Crues : cet enjeu noyé par les autres pour le centre-ville de Saint-Etienne
Phase 2 des travaux de sécurisation anti crues du Furan, la « vantellerie » située en amont du Barrage du Gouffre d’enfer connaît actuellement des travaux de maçonnerie lancés par Saint-Etienne Métropole avec le soutien de l’Etat. Deuxième tranche capitale – il faudra ensuite revoir la vanne de fond du barrage désormais entièrement consacré à prévenir les crues – pour éviter au centre-ville de Saint-Etienne un scénario catastrophe. La collectivité effectuait ce matin une visite de chantier médiatisée.
L’épée de Damoclès est là. Elle plane, invisible, au-dessus du centre-ville stéphanois depuis des décennies et même davantage. Et elle restera en suspension d’ailleurs mais en beaucoup moins tranchante. C’est en tout cas l’objectif de l’ensemble des travaux lancés par Saint-Etienne Métropole autour du Furan, en aval du barrage du Pas de Riot, d’où vient en partie l’alimentation en eau potable (conjuguée avec celui de Lavalette situé en Haute-Loire) de Saint-Etienne et au-delà. « A leur aboutissement (pas avant 2026, au moins, dans leur totalité, Ndlr), le centre-ville de Saint-Etienne sera protégé jusqu’à l’équivalent d’une crue centennale », expliquaient ce mercredi ses services à l’occasion d’une visite de chantier. Car ce n’est pas le cas actuellement et le contexte pluviométrique de ce début d’automne, en particulier celui de ce début de semaine, sonne comme une piqûre de rappel. Cette fois-ci sans frais.
Dans une semaine ? Dans un mois ? Dans un an ? Dans dix ? Un jour où l’autre, la ville aura droit à sa cette brusque montée des eaux qui, en moyenne, n’arrive qu’une fois tous les 100 ans autrement plus dangereuse que les épisodes récents aussi marquants qu’ils soient. Entre deux débats sur le bienfondé des investissements d’équipements majeurs, c’est là que s’apprécient ces trains qui arrivent discrètement à l’heure sans que le contribuable n’en ait toujours conscience. Par exemple, l’utilité de refaire les berges, d’élargir le lit mineur des rivières à des points précis que l’activité humaine a transformé en goulets d’étranglements, comme cela a été fait ici ou encore là, dans la Vallée du Gier ces dernières années. Le danger potentiel du Furan dévalant depuis le Pilat sur Saint-Etienne est, bien sûr, lui aussi, connu depuis très longtemps. Le modeste torrent ne paie pourtant pas de mine : même avec le débit costaud dont il témoigne actuellement, on se demande comment il pourrait noyer un grand centre urbain.
Le Gouffre d’enfer pour parer aux flots
« Si vous allez à Vaison-la-Romaine (célèbre pour avoir subi une terrible inondation en 1992 : 37 morts, Nldr), vous verrez que l’Ouvèze n’apparaît, en général, qu’en gros ruisseau encaissé. Avant l’Aude en 1999, cet épisode là avec celui de Nîmes, en 1988, ont marqué le réveil des consciences sur la menace après un XXe siècle où elles s’étaient assoupis car plutôt clément par rapport au précédent », nous explique un technicien expérimenté de Saint-Etienne Métropole. Pour ce qui est d’un centre-ville de Saint-Etienne (la crue de 2008 avait d’abord impacté le Forez et la vallée du Gier, Rive-de-Gier en premier lieu, Ndlr) franchement les pieds dans l’eau, émerge de sa mémoire le milieu des années 80. C’est cette menace quelque peu oubliée le siècle dernier que se devait de parer le patrimonial barrage du Gouffre d’enfer inauguré sous Napoléon III en 1866 à la suite des inondations majeures de 1849, 21 morts. Un ouvrage monumental, plus haut barrage du monde à sa conception, lui ayant valu les lumières de l’exposition universelle de 1876. Près de 500 000 m3 de sa capacité totale étaient consacrés à ce rôle d’écrêteur de crues.
Le reste, devant alors alimenter en eau potable Saint-Etienne et assurer un débit constant à l’industrie en période d’étiage. La fonction « eau potable » montra vite ses limites face au rythme dingue imposé alors par la croissance d’une ville en pleine constitution/extension. Le barrage du pas Riot est créé dès la décennie suivante, 2 200 m plus en amont. Mais sans lui donner un rôle anti-crues comme son aîné plus en amont. Pour ce dernier, c’est l’objectif, désormais des travaux enclenchés par Saint-Etienne Métropole, collectivité plus que jamais compétente en la matière avec la loi Nôtre et la prise en main directe de ce qui se sigle aujourd’hui en Gemapi – Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations -, transféré par l’Etat. Le Barrage du Gouffre d’enfer, transféré aussi par l’Etat ayant déjà fait l’objet d’autres travaux préalables en 2022. Il a définitivement perdu sa fonction eau potable – ce qui explique qu’il soit désormais le plus souvent vide – pour n’être qu’un gestionnaire de retenu/lâchage.
L’habitude des Papi
L’appel d’offres est lancé et l’exécution du marché, soutenue de près par l’Etat, directement et via l’Agence de l’eau Loire Bretagne, a pris du retard mais est espérée pour 2025. « Si on prend l’opération dans son ensemble pour protéger Saint-Etienne des inondations, cela va totaliser plus de 4 M€ investis. On sera sur 60 à 70 % de subventions par l’Etat et l’Agence de l’eau, comme c’est souvent le cas sur ces domaines-là », note Julien Luya, maire de Firminy mais ici vice-président métropolitain chargé des contrats rivière et de la Gemapi. Une Gemapi dont la collectivité et services avaient déjà l’habitude depuis les années 2000 : « C’est un peu spécifique au territoire mais avant la Gemapi, on faisait déjà 80 % de ce que l’on fait maintenant par jeu de délégation, comme c’était le cas avec le barrage du Gouffre d’enfer », soulignent les agents. Elle donne lieu désormais à une taxe directement encaissée par la Métropole et diront, certaines langues, une efficacité dopée par la décentralisation. Et, ajouteront d’autres avec un souci d’entretien, à défaut d’être parfait plus méticuleux, à l’image de celui désormais porté aux collèges et lycées après avoir été transférés aux Départements et aux Régions.
C’est un peu spécifique au territoire mais avant la Gemapi, on faisait déjà 80 % de ce que l’on fait maintenant.
Signataire avec l’Etat, dès les années 2000, de contrats introduisant les actuels « PAPI » (Programmes d’actions de prévention des inondations) sur 6 ans comme celui qui vient d’être signé pour le bassin du Gier (2024/2030) début septembre, Saint-Etienne Métropole croise leurs actions anti-crues avec celles des « Contrats Rivière », davantage connus, portant eux sur la restauration des milieux aquatiques, la biodiversité. Dans les deux cas, ce sont les trois cours d’eau principaux du territoire et leurs bassins qui sont concernés : Ondaine, Gier et Furan. C’est donc dans le cadre du Papi 2022-2027 du dernier cité qu’une visite de chantier était organisé ce matin au bord du Furan, à cheval sur les territoires de Rochetaillée et Planfoy. De quoi faire la lumière sur la « tranche 2 » de ce programme de travaux entrepris depuis l’an passé (la 3e étant la vanne de fond du Gouffre d’enfer) consacré à la « Vantellerie », en aval du Pas de Riot. Dans la première – 400 000 € investis – une piste et un petit pont ont été créés afin, déjà, de donner un accès à la zone aux engins de chantier puis de maintenance à la hauteur de l’enjeu.
Canal principal et canal latéral
Mais aussi rénover les vieilles vannes en fonte de cette même vantellerie « qui ne retenaient plus grand-chose », ne remplissant ainsi pratiquement plus leurs rôles. Il a fallu pour cela faire appel à une Entreprise du patrimoine vivant (EPV) dénichée dans le Rhône. Cette vantellerie, le promeneur peut habituellement passer devant à l’occasion d’une balade faisant le tour des barrages. L’ouvrage ne manque pas d’allure aussi, ses pierres de taille témoignant son âge. Il a précédé de peu dans le temps le barrage du Gouffre d’enfer puisqu’il a été construit à partir de 1859. Ses vannes sont chargées de diriger l’eau vers le réservoir du Gouffre d’Enfer via son canal principal, sinon vers le canal latéral, connu sous le nom de « fausse rivière », qui ne devrait théoriquement pas être aussi alimentée en flots qu’actuellement : c’est via cette voie d’eau le centre-ville stéphanois risque principalement l’inondation. Tout à droite quand on regarde en direction du nord et de Saint-Etienne, le gros tuyau métallique cheminant pour rejoindre le Gouffre d’enfer où son esthétique continue à gâcher l’ambiance, achemine, lui, l’eau à potabiliser depuis Pas du Riot.
Il continuera à la faire, parallèlement et n’est pas concerné par la gestion des crues. Le but des travaux actuels sur la vantellerie consiste en effet à retrouver la capacité d’envoyer la majeure partie d’un débit « trop » excédentaire via le canal principal en direction du Barrage du Gouffre d’enfer dévolu donc au seul écrêtage des crues avec une capacité de plus d’1 million de mètres cube consacrés. Après l’accès et le remplacement des vieilles vannes, la tranche 2 des travaux actuellement en cours consistent à refaire la maçonnerie de cette vantellerie et de ses berges maçonnées. Phase lancée fin avril devant s’achever en novembre ou décembre (selon la météo) coûtant à elle seule presque 1 M€. « Pour le charme, on laissera un petit débit au canal latéral afin d’alimenter la cascade voisinant le parking précédent le Gouffre d’enfer », nous rassurent les services métropolitains face à l’expression de cette angoisse-là. Certes, pas la plus importante.