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jeudi 25 avril 2024
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Aéroport Saint-Etienne Loire : « Allez, on tente encore le coup… »

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Mais si ça ne décolle toujours pas en termes d’activités, la majorité du Département prévient : elle ne soutiendra pas ad vitam æternam l’aéroport de Bouthéon, privé de vols commerciaux et sous perfusion des collectivités depuis des années. Précision sur sa position à l’occasion du vote et du débat en assemblée, jeudi dernier, de sa contribution financière 2023 au Syndicat de gestion de l’aéroport de Bouthéon dont il est principal acteur, juste après Saint-Etienne Métropole.

Capture Google.

« Une fois n’est pas coutume : nos positions commencent à converger. Cet aéroport ne se justifie plus. On tourne en rond depuis des années. On aimerait y croire, comme actuellement le projet d’avions électriques, mais chaque piste finit par se refermer. Pendant ce temps, le niveau d’activités est désormais historiquement bas. » Pour le conseiller d’opposition Pierrick Courbon, président du groupe de gauche la Loire en commun, c’est clair et d’ailleurs dit depuis longtemps, qu’il s’agisse du Département ou de Saint-Etienne Métropole : il ne sert à rien de s’acharner à « inventer le modèle économique d’un aéroport sans avenir ». Second membre par importance, derrière la Métropole, du Smasel (Syndicat Mixte de l’Aéroport de Saint-Etienne Loire) qui a créé une régie pour trouver des activités à l’infrastructure privée depuis des années de vols commerciaux, le Département va réduire d’1,5 % sa contribution 2023 à son budget.

Soit, une somme de 620 490 € sur un total d’1,443 M€. Dans le cadre du budget primitif voté il y a une semaine – budget mis sous pression par la hausse des contraintes et dépenses de fonctionnement (lire notre article détaillé à ce sujet paru fin février) -, cette réduction d’1,5 % est sans doute plus à mettre sur le compte d’une contribution aux efforts d’économies qu’exige le contexte financier général, plutôt qu’à un coup d’envoi d’un désengagement progressif. Néanmoins, lors des échanges en séance, le président Georges Ziegler l’a dit : « Nous souhaitons rester optimistes. Et après analyse de la situation oui, on se dit : « allez, on tente encore le coup » mais après, si ça ne vient toujours pas, il faudra se poser des questions… ». On ignore combien de temps se donne la majorité départementale avant d’envisager un questionnement radical.

« Il vaut mieux améliorer la liaison Saint-Etienne / Saint-Exupéry »

Mais une chose semble mettre d’accord président et opposants : il ne faut pas imaginer revoir des compagnies à bas coûts reposer leurs roues sur le tarmac de Bouthéon. « On y a cru et à tort, reconnaît Georges Ziegler. Quand on voit ces Anglais qui étaient ramassés en car à la sortie de l’aéroport, direction les Alpes immédiatement, on peut se demander quel était le bénéfice réel pour le territoire… Ryanair a compris qu’il valait mieux que ce soient les collectivités qui paient plutôt que le passager. Je suis allé rencontrer son patron à Dublin : après lui avoir serré la main, vous avez intérêt à compter vos doigts… Et pour des vols intérieurs, il n’y a de toute façon plus de créneaux disponibles pour Paris. Beauvais oui, mais c’est à 80 km de Paris, donc… »

Je suis allé rencontrer le patron de Ryanair à Dublin : après lui avoir serré la main, vous avez intérêt à compter vos doigts…

Georges Ziegler, président du Département

Le débat n’est pas d’hier, relève Régis Juanico, conseiller d’opposition de la Loire en commun pour qui plus le temps passe, plus l’évidence de l’obsolescence est là : « La présence d’un aéroport n’est même plus un critère dans le cahier des charges pour devenir une ville hôte des grands événements sportifs internationaux ! » Aussi, vis-à-vis de l’embuche que peut être l’absence de liaison aérienne pour l’attractivité territoriale, au lieu d’essayer d’attirer à tout prix une compagnie, estime-t-il, « il vaut mieux dans notre contexte, qui n’est pas non plus celui de l’enclavement de certains départements comme le Cantal, mettre tous nos efforts dans une amélioration de la liaison Saint-Etienne / Saint-Exupéry dont l’activité explose plutôt que de créer des locaux pour des fabricants de ventilateurs. »

« Beaucoup d’entreprises souhaitent le maintien »

Pas si sûr, répond Jérémie Lacroix, vice-président aux Transports : « Saint Exupéry se développe mais Saint Exupéry est saturé et risque de l’être toujours plus. Les tours opérateurs essaient de regarder ailleurs, s’il n’y a pas moins chronophage, sur le cheminement, les passages de sécurité, à proximité. Alors il y a peut-être quelque chose à faire pour Bouthéon et, pourquoi pas, sur des périodes arrêtés comme des vacances scolaires. » Lui ne croit plus aux vols commerciaux. Mais Pierre-Jean Rochette, conseiller et maire de Boën-sur-Lignon rejoint en revanche Jérémie Lacroix, sur les besoins exprimés par les chefs d’entreprise de la Loire – « beaucoup d’entreprises souhaitent le maintien de la structure » –, et demande de donner du temps aux entreprises intéressées par l’infrastructure, à la concrétisation de leurs projets, des idées explorées. « Maintenons-le : comme l’ont démontré des cas similaires en Espagne, économiquement, on n’est pas à l’abri de très bonnes surprises. »

Le projet de la start-up stéphanoise Eenuee, par exemple (si ce n’est surtout) qui voit dans l’aéroport de Bouthéon et dans l’écosystème du sud Loire un environnement idéal pour tester son projet de petits vols commerciaux électriques. Puis pour y développer, en cas de succès, une industrie et même une véritable filière de grande ampleur avec pour épicentre la région stéphanoise. Son idée d’avion électrique de 19 places pouvant se poser sur n’importe quel petit aérodrome (voire sur l’eau !) se veut justement calibré et tout à fait adapté aux problématiques actuelles de liaisons entre territoire délaissées par le rail ou un aérien qui leur est surdimensionné. Mais si le sérieux de cette entreprise fondée par des ingénieurs – elle va prochainement lever 20 M€ – n’est absolument pas à mettre en doute, il lui faudra encore plusieurs années de développement pour initier son premier vol commercial.

Si le Département se désengage, « ça fermera »

Alors, Pierre-Jean Rochette avertit : « Il sera facile de fermer. Il sera infiniment plus difficile de rouvrir si on se rend compte que l’on a fait une erreur. » Mais pour Pierrick Courbon, au-delà d’une dépense qui ne relève normalement pas du Département, « cela fait 10 ans que l’on entend ce discours que l’aéroport est indispensable à l’économie, 10 ans qu’elle subirait ce dysfonctionnement, mais elle ne s’est pas écroulée, voire est relativement en regain dans certains secteurs… La question n’est pas « oui non pour un aéroport ? » mais « oui ou non pour maintenir un outil sous perfusion depuis des années et qui le sera encore et encore ? » Est-ce à une collectivité locale de payer un déficit chronique sans perspective de sortie ? »

Il sera facile de fermer. Il sera infiniment plus difficile de rouvrir.

Pierre-Jean Rochette, conseiller de Boën-sur-Lignon

Si le Département se désengage, « l’aéroport fermera et personne ne compensera (il assure 43 % du budget de fonctionnement du Smasel, Ndlr). La seule question, c’est bien : « faut-il fermer ou non l’aéroport », estime de son côté Jérémie Lacroix. Bien sûr que nous sommes attentifs à l’utilisation de l’argent public mais je pense qu’il faut continuer. Il y a aussi, comme l’a fait remarquer Yves Partrat (conseiller départemental spécial chargé de la Santé, Ndlr), la question des vols sanitaires ou encore de la lutte accrue contre les feux de forêt. A ce sujet, Bouthéon pourrait d’ailleurs accueillir un avion de garde… »   

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