Bergson : la Ville laisse béton ?
Dans le quartier Bergson, à Saint-Étienne, la colère monte depuis que la mairie a annoncé aux riverains la construction d’un immeuble à la place de l’ancienne station-service. Plus globalement, ils se sentent exclus du plan de mandat de la municipalité.
« Longtemps, Gaël Perdriau a dit qu’il allait aérer la ville, démolir pour faire plus de verdure. Il y a assez de béton ici », regrette un riverain. À Bergson, un collectif de riverains ne décolère pas, depuis l’annonce de la construction d’un immeuble au numéro 76 de la rue, en lieu et place de l’ancienne station-service Agip.
Un immeuble ou… un immeuble ?
Dépollué en 2011, le site a été racheté par un investisseur, la Compagnie financière immobilière du Prado (Cofiip) qui doit trouver un promoteur. Or, si la future construction est conforme au Plan local d’urbanisme (PLU), un immeuble pouvant atteindre jusqu’à 25 mètres de haut pourrait être construit sans que la Ville n’ait son mot à dire, puisqu’il s’agirait ici d’une affaire privée. « L’autre solution, si on veut avoir la maîtrise de ce projet, est qu’Habitat et Métropole prenne contact avec un promoteur, pour monter un projet d’habitat mixte, et le soumette à la Ville, explique Jean-Pierre Berger, adjoint à l’urbanisme et au logement de la Ville de Saint-Étienne. Aujourd’hui, nous en sommes là ». Rappelons que ce dernier est également président d’Habitat et Métropole. Statu quo donc, pour le moment. Mais lors d’une réunion à la permanence de quartier, le 26 février dernier, Lionel Boucher, adjoint référent du quartier, et Jean-Pierre Berger, ont avisé les habitants de ce projet. Et depuis, c’est l’incompréhension.
On paye des impôts locaux parmi les plus chers de la ville. Pour quoi ? Pour financer les autres quartiers ?
Une riveraine du quartier Bergson.
À béton rompu
« Lors de cette réunion, le plan d’un immeuble de sept étages* nous a été montré. On pouvait y voir que la façade se trouvait face aux balcons du numéro 80, pour ne pas dire collée, à seulement trois ou quatre mètres de distance », s’agace un riverain. Pour Jean-Pierre Berger, rien n’est acté. « Mon collègue leur a simplement présenté ce qui pourrait être fait, mais j’ai tenu à les rassurer. Nous n’en sommes même pas au stade de l’avant-projet. Ce projet, qui reste donc à venir, sera fait en fonction de ce qu’ils veulent. J’ai simplement voulu leur expliquer que nous allons essayer de faire au mieux en fonction de ce qu’ils demandent ». Seulement voilà, un immeuble, les riverains n’en veulent pas. Une délégation a été reçue par Habitat et Métropole pour avoir davantage de détails sur le projet, et ces habitants estiment ne pas avoir été entendus, dans la mesure où la construction d’un immeuble leur a été confirmée. « Dans son plan de mandat, le maire écrit lui-même que construire pour construire n’est pas le remède au recul démographique et qu’il souhaite multiplier les îlots de verdure », s’étonne un riverain. Alors dans un quartier où la densité de population est l’une des plus élevées de la ville, la pilule a du mal à passer.
Remonter dans les tours
Interrogé sur la possibilité de créer un îlot de verdure au 76 rue Bergson, Jean-Pierre Berger nous répond : « On ne peut pas en faire partout. Si l’on veut rénover un quartier, on peut aussi en donner une nouvelle image avec de nouveaux immeubles, plus modernes. De Carnot à la Terrasse, il y a une quinzaine de secteurs végétalisés. D’accord, il ne s’agit pas toujours de parcs de 5 000 mètres carrés. Mais nous allons demander à avoir aussi du végétal autour de cette construction. Cependant nous sommes dans le cadre d’un projet urbain. Il s’agit d’amener un nouveau type de logements et de nouvelles populations dans un quartier qui vieillit ». Faute d’obtenir la réalisation d’un parc, les habitants étaient venus à la rencontre de leurs élus avec des alternatives à leur proposer. Ils avaient notamment émis l’idée de créer des bornes de recharge pour véhicules électriques, ainsi qu’un parking, ou encore un pôle médical. Des options qui leur permettraient de conserver une vue relativement dégagée, comme c’est le cas depuis la création du quartier. « Ces idées ont été balayées de la main par M. Berger qui nous a répondu : ce sera un immeuble ! À quoi bon faire une réunion alors ? Pour mieux faire passer la pilule ? », s’interroge un riverain.
Si l’on veut rénover un quartier, on peut aussi en donner une nouvelle image avec de nouveaux immeubles, plus modernes. De Carnot à la Terrasse, il y a une quinzaine de secteurs végétalisés.
Jean-Pierre Berger, adjoint à l’urbanisme et au logement de la Ville de Saint-Étienne
Pollusion visuelle
C’est ainsi que le collectif a lancé une pétition, transmise à la mairie. Dans un courrier, l’édile leur confirme qu’à ce stade, le projet n’est pas complètement défini, mais assure qu’il s’agira bien d’un immeuble. « Pourquoi sont-ils aussi entêtés avec cette idée de construire un immeuble là où il n’y a que ça ? », demande une riveraine. Pour Jean-Pierre Berger, vivre en ville, c’est en accepter les contraintes. « Quand il y a une station-service depuis 30 ou 40 ans, il fallait s’attendre à ce qu’elle soit vendue un jour. Je reconnais que c’est difficile comme argumentaire, je le comprends bien. Mais on est en ville. En ville, il y a des immeubles ». Mais, comme nous l’ont rappelé les habitants, « ici certains immeubles font 18 étages ». Par ailleurs, dans une ville qui comptait 12 376 logements vacants en 2018 selon l’Insee, et dont le chiffre est en hausse, les habitants s’interrogent. Plus globalement, depuis des décennies, ils ont le sentiment que rien n’est fait dans leur quartier. « On paye des impôts locaux parmi les plus chers de la ville. Pour quoi ? Pour financer les autres quartiers ? », se demande une habitante.
Les oubliés du plan de mandat ?
Effectivement, depuis quarante ans, le quartier a relativement peu changé. Cependant, la mairie assure avoir de nombreux projets pour Bergson, à commencer par la construction du programme de standing New Life qui a débuté à la place de la friche du Progrès. « Nous allons également construire un immeuble de bureaux devant le centre social de la Terrasse, et un second rue Saint-Exupéry, détaille Jean-Pierre Berger. Nous allons rénover le square des pissenlits côté Montaud, ainsi que celui rue Poylo côté Bergson. Nous avons également des projets de logements neufs. Beaucoup de projets vont y éclore ». Peu de verdure au programme toutefois.
*que la rédaction a pu consulter.