Conseil municipal de Saint-Etienne : à gauche, « nos lettres de démission étaient prêtes »
Contactés par If Saint-Etienne, socialistes et écologistes stéphanois assurent que le débat entre les composantes de gauche – s’y ajoutent les deux élus communistes – sur la possibilité de démissionner du conseil municipal était tranché. Depuis le 5 septembre : les lettres de démission des 59 colistiers communs au 2e tour de 2020 étaient prêtes. De quoi provoquer des élections anticipées à condition que les ex élus de la majorité du groupe Saint-Etienne Avant Tout appuient aussi « sur le bouton ». Il n’en sera rien et c’est « une très grande déception ». Nicole Peycelon mais aussi l’UDI Lionel Boucher ont aussi détaillé leurs points de vue.
La décision ne les arrange pas, assurent-ils. C’est au contraire, « une très grande déception », commentait Isabelle Dumestre, la présidente PS du groupe d’opposition Saint-Etienne Demain, contactée par If en milieu de matinée. Faire tomber le conseil municipal de Saint-Etienne, le tiers de démissionnaires potentiel (en cumulant opposants de gauche et néo opposants droite) nécessaire étant atteint pour une élection municipale anticipée avant la fin de l’année présentait pourtant des risques. Celui de partir désunis déjà – un « Nouveau front populaire » express et localisé était-il possible ? -, et donc de favoriser, au jeu des urnes, des adversaires, y compris le maire sortant Gaël Perdriau, candidat certain à sa succession. Celui, aussi, d’exercer le pouvoir à peine plus d’un an durant et donc s’exposer de manière biaisée avant de devoir se soumettre, à nouveau, au vote, unis ou non début 2026. Donc repartir en campagne dès l’automne 2025…
Ce débat en interne puis, entre les trois factions de gauche d’opposition – Saint-Etienne Demain, Le temps de l’Ecologie, les communistes – a bien eu lieu. C’était l’ordre du jour de réunions physiques dès fin août. Mais il a été très rapidement tranché nous expliquent chacune de leur côté, Isabelle Dumestre, présidente de Saint-Etienne Demain et Julie Tokhi, co-présidente avec Olivier Longeon du groupe Le Temps de l’Ecologie. « De notre côté, avant même de convaincre ceux qui hésitaient, quasiment tout le monde était d’emblée ok, à 98 % », confie à If ce dernier. Et « oui », dans le contexte encore chaud des dernières Législatives, la capacité à constituer un Nouveau Front populaire localisé était, certes sans garantie absolue, largement dans leurs cordes, assurent les leaders des deux groupes. Il aurait fallu pour cela intégrer une composante LFI inexistante en termes de résultats ou presque en 2020 : 3,14 % des suffrages exprimés aux côtés, entre autres, du NPA au 1er tour et hors de la liste d’union PS-PC/Écologistes au 2e.
A quel point la variable LFI a-t-elle joué ?
Depuis, le poids de LFI à Saint-Etienne a considérablement augmenté. Via ses résultats à la présidentielle puis, certes dans le cadre de la Nupes V1 et V2, aux deux législatives ayant vu en 2022 et 2024 les victoires de l’insoumise Andrée Taurinya dans la 2e circonscription. Le parti de Jean-Luc Mélenchon ne pouvait que faire partie de l’équation sans en être la variable maîtresse pour autant, précise Isabelle Dumestre qui réfute la problématique : « En quoi la présence de LFI à nos côtés pouvait donner lieu à une politique extrémiste ? Les placer à l’extrême gauche… On a vu au niveau national, qu’ils étaient prêts à de sérieuses concessions pour une gauche au pouvoir et malgré ça, Macron l’a refusé. On vit donc un peu une réplique locale au contexte national. Mais bon… A défaut d’une réunion formelle entre nous et le groupe Saint-Etienne Avant tout, nous avons pu échanger au préalable avec Mme Peycelon, et nous ne sommes pas surpris. Elle avait évoqué cet aspect, ce prétexte LFI. »
Malgré l’obtention scrupuleuse des 59 lettres démission (c’est-à-dire de chaque colistier de la liste d’union du 2e tour 2020, dont 12 devenus conseillers d’opposition) le 5 septembre, « on voyait venir la décision. J’avais croisé et interpellé Jean-Pierre Taite (le député Forezien est à la tête des LR de la Loire, Ndlr) qui m’a glissé, certes sur le ton de la boutade : « on démissionne que si on est sûr de gagner ! » Mais on y est, c’est vraiment ça : pour eux, une élection n’est souhaitable que lorsque l’on est sûr de la gagner. Au détriment de l’éthique. » La présence de LFI dans une liste commune de gauche a bien été interrogée par Nicole Peycelon lors de son échange préalable à la décision avec la gauche, nous a-t-elle confirmé cet après-midi. Et « oui, effectivement c’est un des critères mais pas le seul, qui nous a poussés unanimement et rapidement à ne pas démissionner. Il y avait un risque de voir un extrême – comme l’attitude à l’Assemblée, les positions, en général, de LFI l’ont montré – aux affaires et nous ne voulons pas de ce risque pour Saint-Etienne. D’autant que la gauche, et je dis ça avec tout le respect que j’ai pour nombre de ses élus, sait s’unir pour obtenir le pouvoir. Beaucoup moins pour mener un projet cohérent les mettant tous d’accord ».
« Plusieurs mesures d’urgence pouvaient être prises »
Mais au-delà du « cas » insoumis, ajoute Nicole Peycelon, « nous pensons, de manière plus large que dans le contexte, aussi bien local que national, ce n’est vraiment pas le moment de demander aux Stéphanois d’aller deux fois aux urnes en moins de 18 mois. Cela ne peut que créer plus de tensions et de confusion. Une équipe élue cet automne aurait eu le temps de faire quoi en quelques mois avant de repartir en campagne dès fin 2025 ? » Quant à l’éthique, « nous en avons fait preuve en réclamant le retrait dès septembre 2022 de Gaël Perdriau puis en démissionnant en juin et en renonçant à nos délégations et leurs indemnités dès lors que celui-ci allait nous associer à sa campagne de réélection, déjà lancée d’ailleurs, et pour ce qui a été fait à Claude Liogier », clame Nicole Peycelon. Pour Isabelle Dumestre, une éventuelle prise en main des affaires par la gauche pour 12 mois n’était pas une gageure : « Bien sûr, c’est court mais après le refus du référendum proposé au maire, d’une part, il était temps de redonner la parole aux Stéphanois sur cette situation. D’autre part, plusieurs mesures d’urgence mettant tout le monde d’accord pouvaient être quand même prises. »
L’élue évoque les agents de cette Ville « qui continuent à souffrir ce cette situation, de cette gestion » ou encore les associations en revenant sur les coupes de subventions, sinon « aux locaux des structures type amicales laïques en souffrance aussi. Rappelons aussi que cela permettait de mettre fin à cet isolement délétère pour notre avenir (vis-à-vis des co-financeurs que sont l’Etat, la Région, le Département mais aussi des investisseurs privés) dans lequel l’obstination de Gaël Perdriau nous a plongés. Mais Saint-Etienne avant tout » préfère, en définitive, le maintien du système aux relents mafieux du clan Perdriau à une éventuelle victoire du Nouveau Front Populaire », en conclut l’élue PS qui ajoute aussi dans la balance le règlement de la situation ubuesque à la Métropole : une défaite de Gaël Perdriau à Saint-Etienne n’aurait pas remis en cause tout son exécutif actuel tout en éliminant les Stéphanois, toujours de son bord, et ainsi accorder une présidence pleine à la LR Sylvie Fayolle.
« Une occasion manquée d’en finir »
Dans un communiqué envoyé à la presse local cet après-midi titré Tout ça pour ça, les écologistes stéphanois abondent la position de leurs alliés socialistes : « En se désolidarisant enfin de Gaël Perdriau et ses fidèles, ces élus pouvaient laisser espérer qu’ils iraient plus loin et démissionneraient du conseil municipal. Il n’en est rien. Par cette décision, ces anciens colistiers de Gaël Perdriau choisissent de le maintenir en tant que maire, ainsi que ce qui reste de son équipe, et de laisser Saint-Etienne dans une situation dramatique. Entre l’éventualité d’une alternance politique, et le maintien d’un maire triplement mis en examen, ces 9 élus ont fait leur choix. » font à nouveau part de leurs « propositions » « pour sortir Saint-Etienne de cette crise démocratique ». Parmi elles, « la suspension immédiate de M. Perdriau de ses fonctions de maire jusqu’à la décision de justice », « instauration de procédures permettant d’assurer une réelle transparence dans le mode d’attribution des subventions aux associations » ou encore « transparence de l’action municipale en mettant en place une évaluation des politiques menées ».
Au centre aussi, on réagit. Mis à la porte de la majorité en juin 2023 pour, depuis l’éclatement de l’affaire, ses attaques systématiques sur la gouvernance de Gaël Perdriau qu’il qualifie de « mafieuse », Lionel Boucher, élu UDI plus que jamais isolé avec le décès de Denis Chambe et le retrait public de Gilles Artigues, a fait part auprès d’If de son analyse. « Une occasion manquée d’en finir avec cette situation et une gestion calamiteuse. La question n’était pas la prise de la Ville par la gauche mais bien d’en finir. Le souci, c’est le mode de fonctionnement binaire des uns et des autres. Ni la droite, ni la gauche n’ont envisagé une liste d’union temporaire, c’est-à-dire juste pour ces 12 mois, en attendant 2026, c’est terriblement dommage. Bien sûr que l’on ne mène pas un vrai projet en si peu de temps mais justement ! Oui, je parle bien d’une gouvernance unie pour l’intérêt commun qui aurait pu mettre fin au dirigisme de Gaël Perdriau qui seul décide de tout. » Après quoi, « il aurait été temps pour le centre et la droite de d’abord élaborer une union mais autour d’un projet partagé, puis en mobilisant des personnalités compétentes autour et enfin, en dernier, de décider quel leader incarne cela. Pour l’instant, si une personnalité se distinguait, ça saurait… Ne faisons pas les choses à l’envers ».