Cette participation qui pourrait tout changer ou… tout confirmer
Attention, triangulaires en vue et injonctions, suivies d’effets ou non, à se retirer à prévoir à l’issue du second tour. Comme nous l’indique le chercheur Vincent Merlin (directeur CNRS, Université de Caen Normandie) qui a aussi analysé pour If les spécificités dans la Loire, la participation au 1er tour des Législatives dimanche devrait être dans les canons « présidentiels » en raison des circonstances. De quoi permettre potentiellement à plus de candidats de se qualifier au 2e round qu’il y a 2 ans…
Le choix s’est réduit drastiquement. Il s’est en revanche alourdi de conséquences. En 2022, les Ligériens avaient dû choisir entre 9 candidats minimum et 14 maximum par circonscription. Ce qui avait donné lieu à un total de 67 candidats différents pour l’ensemble du département. En 2024, les circonstances – calendrier en premier lieu doublé probablement de la volonté de ne pas disperser les voix de certains camps au regard de la situation sans oublier la présence non systématique cette fois du camp présidentiel ou encore de Reconquête –, ont amené à considérablement réduire ce nombre passé à un total de 37. La 3e circonscription (Gier / Est Stéphanois) ne présente cette fois que cinq choix, la 4e seulement quatre contre, respectivement, 14 (!) et 11 il n’y a que 2 ans. En 2024, la 6e (Forez) sera la circonscription la plus fournie en candidats avec 8 personnalités à choisir.
Des votants soumis à moins de possibilités de « dispersion » donc même si une bonne moitié de ces candidatures n’ont pas obtenu plus de 2 % des suffrages exprimés. Mais cumulés, cela peut aussi compter. Surtout, il faut s’attendre à une participation beaucoup, beaucoup plus forte qu’en 2022. « En raison des circonstances, la mobilisation sera forte par rapport à ce que les Législatives nous ont habitués. On peut s’attendre à une participation du même ordre que pour une élection présidentielle, dans la Loire comme ailleurs. C’est-à-dire peut-être plus de 70 %, en tout cas largement plus de 60 % », note Vincent Merlin. Ce directeur CNRS, chercheur à l’Université de Caen Normandie vient parfois dans la Loire dans le cadre d’une collaboration avec le laboratoire GATE de l’université Jean-Monnet qui mène depuis des années des travaux expérimentaux sur d’autres modes de scrutin, considérés comme atypiques mais dans le fond difficilement plus illégitimes que ceux dont la démocratie française a l’habitude. Recherches orchestrées par Antoinette Baujard dans toute la France depuis Saint-Etienne.
Pas de triangulaires dans la Loire en 2022
La participation aux législatives va donc probablement, pour la première fois depuis 2012, être supérieure celle des Européennes où elle remonte depuis deux élections consécutives, dépassant désormais celle aux législatives. En France, « en raison de l’inversion du calendrier démocratique depuis 2002, c’est-à-dire des législatives suivant immédiatement la Présidentielle, et donc nettement boudées pour cette raison », rappelle Vincent Merlin, on vote désormais en effet plus pour élire les eurodéputés, comme le 9 juin l’a confirmé que pour les députés nationaux. Mais il y aura probablement un coup d’arrêt historique dimanche à cette tendance. En 2022, il y avait déjà eu une légère remontée de la participation – sous la barre des 50 % depuis 2017 – avec 48,01 % de votants au 1er tour (+ 0,3 % par rapport à 2017). Remontée carrément plus nette au 2e : 44,15 %, soit + 3,2 %. Avec 60, 65, 70 % de participation, les cartes se brouillent fortement.
Rappelons ce fait essentiel : aux législatives, il faudra dimanche atteindre 12,5 % des inscrits sur les listes électorales d’une circonscription pour être qualifié au second tour.
Vincent Merlin, directeur CNRS, chercheur à l’Université de Caen Normandie
« Rappelons ce fait essentiel : aux législatives, il faudra dimanche atteindre 12,5 % des inscrits sur les listes électorales d’une circonscription (qu’ils soient venus voter ou non donc, Ndlr) pour être qualifié au second tour. Ce qui signifie qu’avec environ 20 % des voix exprimées, vous êtes qualifiés. La probabilité de nombreuses triangulaires à l’issue du vote dimanche est très forte. Et cela fait une grosse différence avec 2022 où même avec plus de 20 % des suffrages exprimés vous étiez souvent éliminés », souligne Vincent Merlin. En 2022, aucune triangulaire dans la Loire à l’issue du 1er tour, comme en 2017 (d’autant que la participation y fut moindre qu’en 2022) et pas parce que des 3e s’étaient retirés. Il y a 2 ans en effet, sur les 12 qualifiés (2 x 6 circonscriptions), seule la moitié était dans les « clous » théoriques de 12,5 % d’inscrits : Andrée Taurinya (LFI) et son adversaire Renaissance Jean-Michel Mis dans la 2e circonscription, Dino Cinieri (LR) dans la 4e, Antoine Vermorel Marques (LR) dans la 5e, Julien Borowczyk (Horizons) face à Jean-Pierre Taite (LR) dans la 6e. Personne donc dans la 1ère et la 3e !
Que décideront les 3es qualifiés dimanche soir ?
Précision : quand les 12,5 % ne sont atteints par aucun candidat, les deux premiers sont automatiquement qualifiés. Des scores de près de 22 % des suffrages exprimés n’étaient donc pas suffisants pour être du second tour en 2022. Ce sera donc très probablement différent dimanche. Reste à savoir, c’est l’essentiel, ces deux inconnues qui se dévoileront dimanche soir : l’augmentation de la participation, d’une part, va-t-elle profiter à la gauche ou au RN, voire au camp présidentiel ? D’autre part, le succès RN aux Européennes 2024 a-t-il capté massivement une adhésion en progression ou de circonstances ? Sur ce dernier questionnement, « probablement un peu les deux », ne tranche pas Vincent Merlin à qui on ne peut pas reprocher la réponse de Normand qu’il est au regard du très grand flou, peut-être même inédit, dans lequel nous plonge ce scrutin.
Dans son analyse de la Loire effectuée avant e dépôt de candidatures, l’universitaire ne voyait pas comment les candidats présidentiels pourraient s’en sortir à Saint-Etienne (il n’y a d’ailleurs finalement que Quentin Bataillon) dans le contexte que nous connaissons. Moins évident pour la 3e en revanche. Spécificité valable pour Auvergne-Rhône-Alpes et particulièrement, au sein de celle-ci, la Loire : la région est un bastion de résistance pour les LR qui y compte un bon quart de leur soixantaine de députés élus en 2022. Trois rien que dans notre département sur six circonscriptions, dont deux nouveaux élus et un réélu avec des scores approchant les 26 % au 1er tour là où ils l’ont été (4e, 5e et 6e) avec un RN nettement distancé. Alors que quelques semaines plus tôt, la candidate LR à la Présidentielle Valérie Pécresse réalisait un tout petit 4,8 % à l’échelle de la Loire ! « Il ne faut pas sous-estimer le succès que peut apporter le fait d’être une figure locale, reconnue au sein du territoire amenant des comportements différents selon les élections vis-à-vis du même parti », souligne Vincent Merlin.
De quoi brouiller un peu plus visibilité et pronostics. C’est encore plus le cas lorsque l’on songe à l’attitude potentielle des uns et des autres – y compris à l’intérieur d’une alliance bigarrée comme le Front populaire – en cas de triangulaires : Maintien ? Abandon mais en appelant à voter qui ? Que feront les LR qui arriveraient 3es mais ayant atteint la jauge qualifiable face un RN et un candidat Nouveau front Populaire devant eux au 1er tour ? Et inversement ? Y aura-t-il une décision différente selon que l’on soit insoumis, écologistes, socialiste ou communiste ? Et le RN lui-même : est-il capable de se désister pour un LR avec « sincérité » ou au contraire pour simplement mettre le feu ? Enfin, au centre, que feront, aussi, des candidats du camp présidentiel qui arriveraient 3es… On sait, ça fait beaucoup de questions. Il convient de les avoir à l’esprit.