Conseil municipal de Saint-Etienne : budget, tensions et associations
Parmi les conseils municipaux qui rythment l’année d’une Ville, c’est un des plus importants, si ce n’est le plus important. Lundi, le conseil stéphanois a voté le budget primitif avec quelques évolutions par rapport au Dob de janvier qui en donnait les orientations. Évidemment, le sujet des économies budgétaires, entre autres sur les associations, est revenu sur la table. Mais ce n’était pas le seul…
Un Débat d’orientation budgétaire (Dob) n’est pas un Budget primitif (BP). Entre les deux – les projections financières débattues de début d’année et le vote du budget arrêté, le BP (cependant modifiable et dont la réalité est actée par les comptes administratifs) –, il peut y avoir des différences. Certes, très rarement majeures. Dans le cas stéphanois, en 2023 et par rapport à 2022, la coupe dans les subventions financières accordées aux associations totalisera par exemple non plus 1,5 M€ comme discuté en janvier mais exactement 2,172 M€ (et non 2,3 M€, comme nous l’avions titré, cette somme étant justement issue d’une comparaison entre Dob et 2023) selon ce qui a été inscrit au BP voté lundi dernier au conseil municipal.
Comme pour le Dob, nous avons largement évoqué le sujet des associations, la manifestation de lundi dernier et les échanges d’arguments musclés entre majorité et opposition que cette coupe budgétaire provoque dans un article spécifique il y a une semaine. Il est néanmoins revenu sur la table, forcément, lundi dernier en conseil municipal. La majorité a argué sa justification, une nouvelle fois dans un contexte apportant un lot de contraintes comme jamais sur le fonctionnement. Inflation, avenants de marchés liés à cette dernière, explosion des coûts de l’énergie (+ 12 M€ rien que sur l’électricité), augmentation « naturelle » ainsi que légales en termes de ressources humaines (évolution du point d’indice, du rifseep) : c’est une vingtaine de millions d’euros de surcoût par rapport à 2022 que doit encaisser le budget de fonctionnement fixé à 234,268 M€ cette année.
Un investissement à 50 M€ confirmé
Les associations ne sont pas les seules à en payer les conséquences pour l’équilibrer : fermeture actée de certains services (piscine de Villebœuf, serres, école de voile), réduction ou suppression des soutiens aux projets de sortie scolaires ou, encore, des économies de dépenses de « toutes parts », dans les services dont on ne connaît pas les détails mais évoquées lundi. Alors que la Ville a dû assumer plus et subit un manque à gagner de l’Etat sur ses dotations revenant à – 14,5 M€ par an depuis 2014, l’effort sous la contrainte est donc présenté comme transversal. Mais il n’est pas soulagé par une hausse de la fiscalité qui aurait été pour la majorité « une solution de facilité ». Cela, « contrairement à de nombreuses grandes villes : + 16 % à Marseille, + 11,5 % à Nantes, + 9 % à Lyon, + 25 % à Grenoble, + 52 % à Paris,compare à nouveau le maire Gaël Perdriau heureux de citer face à l’opposition l’exemple de Villes de leur même bord politique. De plus, nous augmentons de 900 000 € le budget du CCAS. Et les tarifs municipaux ne bougent pas (hormis le stationnement, Ndlr) : les prix de la cantine, des crèches, des Ehpad restent identiques. »
Parallèlement aux économies, nous augmentons de 900 000 € le budget du CCAS. Et les prix de la cantine, des crèches, des Ehpad restent identiques.
Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne.
Côté investissement, comme prévu au DOB, 50 M€ – hors reports (25 M€) et remboursement du capital de la dette (24,9 M€) – sont prévus. « 17,3 M€ seront consacrés à la conservation et 32,7 M€ à de nouveaux équipements. Un niveau d’investissement qui malgré les difficultés inédites peut rester ambitieux grâce à notre gestion rigoureuse depuis 2014 », martèle à nouveau l’adjointe aux finances Nora Berroukeche. Et au détriment, aussi, de l’épargne nette dont la chute spectaculaire se confirme en tombant à 3 M€ contre 9 M€. Sachant que c’est un paramètre essentiel d’autofinancement pour déclencher des emprunts, une ou deux autres années à ce rythme, risqueraient probablement de plus que perturber le Plan pluriannuel d’investissements (PPI). Ce n’est donc pas encore le cas cette année avec 28,623 M€ d’emprunts inscrits (ils ne seront pas forcément déclenchés), amenant 58 % des recettes d’investissement.
Ce que l’opposition aurait fait
24 M€ étaient prévus au Dob de janvier alors que les taux d’intérêt augmentent. Avec 260 M€ d’encours au 1er janvier 2023, la capacité de désendettement s’élève à 8,3 ans. Soit, sans être d’un confort absolu, en dessous de 3-4 ans d’une situation considérée dangereuse pour une collectivité. Le désendettement va d’ailleurs se poursuivre en 2023 avec – 14,5 M€ pour atteindre, souligne Nora Berroukeche, un recul cumulé de l’encours de 105 M€ par rapport à 2014. Interrogé par Gaël Perdriau il y a 2 mois – « vous critiquez mais que feriez-vous à notre place ? » -, Saint-Etienne Demain qui conteste férocement comme les autres groupes d’opposition les économies décidées, s’est pris au jeu entre les deux séances. Déjà pour dire ce que ses élus n’auraient pas fait comme l’a énuméré Pierrick Courbon : « Une sortie des emprunts toxiques très coûteuse, soit 9,9 M€ de frais en 2023 » qui correspond selon lui à « une capitulation en rase campagne » face aux banques ; « un abandon du contentieux face au Sdis (service départemental d’incendie et de secours) » pour une perte de « près de 2 M€ par an par rapport à une juste contribution, sur les 12,6 M€ appelés cette année ».
L’élu estime aussi qu’il aurait fallu davantage d’investissements dans les opérations de rénovation du patrimoine bâti pour éviter qu’il ne plombe la facture énergétique de manière flagrante aujourd’hui. « A ce titre, les dépenses de conservation ne représentent qu’un tiers des dépenses d’investissements inscrites au BP 2023 : c’est pour nous bien trop peu et il semblerait opportun de les porter dès à présent à 50 %. » Selon cet argumentaire, plusieurs millions d’euros de moins ne manqueraient ainsi pas à l’appel en 2023. Membre aussi de Saint-Etienne Demain, François Boyer a présenté, en outre, un document cherchant à démontrer qu’avec d’autres économies théoriques sur d’autres lignes de dépenses, les coupes budgétaires pour les associations seraient inutiles : 800 000 € en revenant à une solution informatique open source plutôt que celle payée à Microsoft, 528 200 € sur la communication en réduisant ne particulier des coûteux publi reportages dans la presse nationale (32 000 €, paraît-il pour un quart de page dans Les Echos !).
D’autres économies étaient-elles possibles ?
250 000 € (sur 1,156 M€) sur les crédits du cabinet du maire, 235 680 sur les déplacements des élus hors Métropole, 300 000 sur la réserve du mairie, 77 000 sur le financement facultatif des écoles privées, 61 300 € encore sur le déplacement des élus mais spécifique aux dossiers culturels, pointant l’aller-retour à Santos, au Brésil, de Marc Chassaubéné en juillet 2022 pour la conférence des villes créatives Unesco. 50 000 € enfin en réduisant le recours aux cabinets extérieurs. 8 propositions qui cumulent ainsi 2,34 M€ d’économies. De quoi faire dire à Ali Rasfi, lui aussi de Saint-Etienne Demain que « le coup de tonnerre », subi par les associations de manière différente sans « qu’on connaisse les critères si tant est qu’il y en ait » correspond « soit à de la facilité, soit à de l’idéologie » : « Les associations commençaient à recréer du lien mais ont toujours du mal à faire revenir après le Covid. Elles n’ont vraiment pas besoin de ce nouveau de canif alors qu’elles subissent la crise du bénévolat. C’est bien méconnaître l’importance de leur rôle socio-éducatif. »
Les associations n’ont vraiment pas besoin de ce nouveau de canif alors qu’elles subissent la crise du bénévolat. C’est bien méconnaître l’importance de leur rôle socio-éducatif.
Ali Rasfi, élu de Saint-Etienne Demain
Un tableau d’économies potentielles balayé en une phrase par Gaël Perdriau qui y voit « une plaisanterie », estimant apparemment ridicule la démonstration au point de ne pas souhaiter le commenter. Malgré tout, le maire l’a fait, au moins partiellement. Déjà, pour dire qu’il n’avait pas attendu l’opposition pour faire des économies cette année dans ces différents services en question et/ou depuis plusieurs années. « Le cabinet a bien sûr contribué à ces efforts. Sur la com, on est à – 20 % par rapport à Maurice Vincent. Les cabinets conseils ? Ce sont nos agents qui nous le demandent, soit à cause de la technicité d’un dossier, soit à cause du volume de travail causé par un autre, très particulier. » Défendant le bilan de sa politique sociale – en rappelant par exemple les 6 000 logements publics et privés rénovés grâce à la Ville depuis 2014 : « je vous parle difficulté de logements, vous me parlez planche à voile » – a contrario d’une politique gouvernementale qualifiée de « néolibérale », le maire voit dans les prises de position de son opposition un opportunisme « hypocrite » servant des « ambitions personnelles et non l’intérêt général ».
Budget vert et fiscalité
Avant ces premières réponses du maire, Jean Duverger pour Le Temps de l’écologie avait dénoncé son « entêtement à ne pas augmenter la fiscalité », rejoint d’ailleurs sur ce sujet par Michel Nebout du groupe communistes. « Entêtement » dogmatique pour ce dernier qui pour Jean Duverger « quoiqu’il arrive, va toucher là son extrême limite. Une épargne nette de 3 M€ ne laisse pas de marge de manœuvre. L’émergence d’une nouvelle logique est possible, puisque vous avez repris une proposition que nous avons faite pour le démarrage d’une réflexion autour d’un budget vert ». Comme à Saint-Etienne Métropole, les écologistes continuent à dire que la majorité n’a toujours pas pris la mesure du réchauffement climatique et de l’urgence de redistribuer les priorités d’investissements en les concentrant sur la lutte, du moins la limitation des dégâts à venir, qu’elle exige.
50 M€ investis en 2023, c’est 284 € par Stéphanois contre cette année 127 par Ligérien au niveau du Département, 175 par habitant d’Aura pour la Région.
Gaël Perdriau
Gaël Perdriau plaide, lui, en plus du reste le passif, estimant devoir rattraper les « erreurs techniques » du mandat Vincent (par exemple sur la piscine Yves-Nayme jugée ici très mal conçue malgré sa jeunesse) et un manque d’investissement sur le patrimoine de la Ville qu’il ne cesse, argue-t-il, de devoir rattraper. « Vous me parlez de l’épargne nette ? Elle est tombée à 1 M€ au Département de la Loire, à 1,7 M€ à Lille, 2,26 M€ au Mans. A Grenoble, elle est inférieure à la nôtre malgré une augmentation d’impôts fulgurante. » Message : Saint-Etienne s’en sort mieux grâce à ses décisions passées et à venir. Avec d’autres comparaisons à l’appui. « 50 M€ investis en 2023, c’est 284 € par Stéphanois contre cette année 127 par Ligérien au niveau du Département, 175 par habitant d’Auvergne-Rhône-Alpes pour la Région… »
Des décisions anti-démocratiques ?
A noter un autre sujet de tension, qui n’est pas neuf mais sur lequel les groupes d’opposition ont particulièrement insisté sur ce conseil : une opacité, un manque de communication des informations, et maintenant un musèlement de leur parole, mise en évidence, assurent-t-ils par la dernière séance. Le Temps de l’écologie comme nous l’avons indiqué il y a une semaine assure toujours batailler pour obtenir les détails de du cheminement de décisions des associations subventionnées malgré les injonctions de la Cada en sa faveur. Idem pour la composition du cabinet du maire, objet d’une demande d’informations parallèle et parmi d’autres de Saint-Etienne Demain aussi qui souligne que ses questions, attendent toujours des réponses : fermeture potentielle d’autres services, devenir des serres, des critères de baisse de subventions des associations… Le matin même précédant le conseil municipal, une réunion entre le maire et l’ensemble des présidents des groupes politiques d’élus, majorité et oppositions, a été encore plus tendue que d’habitude.
Se basant sur des articles du règlement que l’opposition juge flous à interpréter, le maire a en effet décidé de ne pas inscrire différents vœux des oppositions relatifs à l’actualité nationale ainsi que plusieurs questions orales portant sur des enjeux locaux, comme l’école Centre II. Il estimerait les interventions et donc les débats des conseils beaucoup trop longs. Il n’en fallait pas plus pour que les opposants comparent l’attitude du maire de Saint-Etienne à celle d’Emmanuel Macron et le 49.3 sur les retraites… « Ne pas voir nos questions orales inscrites, c’est une première à notre connaissance dans un conseil municipal de Saint-Etienne. On a franchi un pas dans le déficit démocratique », commente Laetitia Valentin du groupe Saint-Etienne Demain.