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vendredi 19 avril 2024
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Saint-Chamond : les maisons à un euro, c’est fini à Saint-Ennemond

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Sur la colline Saint-Ennemond, la rénovation de l’habitation située au n°4 de la rue du Château est achevée. Et avec elle, le dispositif innovant et moteur de la rénovation du berceau historique de Saint-Chamond lancé il y a plus de 20 ans, sous Gérard Ducarre. Les maisons préemptées par la Ville étaient cédées à un euro sous couvert d’une réhabilitation encadrée par un cahier des charges.

L’ultime habitation mise en vente (le tiers droit de ce bâtiment du XVIIe siècle) pour un euro à Saint-Ennemond est située sous les restes de la collégiale que l’on peut apercevoir en haut à droite. © If Media/Xavier Alix

Si vous êtes seul ou en couple et souhaitez habiter dans un ancien clocher du XVIIe avec une vue dégagée, c’est le moment. Melchior Mitte de Chevrières était sans doute dévot. Comme son siècle. Mais le plus illustre seigneur de Saint-Chamond (1586-1649), général, marquis, proche du roi pour qui il fut diplomate, a très probablement voulu marquer l’écrasante supériorité de son pouvoir temporel sur le spirituel en plaçant la collégiale Saint-Jean-Baptiste (créée en 1635) un étage en dessous de son imposant château. Plus surprenant encore, un bâtiment-clocher a été bâti en contrebas de cette dernière avant d’être plus tard transformé en habitation. Un œil sur la façade et ses fenêtres depuis la bien nommée place de l’Observatoire, ne trompe pas.   

C’est un fait souvent méconnu : jusqu’à la Révolution, Saint-Chamond disposait en effet d’un vaste château dans les canons de la fin de la Renaissance, inspiré de celui de Grignan dans la Drôme remanié par les Adhémar et dont les Chevrières étaient familiers. Puissant et fortuné, Melchior Mitte donna plus d’un bâtiment de taille Saint-Chamond (outre le château et sa collégiale, citons les églises Saint-Pierre, Sainte-Barbe et les couvents des Ursulines, Capucines et Minimes). Avec son château au sommet de la colline Saint-Ennemond, berceau historique de la ville, le seigneur a achevé et donné de l’ampleur à l’œuvre entreprise par son père Jacques.  

Le bâtiment vu depuis la place de l’Observatoire. ©If Media/Xavier Alix

La colline abandonnée

Quand on est un puissant du royaume, dans les petits papiers de Louis XIII, une vulgaire petite forteresse médiévale pour résidence officielle, ça fait tache. Même si on y est épisodiquement. Question de prestige dont Saint-Chamond aimerait bien bénéficier au XXIe siècle. Hélas, il ne reste des lieux que les immenses écuries devenues la « Grand’Grange » (lycée professionnel) et une partie des fortifications. On doit sa destruction en deux étapes à quelques excités et/ou opportunistes de 1793 à qui il faut concéder un sens du recyclage précurseur (les pierres ont été réutilisées et se décèlent ailleurs en ville), confortés par la finesse d’analyse d’une soldatesque altiligérienne de passage…

La colline de Saint-Ennemond, elle, avec à ses pieds la fameuse Maison des Chanoines (qui en remontant au XVe est antérieure à Melchior) a continué à témoigner de l’histoire préindustrielle couramiaude. Il y a une trentaine d’années cependant, en grande partie abandonnée, son terrible état de vétusté était peu enclin à en faire la publicité. De nos jours, elle n’est toujours pas systématiquement folichonne. Loin de là. Mais elle s’est quand même bien améliorée. A la fin des années 90, la municipalité Ducarre avait alors entrepris de retaper la voirie, les aspects paysagers, bref l’ambiance générale. Et pour ce qui est des habitations, de lancer au début des années 2000 le dispositif des maisons à un euro.

Très bien sourcée, cette vidéo réalisée par le Saint-Chamonais, technicien informatique et historien amateur, Richard Bonnel, permet de mieux comprendre l’ampleur du château disparu. Dès le début de la vidéo, on peut situer l’habitation actuelle.

Un dispositif précurseur

Ce sont 11 demeures préemptées qui ont ainsi depuis retrouvé une seconde vie. Le principe : déposer un dossier conforme à un cahier des charges précis, garantissant le financement d’une rénovation respectueuse de l’histoire – avec souvent le « grain de sel » ABF (architecte des bâtiments de France) – afin d’obtenir leur rachat pour un euro symbolique auprès de la mairie. « C’était alors très précurseur comme dispositif, assure Jean-Luc Degraix, adjoint municipal délégué à l’urbanisme. Il s’est surtout déployé sous Gérard Ducarre mais a été poursuivi sous Philippe Kizirian et donc maintenant Hervé Reynaud. J’en profite pour saluer le travail de Nicole Forest, l’ancienne adjointe au patrimoine. Je me souviens de cet article du Figaro il y a quelques années : il parlait du dispositif à un euro comme une invention unique de la part… de Lens qui s’y est mis. On a sans doute raté quelque chose en termes de communication à l’époque ! »

Car pour ce qui est du dispositif en soi, « il a globalement bien fonctionné. La colline est plus belle et elle s’est repeuplée même si tout n’est pas parfait* », estime l’élu couramiaud, venu lundi symboliquement remettre la plaque numérotée aux propriétaires de l’ultime demeure mise en vente pour un euro, « clairement la pire en ce qui concerne son délabrement qui nous ait été donné de visiter. Ce n’était pas un cadeau, reconnaît Jean-Luc Degraix. Mais des trois dossiers déposés, celui sélectionné était bluffant. » Il faut dire que la passion se mêle à l’investissement (« en vue de la retraite ») dans la démarche de Laurane Raimondo et Jonathan Kienlen, un couple de… Bourg-en-Bresse.

Une mise en location pour la dernière maison

Jean-Luc Degraix, adjoint municipal à l’urbanisme remettant la plaque numérotée à M. Kienlen. ©If Media/Xavier Alix

Lui, est architecte du patrimoine. Elle, directrice de LR Conseils & stratégies, chercheuse associée au Clesid à Lyon et à l’IEC-IES et titulaire aussi, d’une licence d’Histoire. « On voulait investir. J’ai repéré la vente dans Le Progrès. Et j’ai fait un test avec une annonce fictive pour voir s’il y avait assez de réponses et ce fut le cas, raconte-t-elle. Comme on avait de l’expérience dans la rénovation de nos propres logements, ça ne nous faisait pas peur. » Lui a dû quand même effectuer une trentaine d’allers/retours entre le lancement des travaux début 2021 et leur fin il y a quelques semaines. Mais mise à part un éboulement lié à un gros épisode de pluie, pas de mauvaise surprise et globalement, une satisfaction du travail effectué par des artisans locaux dénichés sur place.

Le résultat : 72 000 euros pour refaire à neuf 60 m2 répartis sur trois niveaux, mais dans ce qui était donc une partie d’un bâtiment-clocher jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Mis à la location (les visites ont commencé), le logement convient plutôt à des jeunes : une personne seule ou à un couple avec cet atout non-négligeable d’un jardin-terrasse privatif de 140 m2 qui reste encore à aménager par les propriétaires. Il est dominé par les vestiges de l’abside est de la collégiale. Pour l’anecdote, le toit du logement, son ex-clocher donc, était son parvis. Si bien que les tuiles sont disposées à même la terre !   

* Rue Montdragon, à quelques dizaines de mètres de la dernière demeure à un euro, la municipalité a dû prendre l’initiative de travaux à la place d’un propriétaire privé pour conforter et sécuriser un mur en voie d’écroulement.

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