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jeudi 25 avril 2024
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Covid : j’ai testé pour vous « être cas contact de cas contact »

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Non, aucun collaborateur de la rédaction n’a été forcé de respirer l’haleine d’un individu suspect d’héberger l’indésirable virus. En revanche, j’ai bien été obligé d’aller me faire tester. Comme ce n’était qu’un coup de chaud, on vous raconte. Avec humour, histoire de se vacciner contre la « sinistrosite aigue ». Même si c’est sérieux.

« Non mais, les gars, si on annule dès qu’y a un nez qui coule, on va pas faire un match de l’année ! » Jeudi 17 septembre, 18 heures. À deux heures de ma participation à un match amical de football à 7, une gorge toujours plus profondément picoteuse s’allie aux coulées répétitives de ma cloison nasale pour me plonger dans un océan d’hésitations : est-il raisonnable d’aller me frotter à cette entreprise ? Et si c’était le Covid et que j’allais créer un mini cluster ? Déjà, la veille au soir, sans en venir à cette théorie un rien alarmiste, j’avais commencé à ressentir quelques légers symptômes. Et de la fatigue. Mais la présence à mon domicile d’un vil bébé acharné à fractionner mes nuits, peut l’expliquer. Sauf que le lendemain après-midi, le ressenti s’emballe et même si la température estivale peut expliquer des sudations auxquelles je suis accoutumé – « comme quoi, t’as un point commun avec Zidane », me disent souvent mes potes du foot  –, la psychose échauffe mon esprit.

Des coéquipiers auxquels j’ai lâchement remis la décision d’autoriser ma venue via notre groupe WhatsApp se chargent donc de me refroidir. Ça me rassure. « C’est bon, c’est décidé, j’y vais », me dis-je. Sur ce, ma femme arrive, mes deux aînés renifleurs dans son sillage, et m’annonce qu’elle n’est pas au mieux de sa forme non plus. Étayant des symptômes analogues, elle conclut par un cinglant et inconditionnel : « Je serais toi, j’irais pas. » « C’est bon, c’est décidé, j’y vais pas », me contredis-je. En plus, les gamins ont le nez bien pris, alors… Enfin… Enfin, en même temps, il en a été ainsi de la moitié de leur existence… « Et si j’y allais en mettant un masque ? », me re-contredis-je. Surtout que rayon symptômes, à part le goût et l’odeur, le Coronavirus fait dans le plagiat…

Encore une fraternisation type 3e mi-temps houblonnée qui s’éloigne 

S’enchaîne une série en 48 min chrono, de retournages de veste, brusquement interrompue par un coup de fil à couper net mon débat pathétique. « Allo ? Qu’est-ce que tu me dis mon Lolo (surnom d’emprunt, NDLR) ? Tu viens de te faire tester au Covid ? Ah, ok… T’es sans doute cas contact d’un gars de ton boulot positif… Bon ben, ok, merci… » « Merci » ? Tu parles ! Le Lolo en question vit à Marseille mais c’est du Couramiaud d’origine. Et ses origines, il les a visitées le week-end dernier avec un arrêt soirée burgers samedi chez nous. Je compte : nous étions neuf en tout et en extérieur, en tout bien tout honneur donc. Ça n’empêche pas qu’il faut prévenir chaque convive au cas où la – ou « le », je ne sais plus à quel genre me vouer avec ce machin – Covid ait tapé l’incruste dans leurs nez.

Quant à mes doutes sur mes activités de ce jeudi soir, ils ne tiennent désormais pas plus qu’un argument avancé par Jean-Michel Aulas. JE SUIS CAS CONTACT D’UN CAS CONTACT !! Snif, adieu foot et – re-snif plus bruyant -, sa 3e mi-temps. Bonsoir coups de fil, organisation et prises de tête et de température. Annulé le week-end retrouvailles qui devait suivre avec mes frères et mes parents. Encore une fraternisation type 3e mi-temps houblonnée qui s’éloigne. Saleté de corona. On va aller se faire tester le plus vite possible, ça fera au moins un truc à faire en famille…

Le réveil sonne. Simple psychose ? On se sent un peu plus mal que la veille. Par contre, toujours 37,2° C ce matin. Mais pas le temps de se faire un film, il faut être au taquet : il y a l’école à appeler avant 8 heures pour expliquer la situation et dire que nous gardons nos deux fils. Mais aussi mon médecin généraliste pour obtenir une ordonnance et voir ce qu’il en pense et enfin un labo à contacter dans la foulée. Avec un peu de chance, ça ira vite… Bingo ! Là où mon pote a mis deux jours à se faire tester à Marseille en se prenant râteau sur râteau tel Michel Blanc dans son meilleur rôle d’hypocondriaque, j’obtiens un rendez-vous groupé chez le toubib en fin de matinée. Juste après, un labo couramiaud nous annonce tranquillement pouvoir nous caser dès le début d’après-midi. Yes ! Fingers in the nose ! Enfin… Non, en fait : les doigts dans le nez, ce n’est plus très tendance…

On va aller se faire tester le plus vite possible, ça fera au moins un truc à faire en famille…

À propos d’index dans le pif, nous voilà renouant avec les joies de l’école à la maison. Chouette ! Le confinement et l’atelier maternelle peinture-coquillettes-collage-coloriage me manquait… Ces réjouissances pédagogiques improvisées effectuées, place à la double sortie commando en centre-ville, avec l’application stricte du plan « gestes barrières +++ » suggéré par le corps médical (écorné, je l’avoue, par deux ou trois entorses enfantines à la fameuse loi anti-doigts dans les narines). Les deux allers-retours maison/médecins maison/labos, entrecoupés de la préparation et de la prise à domicile d’un repas express « maisfautquandmemedeslégumes » me convainquent que le statut de famille nombreuse dès cinq représentants n’est pas usurpé.

Les passages chez le médecin – qui m’annonce, par une autre voie, que j’ai 35,9°C ( !) – puis au labo sont paradoxalement sereins. Brad Pitt et Will Smith devront repasser pour l’ambiance fin du monde : l’attente devant les portes du labo s’est faite sans bousculades et corps piétinés aux côtés de quelques autres individus masqués. Si ça se trouve quelqu’un en profite pour faire semblant de ne pas me reconnaître. Idem à l’intérieur des locaux où ma tension (je vous ai dit que j’étais tendu ?) s’apaise au regard de la rapidité de la prise en charge et du protocole. De quoi jouer les bons pères de famille en rassurant mon fils de 7 ans qui vient de m’engueuler parce que je me suis assis sur le siège à côté de lui et « qu’on a pas le droit ! Non mais sérieux, t’as pas vu la croix ? » : « Pas de quoi avoir peur, t’inquiète, le prélèvement c’est rien, ça fait pas mal. Oui le masque ça tient chaud mais y a pire. Ça ? Euh non, c’est pas un ordi, c’est une télé d’avant. Oui, c’était moche. Oui, c’était plus petit et rond comme écran. Oui y a une grosse caisse derrière. Pourquoi ? Parce que c’était du cathodique et que… Oh ! Y a un écriteau où ils disent qu’il faut se taire ! »

Dans la première salle d’attente, à quelque mètres, une cinquantenaire venue se faire tester décide que c’est pile le bon endroit et le bon moment pour enlever son masque qui « l’étouffe ». Je contribue, en bon élève, aux réprimandes atterrées du personnel en lui lançant mon légendaire regard de fer… Étrangement, juste après, nous nous montrons moins regardants pour le jeune homme à très forte carrure qui enlève aussi sa protection pour téléphoner… Derrière son enchevêtrement de couches plastiques, la dame qui vient nous chercher est super accueillante et met bien en confiance mon fils. Je demande à ce dernier s’il veut me démontrer son courage en étant prélevé le premier… Bon, ok, ok : on commence par papa…

Et c’est là que la dame dégaine, tout sourire, son coton tige géant ! Soudain en moi, c’est la révélation : toute cette affaire n’est depuis le début qu’un mesquin complot ourdi par l’industrie du coton tige à qui la loi a retiré le droit d’utiliser le plastique le 1er janvier 2020 : il lui fallait de nouveaux marchés ! Surtout que leur agent infiltré à Saint-Chamond – qui, comme par hasard, porte du plastique à gogo –  va utiliser DEUX cotons tiges : un pour chaque narine. Bon, ok… J’ai peut-être de la fièvre en fait… Ou alors c’est parce que ces bâtonnets ont bien atteint mon cerveau tant ils sont longs… En fait, c’est ça : les complotistes ont juste un coton-tige planté dans le cervelle.

Et c’est là que la dame dégaine, tout sourire, son coton tige géant !

Odieux avec mes muqueuses, le prélèvement aura été agréablement vite plié. Ma femme suit, rapidement prise en charge aussi. Les résultats nous seront communiqués par mail dans les 48 heures. Le week-end s’entame donc en mode isolement, résignés à nous retrouver de nouveau confinés, comme au bon vieux printemps, et à renoncer à mes trois mi-temps du jeudi suivant. Mais, ce samedi après-midi, surprise ! Déjà, il pleut. Ce dont la mémoire de mon cadet, âgé de 5 ans, commençait à ne plus pouvoir témoigner. Ensuite, nous avons reçu les résultats : il n’a fallu que 24 heures ! Clics, mots de passe, bug, re-clics, re-mots de passe et roulements tambour… Ouf, nous sommes tous négatifs ! Ah, ah : sans rire, je le savais bien, en fait ! C’est comme avec Aimé Jacquet juste avant 98, j’ai toujours été serein et j’en ai jamais douté moi. C’était juste histoire d’être sûr…

Reste qu’il y a décidément un fossé entre Marseille et la Loire pour tester la population. Ils ont beau avoir Raoult, ils n’ont ni nos labos, ni notre gentille dame plastique. Lolo, lui, a patienté des heures pour son test et attendu encore 66 autres pour avoir ses résultats. Et en plus, il est positif bichette. Heureusement, il va bien. Quant à ses parents et aux autres participants à la soirée, vite prévenus, ils ont aussi pris leur disposition. Chacun va se révéler négatif dans la semaine. L’ARS de Paca m’avait avant cela contacté le dimanche après-midi après le résultat de Lolo. Mais, on a coupé l’herbe sous le menton de l’agent en lui annonçant dans le combiné que tout avait été déjà effectué de ce côté-là de la France. Efficace et sincère : sûr qu’elle préfère. Saint-Chamond 2  – Marseille 0. Quand même : qu’est-ce qu’on leur met aux Marseillais en ce moment…

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