Cette fois, la Cité du Design devrait supprimer des postes
Parallèlement au procès de son ex directeur Thierry Mandon (dont il a d’ailleurs fait appel du verdict), les déboires se poursuivent au sein de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) sous le contrôle de Saint-Etienne Métropole. Ils sont, sans surprise, d’ordre financiers dans la foulée des problématiques déjà au grand jour depuis 2 ans. Alors que le budget de la Cité du design a été déjà réduit, une nouvelle réduction projetée sur 2025 devrait cette fois-ci obliger à supprimer des postes.
« La Cité du design représente une centaine d’emplois. Aujourd’hui, ces derniers ne sont pas menacés et aucun licenciement n’est à l’ordre du jour. » Publiée il y a un peu plus de 2 ans, cette information recueillie auprès de nos interlocuteurs est désormais caduque. Nous avions écrit ces lignes au moment où venait d’éclater au grand jour un déficit de gestion au sein de la Cité du design de Saint-Etienne, en grande partie lié à une réduction de subventions de la Région mais aussi de sa filiale Cité Services. Un trou d’1,4 M€ bouché en urgence par la Métropole alors que, parallèlement, Thierry Mandon, ex directeur se voyait accusé d’émission de fausses factures et faux remboursements, à hauteur de 28 000 € ainsi que présentation d’un budget insincère (condamné le 15 novembre par le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne pour ces faits, celui-ci a depuis fait appel).
L’échec des ambitions de la Biennale 2022 – étalée pour la première fois de son histoire sur près de 4 mois, elle a été fréquentée par 74 000 visiteurs payants ou à tarifs réduits contre 65 000 en 2019 mais sur un mois – n’est pas étranger à cette situation financière sans l’expliquer totalement. Depuis, la Cité du Design – EPCC donc, recouvrant l’activité de la Cité en soi, son événement qu’est la Biennale, sa filiale privée Cité services et l’école d’enseignement supérieur, l’ESADSE comptant 414 étudiants en 2022/23 – a été soumise à une cure d’austérité. En particulier dans le passage de 2022 à 2023 quand son budget total a été réduit de près de 23 %, tombant ainsi d’11,5 M€ à un peu plus de 8,8 M€. Le budget aurait ensuite continué de baisser, nous ignorons de combien, mais pas dans les mêmes proportions. Il va à nouveau reculer en 2025 et cette fois, non sans casse au niveau des ressources humaines. Surtout que ni l’inflation, ni les augmentations de point d’indice dans la fonction publique, appliquées ici comme ailleurs, n’ont dû arranger la situation.
« Les arbitrages sont en cours »
Il y a une semaine, le mardi 19 novembre, le personnel a en effet reçu ce courriel signé d’Eric Jourdan, à qui a été confiée la direction de l’EPCC à la suite de la démission de Thierry Mandon alors qu’il ne dirigeait jusque-là que la seule école : « Depuis plusieurs semaines nous travaillons à l’élaboration du budget 2025 de l’EPCC. Face au constat d’une impossibilité à présenter un budget à l’équilibre, ce qui est une obligation légale, nous sommes contraints d’engager une restructuration de notre établissement. Cette restructuration entrainera une réduction des budgets de fonctionnement et probablement des suppressions de poste. Nous avons conscience que cette situation engendre une inquiétude légitime. Les arbitrages sont en cours et les décisions qui en découleront vous seront communiquées dans les meilleurs délais. »
Cette restructuration entrainera une réduction des budgets de fonctionnement et probablement des suppressions de poste.
Une intersyndicale FO/CFDT s’est immédiatement montée. Elle doit se réunir à nouveau cette semaine car c’est ce vendredi que doit se tenir un « CST », comité social territorial, où elle espère en savoir davantage, sur la réduction budgétaire, le nombre et la nature des postes supprimés. Selon un représentant syndical contacté par If Saint-Etienne ce matin qui tient à garder l’anonymat, un second courriel reçu par les seuls syndicats annoncerait qu’il est envisagé de supprimer huit postes. « A ce stade, c’est tout ce que nous savons. Sachant qu’il y a surtout des fonctionnaires parmi nous (une centaine de postes, Ndlr) pouvant être reclassés du coup ailleurs mais aussi un certain nombre de contractuels. » Contacté dans la foulée, Eric Jourdan que nous avions interviewé cet été sur la Biennale, l’état actuel de l’institution, ses intentions, préfère rester en réserve sur le sujet, en attendant que « les choses soient arrêtées ». Seules précisions de sa part à ce stade : « Le budget 2025 ne sera pas autant réduit qu’entre 2022 et 2023 et SI on doit supprimer des postes, non ce ne sera pas autant. »
« Le grandiose exige des moyens à la hauteur »
Nous ne sommes pas parvenus à l’heure où nous faisions paraître ces lignes à échanger avec Marc Chassaubéné, vice-président à la culture de Saint-Etienne Métropole et président de l’EPCC Cité du Design, lui aussi sollicité, quelques heures avant cette parution. Le représentant syndical, lui, se montre dépité par la situation. Pour lui, la baisse passée – c’était en 2022 – de la subvention accordée par la Région (à ne pas confondre avec celle de 300 000 € accordée aussi par le conseil régional mais à la seule école un temps suspendue et finalement débloquée) est loin de tout expliquer, pointant les choix politiques et ceux stratégiques de la précédente direction, forcément liés à ses yeux. « Ce n’est pas qu’une question de baisse de dotations externes. A un moment donné, il faut avoir les moyens, entre autres, mais surtout humains en rapport avec les ambitions affichées. On a permis à Thierry Mandon de déléguer la production de la Biennale à la filiale Cité services, censée être créée pour vendre à l’extérieur de la méthodologie, de l’expertise. Ce qui a amené celle-ci à nous refacturer ensuite ses prestations pour la Biennale ! Alors même que par mesure d’économie, le service économique puis international avec, donc le départ de cadres, de leurs relationnels et leur expertise ont été, eux, supprimés ! On tricote, détricote, tricote, etc.»
Selon le syndicaliste, le milieu économique de la CCI ne se serait ainsi pas retrouvé dans l’offre de la dernière Biennale, obligeant les services à revoir la copie. « Mais encore une fois avec quels moyens ?! C’est pareil, pour cette critique que l’on entend souvent sur la Cité et son événement phare : « trop peu compréhensible », « pas assez concret », un « musée d’Art moderne bis », etc. Si on souhaite attirer, parler à tout le monde acteurs, comme visiteurs – grands noms, chercheurs, professionnels, public averti, grand public – ok, allons-y, mais alors donnons les moyens humains adéquats à cette médiation multi-angles. Sinon, on revoit les ambitions et on se recale, par exemple en réduisant la surface utilisée ou en revoyant le public visé. Au lieu de ça en 2022, alors que cela est déjà identifié depuis longtemps, il nous a été imposé – nous l’avions dénoncé en interne – d’étaler la Biennale sur quatre mois (début avril – fin juillet, Ndlr). Cela sans même penser, à l’évidence, que ça signifie beaucoup plus de coûts : gardiennage, fluides, personnels etc. En face, il était envisager des recettes boutique et billetterie illusoires. Ce n’est pas parce que vous étalez l’événement que vous avez automatiquement plus de revenus. Le grandiose exige des moyens à la hauteur.»
Autre élément de déstabilisation potentiel vis-à-vis de l’EPCC, le projet Cité 2025 qui ambitionne une dynamisation immobilière des bâtiments et donc de l’activité quotidienne sur place articulant investissements privés et publics (pour plusieurs dizaines de millions d’euros). A l’instar de la fameuse patinoire, ces derniers pourraient être remis en question par la révision du Plan pluriannuel d’investissement de Saint-Etienne Métropole. L’annonce des décisions, repoussée à plusieurs reprises depuis la fin du printemps, est attendue d’ici la fin de l’année. La prochaine Biennale du Design, qui aurait perdu 1,2 M€ de budget selon nos informations par rapport à l’opus 2022, doit, elle, se dérouler du 22 mai au 6 juillet. Sur un temps beaucoup plus réduit donc. Sa thématique ? « Ressource(s), présager demain »…