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samedi 18 janvier 2025
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C’est officiel : la RN88 et la RN7 sont aux mains de la Région Auvergne Rhône-Alpes

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If Saint-Etienne en parlait dans ce dossier fin février 2023. La loi 3DS votée en 2022 permet, entre autres, aux conseils régionaux de prendre en charge, à titre expérimental, les axes routiers non concédés relevant encore de l’Etat. La Région Auvergne-Rhône-Alpes est allée jusqu’au bout de sa candidature reprenant ainsi le 1er janvier 2025 pour au moins 5 ans la gestion de 756 km de routes nationales dont les RN88 et RN7 qui traversent la Loire et la RN82. Non sans véhiculer le débat…

La RN88 qui traverse l’agglomération stéphanoise pour poursuivre en Haute-Loire sera bientôt gérée par la Région et non plus l’Etat. ©If Média/Xavier Alix

Le début de la fin pour les « RN » dans la Loire ? A ce stade, il n’est pas encore déterminé si, à l’instar du transfert d’environ 500 km de Départementales à Saint-Etienne Métropole devenues il y a plus de 4 ans des Métropolitaines (M), les bornes des routes nationales (RN ou N) se verront repeintes pour afficher des « RR », sinon des « R » tout court pour « Routes régionales » ou « Régionales » suivis des numéros qui leur conviennent. Reste que la Région Auvergne-Rhône-Alpes est bien allée jusqu’au bout de son acte de candidature afin de récupérer, volontairement vis-à-vis de cet acte de décentralisation, la gestion d’une grande partie des routes nationales, encore aux mains directes de l’Etat : 67 % exactement soit 756 km, 34 de moins que ce qui avait été évoqué il y a 2 ans. A l’issue des discussions entre la collectivité et l’Etat, l’expérience – parce qu’il ne s’agit encore que d’une expérimentation – va, ici, durer 5 ans et non 8 comme cela était possible au lancement de l’idée.

La loi 3DS votée début 2022 permet en effet, aux collectivités locales – conseils régionaux mais aussi Départements ou encore Métropoles – de prendre en charge, dans un premier temps, à titre expérimental la gestion des routes et leur maîtrise d’ouvrage encore sous le giron national, autoroute. Nous y avions consacré un petit dossier fin février 2023. Dans la Loire, l’accord entre Région et Etat qui s’est concrétisé le 1er janvier dernier concerne côté sud, RN88, côté nord, la RN7 traversant, entre autres, les Départements. Cela concerne aussi la RN82 : en partant de Balbigny depuis l’A89 jusqu’à sa jonction avec la RN7. Comme prévu en revanche, ni les parties non concédées au privé de l’A72, ni la partie ligérienne de l’A47 qui poursuit le cheminement de la RN88 à partir de Saint-Chamond, jusqu’à Givors, ne sont donc concernées. Grand Est est la seule autre Région à avoir décidé de faire de même. L’exécutif de Saint-Etienne Métropole, encore quelque peu bougon du revirement étatique sur l’A45, avait, lui, d’emblée dit non.

« Le delta financier est là »

L’intercommunalité aurait pu récupérer l’A47, la RN88 et le morceau non concédé de l’A72. Mais elle avait refusé, considérant cela comme un cadeau empoisonné au titre d’un patrimoine qu’elle estimait victime de sous-investissements chroniques et d’une dotation de compensation financière insuffisante. Plus qu’échaudé par des précédents comme la gestion du RSA transférée il y a environ 15 ans – au moment du transfert, la Loire en payait 30,5 % contre 64,2 % de nos jours… – le Département de la Loire avait attendu pour voir et finalement renoncer jugeant les dotations d’Etat (le coût de cette gestion est censé être compensé) allant avec le transfert de compétences pas suffisamment à la hauteur. « La problématique, c’était davantage les garanties financières. Celles qui nous été données étaient insuffisantes », nous avait alors expliqué Jérémie Lacroix, vice-président aux Transports. Un des modes de calcul expliqué par le Département interrogeait : une moyenne des sommes investies sur les trois dernières années sur un axe. Et si celui-ci a été délaissé ? Et si des travaux majeurs à reproduire plus tard ont été effectués avant ces 3 ans ?

Nos services ont étudié en 2023 et 2024 tous les aspects de ce transfert expérimental. La dotation de financement de l’Etat est correcte et correspond à ses dépenses sur plusieurs années en arrière.

Frédéric Aguilera, vice-président aux transports de la Région Aura

Le 3 mai 2022, le ministère de la Transition écologique avait publié les classes d’état des chaussées du réseau routier national. Dans la Loire, la Route Nationale 7 y était jugée à « 55 % en moyen voire mauvais état »… Contacté par If Saint-Etienne, le vice-président aux transports de la Région Aura et maire de Vichy, Frédéric Aguilera nous a répondu ce mercredi à ce sujet, se défendant de toute naïveté : « On peut débattre indéfiniment sur « assez fait, pas assez fait » avant nous, sans jamais avancer… Nos services ont étudié en 2023 et 2024 tous les aspects de ce transfert expérimental qui a donné lieu à la signature d’une convention l’an passé : et le delta financier est là. Le financement de la part de l’Etat a été calculé comme il se doit : il sera bien équivalent à ce qu’il a dépensé, sur plusieurs années, et en prenant en compte les subtilités nécessaires. » Il s’agira donc d’une dotation correspondant à de nouvelles dépenses de fonctionnement, d’entretien courant. Mais pas sur des investissements majeurs, comme ceux désormais abondés par la Région, parfois très largement sur des projets – concrétisés ou stationnant dans les cartons – majeurs de dédoublement, contournements. Comme justement pour la RN88 ou la RN7, via par exemple le CPER mobilités.

« Qu’allez-vous faire dans cette galère ? »

Toutefois, « il est important de souligner, ajoute Frédéric Aguilera, que les 300 agents d’Etat concernés (dont une bonne partie de la Direction régionale des routes Centre Est, Dirce Ndlr) ne sont pas transférés à ce stade la Région mais mis à notre disposition. Leur gestion RH et leurs rémunérations restent directement assurés par l’Etat. Oui, si nous y allons, c’est parce que nous estimons pouvoir faire mieux que lui au bénéfice de nos habitants du fait de notre proximité. Je ne parle pas du travail quotidien des agents d’Etat sur le terrain – sécurisation, viabilité hivernale, etc. – qui ne pose aucun problème structurel mais d’une direction trop centralisée. Ce n’est pas prétentieux, c’est logique et conforme à l’esprit de décentralisation, en raison de cette pression directe des usagers qui , sur un sujet comme ça, agit beaucoup moins au niveau national, lors des élections. Cela a été globalement très vrai pour l’entretien des collèges et des lycées (respectivement aux Départements et aux Régions, Ndlr), ça ne peut que l’être aussi pour la route. »

A l’occasion du vote d’une délibération purement technique à son sujet (donner le droit président de Région d’autoriser une délivrance d’occupation à titre gratuit) en assemblée le 19 décembre, cette prise en main dossier a donné lieu aux critiques successives des élus d’opposition. Les groupes Ecologistes, Parti radical de gauche (PRG), des Insoumis/communistes, EELV/Socialistes/Démocrates ont tour à tour pointé du doigt cette prise en main. Déplacée pour les premiers dans un contexte de rétractation des financements d’Etat avec, en sous-main, la volonté d’étendre la route au détriment du reste. « Qu’allez-vous faire dans cette galère ? », interrogeaient les seconds par la voix de Bernard Chaverot, rappelant le cas du transfert mal vécu (manque d’entretien à des routes nationales aux Départements au milieu des années 2000, assurant que « vous allez, en plus ajouter quelques millions en gestion par rapport à l’Etat » (12 M€ par an selon l’élu UDI Louis Giscard d’Estaing ; ajout vis-à-vis de ce que dépensait l’Etat non confirmé par Frédéric Aguilera). Le conseiller d’opposition soulignait, aussi : « Vous ne répondez toute la journée sur nos amendements que « ce ne sont pas nos compétences ». On est dans le deux poids, deux mesures… »

Des Assises sur la décarbonation de la route

Avant d’aller carrément plus loin en évoquant une « tentative de « dilution », voire « d’habillage » autour de l’investissement massif de la Région sur les aménagements d’amélioration de la RN88 (plus de 200 M€ sur 250 M€ dépensés) vitale à la Haute-Loire de Laurent Wauquiez… Les Insoumis/Communistes, contre aussi, partagent ces remarques, ajoutant dans le lot, un acte de complexification administratif – il y aura désormais des nationales, régionales, départementales, métropolitaines et communales – jugé paradoxal avec le discours de l’exécutif tout en insistant sur l’éloignement des compétences. Le groupe EELV/PS estimait que ce n’est pas le rôle de la Région alors que la fréquentation des passagers TER a « augmenté de 13 % entre 2015 et 2022 contre une baisse de l’offre de 6 %. Face à l’ampleur du besoin, nous avons du mal à comprendre que la Région fasse autant de place à la route. Dans le CPER, la route représente 36 % contre 31 % pour le ferroviaire. Pour l’environnement et les lycées, on rabote l’investissement de 10 %.»

C’est facile de nous caricaturer en méchants de droite obsédés par le tout bagnole.

Frédéric Aguilera, vice-président aux transports de la Région Aura

La Région n’a pas « à gérer ça, ajoute Johann Cesa, conseiller régional ligérien et porte-parole du même groupe SED (Socialiste, écologiste et démocrate) contacté aussi ce mercredi. Notre groupe est unanime : il vaudrait mieux se concentrer sur les lycées, la formation et le TER, nos compétences obligatoires. A titre purement personnel, je nuancerais juste sur le fait qu’il n’est pas délirant à mes yeux d’inciter l’Etat à honorer ses obligations pour la route et derrière le train, en contribuant à des financements routiers mais en les limitant à 10 %. Il est grand temps de régler la problématique de la RN7 au nord de Roanne qui traverse des zones habitées. » Confronté à ces critiques, Frédéric Aguilera rétorque ce même jour : « Pas dans nos compétences ? Depuis 2022, la loi dit justement le contraire ! C’est facile de nous caricaturer en méchants de droite obsédés par le tout bagnole : nous n’opposons aucun mode de transports. Du piéton à l’avion, tout est complémentaire. Et rappelons que nous doublons le montant investi dans le ferroviaire entre 2024 et 2035 dans notre feuille de route sur les mobilités. En outre, nous allons lancer dans la Région des Assises sur la décarbonation de la route, déjà en chemin avec les nouvelles motorisations. »

Quant à mettre de l’investissement dans les contournements… « J’aimerais comprendre le grand écart d’attitude des écologistes envers les habitants des centres de grandes villes et les autres. Selon eux, les administrés de petites villes comme Mably doivent donc continuer à subir la pollution, le bruit et le danger d’une traversée routière ? Ce « bagnole bashing » est absurde ».

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