Départementales (3/3) : En Marche veut faire entendre sa voix
Comment un jeune media comme IF pouvait traiter des élections départementales des dimanches 20 et 27 juin ? A la rédaction, on s’est longtemps posé la question. Avec 21 cantons en jeu du nord au sud de la Loire pour en moyenne quatre duos candidats en lice chacun, faire dans l’exhaustivité aurait été mission impossible. Cela aurait donné lieu, aussi, à une succession, disons-le, assommante de 80 articles en un mois et demi… Conscients que nous ne pourrions – hélas – pas donné de la voix à des formations sans étiquette, ou isolées, nous avons pris le parti de nous concentrer sur la stratégie et les objectifs de quatre grandes formations : En Marche, l’UPL, majorité à droite et sortante, le Rassemblement national et l’union de la gauche qui a pris pour nom « Loire en commun ». Selon un tirage interne (avouons-le, sans contrôle d’huissier !), c’est au tour de LREM ce jeudi 17 juin. Vous ne lirez pas d’article sur le RN. Malgré nos nombreuses sollicitations, le parti n’a pas souhaité répondre à nos questions…
Il assure que cela aurait pu être le cas. Le député forézien Julien Borowczyk est le chef de file d’En Marche pour ces élections départementales. Et selon lui, le parti de la majorité présidentielle avait la possibilité, en s’acharnant, d’aligner des duos dans la plupart des 21 cantons de la Loire. « En Marche n’a pas assez de candidats pour jouer un rôle. Cela montre la faiblesse de ce parti », taclait Régis Juanico, député Génération.s et candidat à Saint-Etienne 5, le 26 avril à l’annonce de la constitution La Loire en commun, union de la gauche.
« Sauf que, contrairement à d’autres, nous n’avons pas souhaité avoir des candidats pour avoir des candidats, rétorque Julien Borowczyk. La question s’est posée : il y avait des envies. Nous continuons à nous construire et Rome ne s’est pas faite en un jour. Mais ce parti existe bel et bien dans la Loire avec 400 militants et 1 000 sympathisants. »
Rome ne s’est pas faite en un jour. Mais ce parti existe bel et bien dans la Loire avec 400 militants et 1 000 sympathisants.
Julien Borowczyk, député LREM du Forez, candidat à Montbrison
Sous la bannière « En action pour la Loire »
A des gens forcément encartés, « nous avons décidé de prioriser des candidats bel et bien du canton. Ce qui est loin d’être le cas ailleurs (il n’est pas obligatoire d’être résident d’un canton pour en être un candidat aux Départementales). Comme pour la gauche ou encore le RN qui envoient des personnes hors sol pour former un attelage à tout prix. L’ancrage territorial relève d’une question de crédibilité. » Résultat : sous la bannière « En action pour la Loire », LREM, ou plutôt la majorité présidentielle, est présent dans seulement cinq cantons.
Dont Montbrison où Julien Borowczyk formera son duo avec Carine Gandrey. Pour les autres, il s’agit d’Andrézieux-Bouthéon, de Roanne 1, de Saint-Etienne 1 (celui où le président LR du Département, Georges Ziegler se présente) et du Pilat. « Notre voulons montrer qu’une autre politique est possible par rapport à celle de la majorité en place. » Pourtant, au nom du « refus des étiquettes politiques », Siham Labich (présidente du Modem Loire) et Éric Berlivet (Agir) seront candidats à Saint-Etienne 3, du côté de l’UPL. Donc de la droite malgré le fait que leurs partis soient alliés de la majorité présidentielle, y compris pour les Régionales…
En Marche a peut-être, malgré tout, un rôle à jouer
Bien sûr, sa présence très réduite barre à LREM toute possibilité de jouer la victoire. Mais peut-être pas de jouer un rôle. Ses candidatures amènent cinq formations à être en lice à Roanne 1, quatre dans chacun des autres cantons. Or, dans ces élections, la moindre voix sera chère, très chère. Il faut, en effet, séduire un minimum de 12,5 %, non pas des votants, mais des inscrits afin d’obtenir une qualification au second tour. Le tout dans un contexte où l’abstention risque de battre des records. Pour qui auraient voté, s’ils ne s’étaient pas abstenus, les futurs électeurs d’En Marche de dimanche si leurs favoris avaient été absents dans ces cinq cantons ?
Sans surprise : il n’y aura, en tout cas, aucune possibilité d’alliance lors du « 3e tour », celui qui doit amener les élus à élire un président, si la majorité qui se dégage est portée par Georges Ziegler, assume Julien Borowczyk. « Mais on ne sait jamais ce qui se passera à l’avance. En 2017, avant le « 3e tour« , il n’était pas du tout prévu que Georges Ziegler succède à Bernard Bonne… Personnellement, en tant que député et avec la perspective des législatives 2022, je ne pourrai pas accepter, quoi qu’il arrive, une vice-présidence. »
Pour En Marche, le Département se prive de la main tendue par l’État
Maintenant, sans vouloir « placer à tout prix un de nos éventuels élus, participer à une majorité qui irait dans le sens que nous souhaitons pour la collectivité n’est pas 100 % exclu. Ce qui sera forcément impossible avec le RN, bien entendu. » La probabilité reste infime. Mais en politique… Dans quel sens, justement, la majorité présidentielle souhaite faire évoluer le Département ? Georges Ziegler met a souvent dans son viseur l’État, à qui il reproche de faire tenir ses promesses et leurs conséquences financières aux collectivités.
Julien Borowczyk rétorque, lui, que sa majorité se prive de la main tendue par l’Etat. « Je pense, par exemple, au Spie – service public de l’insertion et de l’emploi – lancé fin 2020. C’est au moins 1,5 M€ dont se prive notre conseil départemental pour mieux accompagner le rapprochement entre demandeurs et employeurs. Il y a d’autres problématiques – formation, santé, mobilité, logement – sur lesquelles le Département pourrait contractualiser et ne le fait pas. L’aide à la reconstruction des Ehpad en particulier, issue du Ségur de la santé. »
Je maintiens que le non versement d’une prime aux aides à domicile appuyé d’un « on a pas le fric », c’était une insulte.
Julien Borowczyk
Sur l’emploi, « le souci, c’est davantage la mobilité que la fraude »
Sur l’emploi encore, « le problème n’est pas la fraude. Sa chasse est d’ailleurs hors compétence du Département. Le souci, c’est la mobilité. Nous proposons une aide de 30 € par mois à l’embauche ou pour un stage afin d’aider à louer de petits véhicules électriques, deux places, sans permis. Le temps que l’on s’insère définitivement. C’est un souci marqué en milieu rural où les transports en commun ne peuvent pas répondre. Quand j’entends : « j’ai dû renoncé à tel stage, tel emploi parce que je n’ai pas de voiture, pas de permis et qu’il faut que je fasse St-Bonnet-le-Château/Montbrison, chaque jour« , c’est du gâchis.»
Et de revenir sur la gestion de la majorité qui ne flèche pas, à ses yeux, son plan de relance de 15 M€ conformément à ses compétences. « Un Département a d’abord à s’occuper du social. Pas directement d’économie. Je maintiens que le non versement d’une prime aux aides à domicile, appuyé d’un « on a pas le fric », était une insulte. » En ce qui concerne les personnes âgées, le médecin généraliste qu’est le leader d’« En action pour la Loire » prône de créer des structures modestes – de 6-8 personnes – dans les petites communes.
« Il s’agirait d’un habitat commun non médicalisé facilitant les tournées des aides à domicile. Cela éviterait un déracinement, une accélération de la dépendance et, en plus, créerait de l’activité, tout en utilisant des maisons de centre bourg vacantes. Ce ne serait pas au Département de tout faire. Le privé s’impliquerait. » Julien Borowczyk pense au modèle des Maisons Marguerite développées en Haute-Loire.
« En action pour la Loire » veut recentrer le Département sur ses compétences
Recentrer les activités du Département sur ses compétences, c’est encore au niveau social, « innover sur le handicap. Nous travaillons à l’Assemblée sur un projet qui permettrait de reconditionner les matériels d’assistance, les fauteuils notamment. Un handicap évolue. Il est dommage de ne pas pouvoir employer un matériel au-delà de son premier utilisateur. A ce sujet, l’Etat et le Département sont partenaires. Une expérimentation du principe, en lien avec des acteurs de l’Economie sociale et solidaire, pourrait se faire dans la Loire. Il y a une filière à créer. Et un système financier à repenser. J’en ai marre de voir des familles vendre des hot-dogs en plus de leur travail pour financer le fauteuil de leur enfant.»
Ce Département est figé et il a besoin d’être plus innovant, estime Julien Borowczyk qui prend pour autre exemple dans ses idées « un développement de stations d’approvisionnement pour véhicules à hydrogène sur sa voirie. Parlons aussi de services médicaux itinérants, comme dans l’Oise, avec nos propres salariés. Cela intéresserait de jeunes médecins, voire certains en fin de carrière. » Coûteux ? « Non, pas forcément. Nous aurions un fort soutien de l’Etat à ce sujet. Car cela anticiperait d’autres dépenses plus fortes. » Bref, face aux problématiques, « soyons dans le coup d’après. »