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mercredi 24 avril 2024
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Tribunal judiciaire de Saint-Etienne : François-Xavier Manteaux dans le costume de président

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C’est un magistrat d’expérience qui a officiellement pris les rênes du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 1er septembre, succédant à Marie-France Bay-Renaud partie pour la présidence de la Cour d’appel de Chambéry. C’est de là, justement, que vient François-Xavier Manteaux.

François-Xavier Manteaux. ©If Medias/Xavier Alix

Certes, le traitement de l’affaire a été déplacé à Lyon. Mais François-Xavier Manteaux pouvait sans doute espérer un climat général, disons… plus serein, pour son arrivée à Saint-Etienne. La ville n’est pas une totale inconnue pour celui qui prend, cependant, le temps de se montrer curieux auprès de ses interlocuteurs journalistes, questionnés sur l’histoire de la cité et du département, le contexte socio-économique ou encore le résultat des politiques publiques qui ont été menées ici ces dernières décennies… Il y a quelques années, il avait présidé, en appel, le jugement à rebondissements sur l’identité des auteurs d’une affaire de braquage entre Saint-Chamond et Saint-Etienne.

C’est, en effet, un magistrat d’expérience, 61 ans, qui a officiellement pris les rênes de la juridiction stéphanoise à la place de Marie-France Bay-Renaud qui après 3 ans à Saint-Etienne, est devenue première présidente de la Cour d’appel de Chambéry. Une juridiction dont vient justement François-Xavier Manteaux où il était en place comme conseiller depuis 2017. Sa carrière y a été marquée par la présidence du procès – et la gestion de son ultra médiatisation allant avec – de Nordhal Lelandais, alors jugé pour le meurtre du caporal Arthur Noyer. Présider des procès relatifs à des affaires criminelles n’était évidemment pas une première pour lui après l’avoir notamment fait aux Assises de l’Ain, en 2009-2010, comme conseiller rattaché à la Cour d’appel de Lyon. François-Xavier Manteaux n’est cependant pas de Rhône-Alpes mais originaire de Belfort. Il a débuté ses études à la faculté de droit de Nancy avant l’IEP de Paris et de réussir le concours de la magistrature en 1985.

Un acte « tribunalicide »

Au sein du siège, il sourit de ce constat d’avoir un peu « tout fait » : juge d’instance à Bonneville en Haute-Savoie, juge des enfants, juge placé, juge des affaires familiales puis président de la chambre correctionnelle au tribunal d’Annecy avant de prendre la présidence de celui de Belley, dans l’Ain. Expérience qui a débouché, de son propre aveu, sur un acte « tribunalicide » quand il évoque la douloureuse obligation de fermer cette juridiction en 2009 dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire : « Ça ne s’est malgré tout pas trop mal passé. Tous ceux qui ne voulaient pas aller à Bourg-en-Bresse ont obtenu une affection plus proche, à Chambéry ». Traumatisant cependant ? « Ce fut très difficile. » Risque-t-on de revoir ça ? « Je ne suis pas certain que le contexte qui fait la promotion de la proximité nous amène une nouvelle vague… Mais la Justice ne décide pas de son organisation, c’est au ministère et aux législateurs de décider. »  

S’il n’a pas à décider, comment juge-t-il les moyens mis à disposition de Saint-Etienne ? « Les conditions matérielles sont relativement satisfaisantes, estime-t-il. S’il manque de la place au Palais de Justice, c’est avant tout au niveau des salles d’audience. Pour ce qui est des bureaux, ce n’est pas toujours idéal, certains sont serrés, mais par comparaison, ça va. La perspective de voir arriver de nouveaux magistrats risque cependant de poser des problèmes. On a déjà envoyé les archives au sous-sol avec le 6e cabinet de juge pour enfants, poste créé en 2021, pourvu au 1er septembre. 6 juges pour enfant pour la taille de la juridiction, c’est beaucoup. »

Le manque criant d’effectifs à Saint-Etienne

Tribunal palais de justice
Si la juridiction stéphanoise était des mieux loties de France (c’est tout le contraire), elle aurait… 57 magistrats de plus ! ©If Médias/JT

Le contexte économico-social n’y est sans doute pas étranger. « Pour une population équivalente, on est, normalement à 4. Il y a des besoins spécifiques. » Mais justement, comment perçoit-il le fait que la juridiction stéphanoise ait deux fois moins de juges que la médiane française, elle-même sous dotée vis-à-vis de l’Europe ? En février, à l’occasion de la mobilisation de la magistrature sur son manque de moyens, la présidente Marie-France Bay-Renaud soulignait que « si nous étions parmi les juridictions les mieux loties du pays, il y aurait 57 magistrats de plus à Saint-Étienne ». Statistiques à l’appui : le rapport de la CEPEJ 2020 (Commission européenne pour l’efficacité de la justice), fait état d’un chiffre médian de 17,7 magistrats du siège pour 100 000 habitants en Europe (avec une moyenne à 21,4). En France, la médiane est à 10,9 juges, quand, à Saint-Étienne, ce chiffre se situe à 5,8.

« Je n’ai pas participé au mouvement car je présidais alors les Assises à Annecy et les parties civiles étaient dans l’attente de procès, explique François-Xavier Manteaux. Mais je soutiens, bien sûr, le mouvement sur ces manques de moyens et d’effectifs. Et, oui, on constate un gros manque à Saint-Etienne, historique apparemment dont je ne connais pas les explications exactes. Les Etats généraux de la Justice ont porté principalement sur ce sujet avec l’annonce de 1 500 magistrats en plus sur 5 ans sans compter de nouveaux postes de greffiers et fonctionnaires. Mais il faudra du temps. »

Et la Cour criminelle départementale arrive

Au 1er septembre 2022, la plupart des postes stéphanois sont pourvus. Mais dans 4 mois ?

Fançois-Xavier Manteaux, président du tribunal judiciaire de Saint-Etienne

Surtout que la création de postes attendue risque d’être absorbée par les nouvelles attributions. Comme celle d’un juge des libertés et détention (JLD). « On peut déplorer que l’inflation législative se poursuit malgré les discours et que derrière, il n’y ait pas d’études d’impact sur les décisions. » Le président espère voir pourvus les postes de JLD et de juge d’application des peines, créés en 2021 d’ici un an. « Mais s’il y a des nouveaux juges, il faut de nouveaux greffiers, pointe le magistrat. Et sur les greffes, la problématique est la même. Au 1er septembre 2022, la plupart des postes stéphanois sont pourvus. Mais dans 4 mois ? L’organisation est trop instable : les congés maladie, maternité, paternité donnent lieu à des absences pas assez remplacés. » C’est le rôle théorique des juges placés mais là aussi pas assez nombreux pour faire face car leur affectation concerne davantage des postes vacants que des remplacements temporaires.

Dans ce contexte, pas évident de voir arriver sereinement le lancement de la Cour criminelle départementale au 1er janvier. Instance expérimentée depuis 2019 et généralisée par la loi. Elle doit être compétente sur les crimes susceptibles d’être punis par une peine de prison de 15 à 20 ans maximum (viols, vols avec armes, violences ayant entraîné la mort sans vouloir l’a donnée). Elle devrait capter 50 à 70 % des affaires d’Assises, exigeant deux magistrats professionnels, quatre assesseurs et donc… d’alourdir les manquements alors qu’elle vise des gains de temps, attendus vis-à-vis des justiciables des Assises surchargées… « D’autre part, ajoute François-Xavier Manteaux, le fait que des citoyens soient tirés au sort aux Assises permettait une fois leur expérience effectuée, de faire passer des messages sur nos problématiques méconnues. Là, il y en aura moins… »

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