Conseil municipal de Saint-Etienne : autopsie d’un chaos
C’est un conseil municipal des plus agités qui a eu lieu ce lundi 24 juin. Nous vous l’expliquions hier, à la suite de l’éviction de Claude Liogier, huit adjoints et conseillers ont annoncé qu’ils renonçaient à exercer leurs fonctions. Un énième rebondissement auquel le maire, Gaël Perdriau, ne s’attendait visiblement pas.
Le maintien ou non de Claude Liogier en qualité d’adjoint était abordé en tout début de conseil municipal, ce lundi après-midi, après que le maire, Gaël Perdriau a décidé de lui retirer ses délégations une semaine auparavant. Le matin même, lors d’une conférence de presse, l’édile expliquait à ce sujet : « Nous avons constaté l’un comme l’autre que la confiance n’était plus là. Il n’avait plus confiance en moi et, dans ces conditions, je ne pouvais donc plus avoir confiance en lui. C’est mieux qu’il prépare les prochaines élections librement de son côté, comme il a commencé à le faire ». Le ton est donné.
Le couperet tombe
En préambule du vote, Claude Liogier a souhaité prendre la parole, visiblement très ému. « Le maire a pris seul cette décision, sans m’apporter d’éléments concrets, ni d’explication convaincante. Je suis élu et adjoint depuis dix ans, j’ai quitté mon emploi en 2014, pour mieux servir. J’ai mis toute mon énergie à défendre et mettre en œuvre sur le terrain le projet municipal. J’ai toujours fait preuve de loyauté, mais il est normal de pouvoir exprimer son opinion dans un groupe de personnes de sensibilités différentes. Personne ne pourra dire qu’une seule fois, je n’ai pas assumé la tâche qui m’était confiée. Depuis plus d’un an, notre ville et notre métropole sont affaiblies et c’est un profond gâchis. Dans un instant vous allez voter. Je ressens aujourd’hui une forme d’injustice, sans animosité, et je souhaite l’exprimer devant vous, car je suis loin d’être le premier à vivre cette situation. Je vous demande de réfléchir à la portée de votre vote en vous exprimant en votre âme et conscience et si possible en toute liberté ». De nombreux élus sont intervenus en soutien et ont rappelé l’implication de l’adjoint en charge de la circulation et de la mobilité.
Non, Claude Liogier n’est pas victime du système Perdriau comme j’ai pu le lire, il est victime de sa lâcheté et du manque de courage d’affirmer les positions qui sont les siennes.
Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, lors du conseil municipal du lundi 24 juin.
35 voix contre 21
Ainsi, le LR Antoine Poméon a qualifié cette décision de « politique de la terreur », estimant qu’elle n’honorait pas l’édile. « Claude Liogier a été l’un de vos premiers soutiens. Il vous a aidé à gagner en crédibilité lorsque vous étiez candidat. Nous n’avons définitivement pas les mêmes valeurs ». Quant à Pierrick Courbon, du groupe Saint-Etienne Demain, il assure que ceux qui suivront le maire dans cette attitude seront marqués pendant longtemps du sceau de l’infamie. Avant de créer un séisme durant cette séance, Nicole Peycelon, adjointe en charge de la tranquillité publique et de la propreté, des relations avec le monde de la justice, estimait, au nom de son groupe Saint-Etienne Avant tout, qu’il s’agissait d’une décision injuste et demandait un vote à bulletin secret… qui s’est déroulé quelques minutes plus tard, actant la décision du maire à 35 voix contre 21.
Une décision commune…
Invectivé de toute part, Gaël Perdriau est revenu sur sa décision, après avoir accueilli l’arrivée de Jacques Plaine, en remplacement de Denis Chambe au sein du conseil municipal. « A la différence de beaucoup d’entre vous, dont monsieur Courbon, Jacques Plaine est un homme de culture. Lui sait le sens des mots et de la présomption d’innocence, et il la respecte. Mais ce n’est pas le seul, Badinter et tant d’autres ont su respecter ce principe de notre République ». Et de poursuivre en indiquant que le choix concernant Claude Liogier n’est pas seulement de son fait et n’a rien à voir avec l’affaire. « C’est comme quand Georges Ziegler retire la délégation du Sdis à madame Darfeuille sans autre explication, comme quand Laurent Wauquiez retire des responsabilités à Marie-Camille Rey sans autre explication. Et bien moi, je vais vous les donner les explications, puisque Claude Liogier les a publiquement demandées ».
Rassurez-vous, dans 22 mois, au plus tard, ce sera fini.
Lionel Boucher, conseiller municipal.
… qui couve depuis plusieurs mois
Le maire estime au passage avoir fait preuve d’une très grande patience. « C’est lors d’une réunion du groupe que cette question est venue sur la table compte tenu des propos répétés dans les réunions de services ou avec certains collègues sur le travail de l’équipe municipale et sur le fait de savonner la planche de l’équipe municipale. T’as raison Claude de citer Nietzsche, ce qui ne tue pas rend plus fort. C’est ce que je me dis depuis deux ans. Et ceux qui n’ont pas réussi à m’éliminer en avançant des prétextes, je les invite à prendre connaissance de cette citation ». Il poursuit en précisant que « l’alerte a été plus forte quand le groupe de la majorité, à l’unanimité, a désigné une de nos collègues pour être candidate à la vice-présidence de Saint-Etienne Métropole en remplacement de Delphine Jusselme, une élue de Saint-Etienne, pour représenter la ville. Ce jour-là, Claude Liogier a fait un autre choix, lui, solitaire, préférant privilégier l’élection d’une socialiste, maire d’une commune de la couronne. Dont acte ». Gaël Perdriau fait ici référence à des élections métropolitaines qui ont eu lieu en décembre dernier.
Cap sur 2026
Pour lui, les choses sont donc claires. « Certains préparent l’échéance de 2026, et c’est leur droit, mais ils le font sur le dos de l’équipe municipale. Je n’aurais plus à me demander ainsi tous les jours si je vais recevoir un coup de poignard dans le dos supplémentaire ou si une peau de banane sera glissée sous mes chaussures. Claude sera beaucoup plus libre pour préparer ce qu’il a à préparer pour 2026, mais au moins comme ça les choses sont claires. Non, Claude Liogier n’est pas victime du système Perdriau comme j’ai pu le lire, il est victime de sa lâcheté et du manque de courage d’affirmer les positions qui sont les siennes ». Pour autant, la question d’évincer Claude Liogier plus de sept mois après les élections à métropole, ainsi que le choix de nommer de nouveaux adjoints, n’est pas sans laisser penser que l’édile aussi, a l’échéance 2026 en tête. C’est l’une des raisons qui pousse d‘ailleurs Nicole Peycelon à prendre la parole et à annoncer que les élus du groupe Saint-Etienne Avant tout renoncent à exercer les délégations qui leur avaient été confiées, ainsi que leur fonction d’adjoint.
Cinq adjoints élus
« Rassurez-vous, dans 22 mois, au plus tard, ce sera fini », a déclaré Lionel Boucher, qui avait été lui aussi évincé de la majorité en septembre 2023. Et de poursuivre « toute personne dotée de telles casseroles se cacherait. Pas vous. Nous avons bien compris que Gaël Perdriau a promis un poste d’adjoint à cinq d’entre vous. C’est véritablement vendre son âme pour un plat de lentilles ». A noter que le plat en question implique un passage de 900 en tant que conseiller à plus de 2 560 euros bruts, comme adjoint… Au terme de ces débats, les groupes d’opposition, Antoine Poméon, Lionel Boucher et le groupe Saint-Etienne Avant tout ont quitté la séance. « Au moins, il a le mérite d’être surprenant, ironise l’écologiste Julie Tokhi à la sortie. Il met en avant le débat démocratique qu’il entache lui-même depuis quasiment deux ans, c’est beaucoup trop ». Les nouveaux adjoints sont Abdelouahb Bakli, Marie-Jo Perez, Lionel Jouffre, Cyrine Makhlouf et Thierry Nitcheu… en attendant de nommer ceux qui viendront remplacer les récents départs. Reste qu’il n’y aura définitivement plus assez de fauteuils pour accueillir tout le monde côté opposition.