La vérité des Européennes sera-t-elle celle des Législatives 2024 dans la Loire ?
« L’Histoire ne se répète pas mais ses rendez-vous se ressemblent » (Gabriel de Broglie). Peut-être vit-on un moment historique avec un scenario d’hier qui va bégayer dans 3 semaines… Mais au regard d’un contexte inouï et mouvant, gardons-nous bien des prédictions. Pas certain que les pourcentages d’ampleur inédite du RN hier se traduisent par un autre raz-de-marée aux Législatives. Déjà parce que la proportionnelle ne sera, cette fois, pas de la partie. Ensuite parce qu’une incertitude se lit dans la comparaison des scores d’hier et d’il y a 2 ans dans chacune des circonscriptions de la Loire. Analyse.
Pour l’instant, ils s’abstiennent. C’est le genre de lundi matin où logiquement, une rédaction même petite et locale comme le nôtre, aurait à examiner, trier, synthétiser, si elle en fait le choix, au moins une bonne dizaine de communiqués adressés par des personnalités politiques ou des fédérations locales de partis politiques. Logique : le côté inouï de la situation, la stupéfaction de la dissolution et la foule d’interrogations/négociations qu’elle provoque dans chaque appareil politique à l’échelle nationale comme locale expliquent ce silence radio.
Alors que le temps presse – même pas 3 semaines de campagnes et un dépôt de candidatures, selon la loi, théoriquement limité à… vendredi dernier ! -, il n’est cependant pas étonnant que les QG locaux, dans l’attente des décisions des QG nationaux (par exemple mais notamment, les tractations lancées sur une Nupes V2) ne se précipitent pas pour éviter tout faux pas. Seule réaction officielle – en attendant le bilan de notre tentative de recueil de réactions auprès des députés sortants – celle d’élus communistes. Et encore, seulement de la part de deux élus du groupe d’opposition à la Ville de Saint-Etienne. Christel Pfister et Michel Nebout qui appellent à constituer « un nouveau front populaire pour battre la droite et l’extrême droite ! » : « Il faut maintenant réagir. Les capitalistes s’accommoderont bien aisément d’une cohabitation Renaissance / Rassemblement National qui garantira la protection de leurs intérêts. »
On vote désormais plus pour les eurodéputés que pour les députés
Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, définitivement évincé des LR à la suite de l’éclatement de « l’affaire », a, lui, la liberté de son isolement. Son communiqué cherche à rappeler fois, que ce qu’il désigne comme « la droitisation » des LR a selon lui affaibli le parti « au profit du RN » justifiant sa conviction pour « la voie du gaullisme social » et se disant en lutte avec succès, contre toutes les idées extrêmes, y regroupant RN et LFI… Extrême, l’abstention à ce suffrage européen ne l’a sûrement pas été. 53,84 % dans la Loire ; 51,49 % au niveau national. Respectivement + 3,5 % et + 1,4 % qu’en 2019. Le précédent scrutin européen avait vu un bond de quasiment 9 points de participation dans la Loire par rapport à 2014, + 7,7 % au niveau national. En chute régulière de 1979 à 2014, dans les deux cas, la participation aux Européennes remonte depuis deux élections consécutives, dépassant désormais celle aux législatives. En France, on vote désormais plus pour élire les eurodéputés que pour les députés.
Parce qu’inféodée à la Présidentielle qui précède les législatives (ce ne sera donc plus le cas) depuis 2002 et le passage au quinquennat ? Si la réduction de l’abstention – probable au regard des circonstances – pourrait donc être clé dans un score significativement différent entre le résultat des Européennes hier et celui des Législatives début juillet, il semble que ce pays ne vote décidément pas de la même manière en fonction des types d’élections. Ce qui pourrait, comme l’absence de proportionnelle et l’existence de deux tours, là aussi, fortement jouer dans une évolution des scores. En clair : certains, qui sont beaucoup, s’autorisent-ils à tel vote à l’échelle de l’Europe pour moins se l’autoriser aux échelles nationale / locale ? Oui, conditionnel et questionnements sont de sortie. Il n’empêche que comparer soigneusement les résultats des Européennes 2024, au sein de chacune des six circonscriptions géographiques dans la Loire avec ceux des législatives 2022, les mêmes qui envoient chacune leur député au Palais Bourbon, ne manque pas d’intérêt.
Basculement en toutes circonstances ou de circonstance ?
On gardera à l’esprit le bémol avancé par certains d’« effet présidentiel » donnant, a priori, une prime psychologique en 2022 aux candidats macronistes dans la foulée de la victoire du chef. Mais alors, comment expliquer la réussite des LR dans la Loire en 2022 : trois députés élus sur six, deux de plus qu’en 2017 malgré le minuscule 4,8 % accordé par la Loire à Valérie Pécresse au 1er tour de la présidentielle quelques semaines avant ? Or, Emmanuel Macron y avait fait, lui, presque 27 %, arrivant devant Marine Le Pen. Dans la « 1ère » circonscription, stéphanoise, aux législatives 2022, Quentin Bataillon (Renaissance finalement élu) avait réalisé 23,50 % des votes exprimés au 1er tour, devançant Laetitia Copin, EELV mais pour la Nupes à 22,60 % et Pierrick Courbon (PS en dissidence de la Nupes) à 21,92 %. Marie Simon du RN n’arrivant qu’en 4e place à 18,13 %. Ce n’était qu’il y a 2 ans dans un contexte déjà tendu, déjà clivant. Certes avant le long feuilleton des retraites puis les émeutes de juillet 2023. Mais ces événements ont-ils suffi à faire basculer massivement des électeurs stéphanois comme fidèles au RN. Fidèles et conquis en toutes circonstances ?
Hier, dans cette même 1ère circonscription, le score pour le parti de Marine Le Pen aux Européennes a atteint 29,95 % des suffrages exprimés – presque 12 points de plus qu’aux législatives 2022 -, alors que les quatre composantes de la (feue ou ressuscitée) Nupes cumulent 38,28 %. En additionnant le score de Pierrick Courbon et de Laetitia Copin, c’était 44,52 % en 2022. Si on se penche sur la 2e circonscription, toujours Stéphanoise, Andrée Taurinya (LFI mais pour la Nupes, sans dissidence et finalement élue) avait réalisé 34,37 % des votes exprimés au 1er tour, devançant Jean-Michel Mis, sortant de la majorité présidentielle à 27,36 %, Hervé Breuil pour le RN arrivant 3e, loin derrière, à 15,34 %. Hier, la même circonscription a donné 24,27 % des suffrages exprimés, 9 points de plus, au RN, LFI arrivant second avec 19,15 %, le PS 3e avec 14,92 % (43,55 % pour l’équivalent Nupes) et le camp présidentiel 12,26 %.
Des écarts comportementaux criants
Si on sort de Saint-Etienne pour se pencher sur la 6e circonscription, celle du Forez, on constate aux législatives 2022, que le sortant du camp présidentiel Julien Borowczyk (finalement perdant au second tour) avait réalisé 26,43 % des votes exprimés au 1er tour, devançant de justesse Jean-Pierre Taite des LR (25,36 %) et plus largement le 3e, Grégoire Granger du RN (20,88 %), la candidate de la Nupes Marie-Paule Olive, réalisant 18,99 %. Hier, aux Européennes, le score du RN dans cette circonscription a été de 38,42 %. Score très élevé, similaire à celui de la 4e et 5e (38,62 % et 38,76 %), au-dessus de la moyenne nationale et départementale. Tandis que le camp macronien a obtenu 11,9 %, le PS 11,73 %, LFI 8,96 % et, enfin ces même LR, victorieux en 2022 via Jean-Pierre Taite… 6,84 % ! Les écarts comportementaux en seulement 2 ans y sont donc encore plus spectaculaires qu’à Saint-Etienne. D’une manière globale, la reconnaissance d’une figure locale de référence peut aussi jouer.
Ce dont manque justement le RN en général dans la Loire même si ce n’est pas le seul parti dans ce cas, en général aussi, ou sinon en fonction des circonscriptions. De quoi laisser plus que jamais présager le brouillard, à ce stade, en attendant des alliances éventuellement éclairantes sur le sort rendu par les urnes dans trois semaines. Nous n’avons hélas pas à notre disposition la comparaison du score aux Européennes par circonscription entre 2019 et 2024.