Déchets : le sud Loire va présenter une solution pour (presque) enterrer l’enfouissement
A elle seule, Saint-Etienne Métropole contribue pour 126 000 tonnes de déchets sur les 357 000 par an désormais autorisés à être enfouis sur le site de Borde-Matin appartenant à Suez à Roche-la-Molière. Face à l’obligation légale de réduire ce mode obsolète de traitement des déchets, la collectivité annonce un « ambitieux » plan de réduction de ses tonnages destinés à être enfouis. Ainsi qu’aux côtés des quatre autres intercommunalités de la Loire concernées par Borde-Matin, la création d’une nouvelle solution de traitement des déchets autre que l’enfouissement en plus de l’amélioration du tri…
« Pourquoi ce changement de direction ? », s’interrogeaient en mai 2021 les élus écologistes de Saint-Etienne Métropole par la voix de Julie Tokhi. Le groupe d’opposition s’étonnait de l’abandon depuis le 1er janvier de la même année du traitement des déchets par « bioréacteurs » réclamé par la collectivité à Suez, chargée de la gestion de ses déchets ultimes sur son site de Borde-Matin. « Cette méthode permet de réduire l’impact des déchets et l’odeur qu’ils produisent. Les écologistes stéphanois condamnent ce retour en arrière. (…) Pour des considérations purement économiques, il est décidé de revenir en arrière, et de reprendre une méthode d’un autre temps. »
L’enfouissement des déchets ultimes se fait par « casiers ». En gros, il s’agit de vastes parcelles du site de Borde-Matin à Roche-le-Molière successivement utilisées durant des mois, à raison de 2,5 par an, pour y acheminer et enfouir les ordures. Là, elles y sont compactées puis recouvertes avant de passer à un autre casier. On parle de « casiers » car il s’agit de cuvettes dotées d’enveloppes étanches. Des dispositifs visent à récupérer le lixiviat, le « jus de poubelle » pour parler moins techniquement, issu de la décomposition afin de le traiter sur place, via une petite station des eaux. De même, Suez essaie de récupérer un maximum de gaz émis par cette maturation pour le valoriser et essayer de réduire les odeurs émises par le site dont se plaignent si régulièrement des riverains.
L’abandon des bioréacteurs à Borde-Matin anticipe la suite
Cependant, « si la technique par bioréacteurs permet, sur les casiers en bénéficiant, d’accélérer le processus de maturation pour aller trois fois plus vite, elle ne donne lieu en aucun cas à une réduction de l’impact environnemental. En cela, le terme « bio » est très trompeur, explique François Driol, vice-président en charge de la gestion et du traitement des déchets. L’inconvénient de cette technique, c’est qu’elle est coûteuse, effectivement. » Un surcoût de 3 euros par tonne traitée actuellement par rapport à une méthode classique mais qui va passer à 8 euros en 2025 avec la fin de l’allègement de la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes) quand ces bioréacteurs sont utilisés.
« Dans ces conditions, cela ne servait à rien de dépenser notre argent sur cette technique. Il vaut mieux l’utiliser pour préparer la suite qui consiste justement à réduire considérablement notre volume enfoui, argue François Driol. Nous arrêterons les bioréacteurs qui n’étaient d’ailleurs pas en place dans chaque casier sur Borde-Matin en août. Alors, si jamais il devait y avoir un regain d’odeurs, cela ne viendra sûrement pas de cette décision. Nous avons expliqué les raisons aux élus écologistes et je pense que nous sommes arrivés à les convaincre. »
Métropole veut passer à moins de 30 000 t enfouies d’ici 10 ans
La loi – Agec (Antigaspillage pour une économie circulaire) – exige, en autres que les collectivités locales réduisent peu à peu la solution de l’enfouissement pour le traitement de leurs déchets. Si bien que Saint-Etienne Métropole affiche l’ambition de passer d’un acheminement destiné à l’enfouissement à Borde-Matin de 126 000 t annuelles actuellement à moins de 30 000 t au début des années 2030. « Bien sûr que c’est ambitieux, mais on n’a pas le choix, observe François Driol. Plusieurs voies vont permettre d’y arriver : la gestion séparée et valorisée des biodéchets qui compte pour un tiers des poubelles (dont If Saint-Etienne a largement parlé, ndlr), une valorisation de 10 000 t environ par la méthanisation, une réduction par prévention, la sensibilisation des ménages, des entreprises mais aussi une baisse par la législation de la production même de déchets, avec les emballages. Il y a bien sûr aussi l’amélioration des capacités de tri avec le nouveau centre confié à Suez. »
D’ici 24 mois, le Sud Loire, c’est-à-dire nous et les autres membres du syndicat Sydemer présentera une autre solution de traitement que l’enfouissement.
François Driol, vice-président en charge des déchets à Saint-Etienne Métropole
Enfin, environ 50 000 t environ devraient être concernées par l’investissement dans une solution de traitement totalement nouvelle. « D’ici 24 mois, vous verrez que le Sud Loire, c’est-à-dire nous et les autres membres du Sydemer présentera une autre solution de traitement que l’enfouissement, annonce François Driol. Nous y travaillons actuellement. Mais nous n’en dirons pas plus à ce stade sur ce choix stratégique. » Ce ne sera sûrement pas le retour à l’idée coûteuse mécano-biologique un temps envisagée au début du premier mandat de Gaël Perdriau mais finalement jugé inapte techniquement, économiquement, voire écologiquement – et donc prolongeant le recours à Borde-Matin – par le Sydemer, le Syndicat mixte d’étude pour le traitement des déchets ménagers et assimilés résiduels du Stéphanois et du Montbrisonnais.
Plus de 80 % des habitants de la Loire concernés par Borde-Matin
Aux côtés de Métropole, dans cette structure publique qui a pour mission de déterminer la filière de traitement des déchets ménagers résiduels sur tout le sud de la Loire, voire « la détermination et l’acquisition d’un ou plusieurs sites pour l’implantation des installations », l’agglomération Loire Forez et les communautés de communes Forez-Est, des Monts du Lyonnais et du Pilat Rhodanien, soit 630 000 habitants concernés. Ces quatre autres collectivités aussi acheminent leurs déchets à Borde-Matin ne faisant pas l’objet d’un tri. Et elles aussi, devront réduire leur volume. Tout comme Suez a été contraint de réduire celui reçu pour être enfoui sur son site, autorisé en 2018 à fonctionner jusqu’en 2053. Le volume maximal annuel est à cette occasion passé de 500 000 t à 423 000 t. Puis en 2020 à 357 000. A partir de 2025, ce sera 270 000 t…
Au sein du site de Borde-Matin, le second de France de Suez en capacité de tonnage enfoui, on dit avoir anticipé depuis longtemps et sereinement, le groupe se disant tout à fait conscient que « basculer d’un modèle d’économie linéaire, aujourd’hui totalement dépassé et symbolisé par le triptyque « produire, consommer, jeter » à un modèle d’économie circulaire, reposant sur le recyclage et la valorisation, n’est plus une option. » Suez nous a d’ailleurs invités à visiter son site. Ces 90 ha clôturés parcourus par des kilomètres de voirie où circulent en moyenne 120 camions chaque jour sont en fonction depuis 1972. 50 % du volume enfoui ici vient des collectivités locales et 50 % des entreprises dont des grands comptes comme Casino, SNF ou RDS, justement collecteur de déchets pour les professionnels.
Suez se prépare à la baisse d’activités de son site
Ses équipements, ses réseaux, sa gestion environnementale – souvent contestée par les milieux écologiques – réclament un entretien fou et permanent. Aussi, les 17 agents qui y sont affectés ne sont pas de trop. Y travaille en fait, sur place, une trentaine d’équivalents temps plein en comptant le gardiennage et les autres entreprises extérieures. Des employés d’Engie, par exemple, affectés à la station de méthanisation valorisant au maximum possible les gaz issus de l’enfouissement. Elle permet de produire l’équivalent de la consommation électrique de 12 500 habitants par an. A laquelle s’ajoute une fonction thermique, plus récente, reliée à Firminy et permettant d’assurer le chauffage de 5 000 personnes par an.
La baisse de l’enfouissement, c’est le sens de l’histoire, on l’accompagne même si cette « solution » ne disparaîtra jamais complètement.
Benoît Zurcher, responsable chez Suez du site de Borde-Matin
« C’est le genre de filières de valorisation que nous avons vocation à développer, comme la valorisation des biodéchets en compostage. Mais oui, d’ici, une dizaine d’années, l’activité du site sera réduite et les effectifs forcément réduits en fonction, reconnait son responsable Benoît Zurcher. Mais parallèlement, le nouveau centre de tri confié à Suez va augmenter notre activité dans le domaine du recyclage sur ce territoire. La baisse de l’enfouissement, c’est le sens de l’histoire, on l’accompagne. Maintenant, même si cette « solution » est obsolète, elle ne disparaîtra jamais complètement. Alors le meilleur déchet, c’est celui qui n’est pas produit. »
Une politique trop attentiste pour les écologistes
Ce n’est pas Julie Tokhi, conseiller communautaire stéphanoise EELV et à Métropole, qui dira le contraire. Mais a-t-elle été réellement convaincue par la majorité sur les bioréacteurs ? « Je comprends davantage la démarche après ces explications, reconnaît celle qui dit bien connaître la problématique des déchets pour avoir travaillé au sein de l’ONG « Surfrider fundation ». Et selon les informations de l’Ademe, l’abandon de bioréacteurs ne devrait pas donner lieu à plus d’odeurs. Nous verrons à la fin de l’été prochain… En attendant, cela signifie que l’on ne se presse pas pour mettre fin à l’enfouissement. »
Nous serons extrêmement vigilants sur les choix : s’il s’agit d’incinération, il faudra toutes les garanties pour qu’il n’y ait pas de rejets dangereux.
Julie Tokhi, conseiller communautaire stéphanoise EELV
Et pour ce qui est d’une nouvelle solution de traitement s’ajoutant au traitement des biodéchets et à l’amélioration du tri ? « Nous serons extrêmement vigilants sur les choix : s’il s’agit d’incinération, il faudra toutes les garanties pour qu’il n’y ait pas de rejets dangereux, qu’ils soient parfaitement filtrés, ni de nouvelles émissions de carbone en raison de l’acheminement des déchets sur ce nouveau site. Sinon, ça n’a pas de sens. » D’une manière plus globale, le camp écologiste estime trop attentiste la gestion des déchets par Saint-Etienne Métropole, qui « affiche une communication sur des objectifs qui ne sont pas les siens à l’origine mais ceux imposés au niveau national par la loi ».