des dons de livres. Les particuliers qui le souhaitent peuvent aussi contribuer à étoffer la bibliothèque de la prison.

Et ensuite ? L’antenne stéphanoise interviendra prochainement à Roanne, au sein du quartier des personnes radicalisées, en février, avril et juin. Les thèmes abordés seront liberté, égalité, et fraternité. « Clermont-Ferrand intervient à Roanne, mais nous allons sûrement pouvoir leur donner un coup de main, et après, pourquoi pas développer Lyon, ajoute Lou Miralles. Sur la sensibilisation, nous projetons d’organiser une journée dédiée au mois d’avril, à l’université. Ça s’appelle ‘Entre les murs : regards croisés sur l’expérience carcérale’. Il y aura trois tables rondes sur ces thématiques ». Un événement financé par la faculté de droit de Saint-Etienne, ainsi que la Contribution de vie étudiante et de campus. Modestement, La présidente conclut : « Nous sommes conscientes que ce que l’on fait, ce n’est un grain de sable ». Une action qui pourtant, avant Albin, était de l’ordre du désert…

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