Départementales (1/3) : « La gauche s’est donné les moyens de gagner »
Comment un jeune media comme IF pouvait-il traiter des élections départementales des dimanches 20 et 27 juin ? A la rédaction, on s’est longtemps posé la question. Avec 21 cantons en jeu du nord au sud de la Loire pour en moyenne quatre duos candidats en lice chacun, faire dans l’exhaustivité aurait été mission impossible. Cela aurait donné lieu, aussi, à une succession, disons-le, assommante de 80 articles en un mois et demi… Conscients que nous ne pourrions – hélas – pas donner de la voix à des formations sans étiquette, ou isolées, nous avons pris le parti de nous concentrer sur la stratégie et les objectifs de quatre grandes formations : En Marche, l’UPL, majorité à droite et sortante, le Rassemblement national et l’union de la gauche qui a pris pour nom « La Loire en commun ». Selon un tirage interne (avouons-le, sans contrôle d’huissier !), c’est cette dernière qui ouvre le ban ce mardi 15 juin. Avant l’UPL mercredi 16 puis LREM jeudi 17. Vous ne lirez pas d’article sur le RN. Malgré nos nombreuses sollicitations, le parti n’a pas souhaité répondre à nos questions…
Historique, c’est indéniable. Mais pas pour autant complète. Annoncée le 26 avril en visio-conférence, c’est cependant bel et bien une union très plurielle, placée sous une bannière commune – « La Loire en commun » –, que cinq formations de gauche, pourtant connues pour leurs différents sont parvenues à former en vue des départementales.
Parti socialiste (PS), France insoumise (LFI), Parti communiste (PC), Génération.s et Europe Ecologie Les Verts (EELV) ont réussi à s’entendre dans la Loire pour présenter des duos sous cette bannière dans 20 des 21 cantons. Que leurs composantes soient d’ailleurs encartées ou non dans l’un des partis. Seul le canton du Pilat leur échappe. Mais les signataires de l’accord semblent confiants dans le ralliement du duo engagé par Pilavenir. Si la nécessité devait s’en faire sentir pour former une nouvelle majorité…
Une concurrence à gauche malgré tout dans 8 cantons
Beaucoup plus gênant pour l’union, la présence de cinq duos de candidats EELV lancés dans le scrutin indépendamment de sa bannière : à Rive-de-Gier, Saint-Chamond, Sorbiers, Roanne 1 et Roanne 2. « Au sein d’EELV, les groupes locaux sont souverains vis-à-vis des candidatures des élections. Dans la Loire, ceux du Gier et de Roanne, ont jugé qu’il était pertinent d’y aller seuls au regard des résultats d’élections précédentes. Ce n’est pas le cas des autres dont celui de Saint-Etienne », explique Olivier Longeon, membre de ce dernier.
Rappelons que les élections départementales exigent l’obtention au 1er tour un score de 12,5 % non pas des votants mais bien des inscrits pour être qualifié au second. Et aux verts singuliers s’ajoutent comme concurrents à gauche deux candidatures du PRG (Parti radical de gauche) : à Saint-Etienne 1 et à Saint-Etienne 3. Ainsi qu’à priori, celle de l’ancien maire de Firminy Marc Petit (ex PCF) associé à Stéphanie Gourgaud dans le canton de Firminy.
Objectif : « Mettre fin à 66 ans de règne ininterrompu de la droite »
Ce constat n’enlève rien au fait qu’il n’y a jamais eu un tel rassemblement à l’échelle du territoire. Faisant même dire à Pierrick Courbon, conseiller départemental PS, actuellement à la tête du groupe d’opposition Loire Solidaire que « la gauche s’est ainsi donné les moyens de gagner ». C’était fin mai à la présentation plus détaillée du projet commun aux cinq partis. Leurs représentants locaux y travaillaient depuis cet été. Objectif : « mettre fin à 66 ans de règne ininterrompu de la droite à la tête du Département. »
Il y a une urgence démocratique. Nous y répondons.
Andrée Taurinya (LFI), candidate à Saint-Etienne 6
Pour Andrée Taurinya (LFI, candidate à Saint-Etienne 6), « à situation inédite, une crise sanitaire doublée d’une crise sociale, réponse inédite. Nous avons tous besoin de renouer le lien et nos compatriotes de retrouver la confiance dans la politique. Il y a une urgence démocratique. Nous y répondons. Mais avant de se concrétiser, notre union a été le fruit de l’élaboration d’un programme clair, ambitieux et précis pour répondre aux besoins sociaux. Les compétences du Département le permettent. Nous augmenterons les moyens. »
« Un Département géré à la pépère par la droite »
Le maire d’Unieux, Christophe Faverjon (PCF) est en lice sur le canton de Firminy. Il y forme un ticket avec Anne-Sophie Putot (PCF aussi). Il attaque la gestion de la majorité au niveau de la crise sanitaire : « Le Département n’a pas pris la pleine mesure de la situation. Pas de masques aux collégiens, aucun moyen pour l’enseignement à distance, des directions de foyers de personnes âgées laissées seules et isolées, pas d’aide à la mobilité pour la vaccination… »
Continuer à désendetter au regard de la situation est inapte.
Pierrick Courbon (PS), candidat à Saint-Etienne 3
Pierrick Courbon insiste à nouveau sur ce qui est pour lui « un Département géré à la pépère. Il continue à faire ce qu’il sait faire. La crise exige de sortir des sentiers battus. Car l’urgence sociale arrive. Il y a des plans à actionner. Continuer à désendetter au regard de la situation est inapte. Cette majorité ne rassemble pas. Il y a eu le psychodrame de l’UDI. Et des sortants à elles candidates contre des duos qu’elle a lancés ! »
Un programme qui met le paquet sur le social
Compétences départementales prioritaires – la Loire y consacre déjà 67 % de son budget – et couleurs politiques obligent, c’est le social qui est évoqué en premier question programme par la gauche. A commencer par l’autonomie des personnes âgées et la volonté de développer « les aides sur l’aménagement des logements » ainsi qu’apporter un soutien aux aides à domicile. « Un vrai. Pas la fumisterie électorale de refuser une prime pour annoncer des augmentations qui ne sont que l’application de décisions nationales, cingle Pierrick Courbon. Les Ehpad doivent voir leurs conditions de vie améliorées. Utilisons le service civique pour des visites chez les personnes isolées. »
Quant aux jeunes, « nous militerons au niveau national pour l’extension du RSA aux 18-24 ans, soutient Florent Haspel (Génération. s) en lice avec l’insoumise Andrée Taurinya à Saint-Etienne 6. Il faut aussi amener les gens à solliciter et obtenir leurs droits. Ils représentent 30 % des bénéficiaires. C’est beaucoup par rapport aux 2 à 3 % de fraudeurs. Nous devons inverser l’investissement. » Florent Haspel enchaîne sur la santé avec la proposition d’imiter un Département « qui n’est pas à gauche ». Il s’agit de la Saône-et-Loire et de ses centres de santé itinérants.
La Loire en commun promet la construction de nouveaux collèges
Logiquement, c’est Jérôme Masegosa (EELV) qui prend la parole au sujet de l’environnement. Celui qui fera équipe avec Valérie Atif (PCF) à Saint-Etienne 1 – c’est à dire face, entre autres, à Georges Ziegler et Fabienne Perrin – annonce que « notre budget 2022 s’efforcera d’être 0 impact pour la biodiversité. Ce paramètre conditionnera les appels d’offre et l’accord de nos aides. Le retard sur le développement du vélo sera rattrapé par la voirie, la contribution à des pôles multimodaux. Et dès la fin du mandat, 100 % des cantines des collèges seront bios et locales. »
A propos des collèges, « au contraire d’une majorité sortante qui n’a pas investi, pas même dans des masques », La Loire en commun promet la construction de nouveaux collèges. Mais aussi de créer un pass culture collégien. « Nous travaillerons davantage auprès des enseignants pour relever leurs besoins, ajoute Andrée Taurinya. Ce sera d’ailleurs notre état d’esprit permanent : consulter, partir des besoins. Nous ferons régulièrement des référendums d’initiative citoyenne. » Au niveau des solidarités avec les communes, Christophe Faverjon assure qu’élue, une majorité de gauche troquerait un « saupoudrage clientéliste par un rééquilibrage entre le rural et l’urbain ».
Comment assumer financièrement un tel programme ?
« L’équation budgétaire n’est pas simple. Mais nous refusons nous d’y répondre par un discours décliniste. Le Département n’est pas un guichet administratif. Si on estime que l’on ne peut plus rien faire, on s’en va », répond Pierrick Courbon. Outre l’appel à être plus combatif vis-à-vis de l’Etat pour davantage de prise en charge du RSA au niveau national – c’est 100 % pour la Seine-Saint-Denis – l’union de la gauche estime qu’il y a des dépenses à éliminer. Dans son viseur : des investissements inutiles, à ses yeux, comme les canons à neige de Chalmazel. Ou encore le soutien hors compétence du déficit de l’aéroport de Bouthéon.
« Il y a des décisions courageuses à prendre », tranche Pierrick Courbon. Réendetter par exemple. La Loire en commun assume face à l’urgence sociale et rappelle à ce sujet que le majorité départementale, aussi prudente qu’elle soit, était prêt à le faire pour 130 M€ au sujet de l’A45…