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Emprunts toxiques : Saint-Étienne à 18 mois d’en finir

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Lundi, le conseil municipal a adopté un protocole transactionnel avec Depfa. Objectif : en finir avec l’ultime emprunt toxique – et pas le moindre – contracté avec cette banque en juin 2007. L’accord, jugé trop avantageux à la partie adverse par l’opposition, reste encore suspendu aux conditions des marchés monétaires des 18 mois à venir…

Plus que toxique, radioactif. Des 15 emprunts à taux variables ayant tant fait couler beaucoup d’encre depuis qu’une certaine crise des subprimes éclatait à l’été 2008, il n’en reste qu’un. Mais pas n’importe lequel. Déjà parce que les 22 M€ levés auprès de la banque germano-irlandaise Depfa en juin 2007 ont cours jusqu’en juin 2042. Ensuite, et surtout, parce que son taux d’intérêt peut désormais devenir complètement fou. À tout moment.

Un taux d’intérêt pouvant atteindre 58 % pour 120 M€ à rembourser !

Depuis l’été 2020, sa formule complexe calée sur l’évolution des rapports entre dollars, euros et franc suisse, peut potentiellement faire monter son taux d’intérêt – cantonné au 0 % jusque-là – à… 58 % ! « Il n’y a pas de plafond fixé. C’est le maximum estimé par nos services financiers », précise le maire, Gaël Perdriau. Ce taux est révisé chaque trimestre en fonction de la formule. Il peut aussi très bien rester à 0 %, comme actuellement. Ou passer à 5, 10 ou 40 %. Le pire scénario ferait cependant grimper le remboursement des intérêts à… 120 M€. Alors qu’il reste 17,5 M€ de capital à rembourser.

La municipalité Maurice Vincent avait assigné Depfa en justice au TGI de Paris en juin 2013 pour cet emprunt souscrit sous Michel Thiollière. Plusieurs tentatives de médiation, suspendant la procédure, ont échoué. La prochaine audience était fixée au 4 mai 2021. Mais mercredi dernier, la banque a envoyé un e-mail à la mairie. L’objet ? La proposition d’un protocole transactionnel.

Le protocole d’accord permettrait d’éradiquer les emprunts structurés. Ils sont passés d’une proportion de 26 % à 6 % de 2014 à 2020.

Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne

« La probabilité de victoire de la Ville au tribunal est très faible »

Les 17,5 M€ de capital restant à payer d’ici 2042 passeraient au taux fixe de 4,7 % (loin des taux du marché actuel, 1 % environ, mais un peu inférieurs à ceux d’il y a 14 ans). Et la Ville verserait 13,19 M€ d’indemnité de sortie. Somme qui correspond aux provisions de sécurité accumulées depuis des années vis-à-vis de cet emprunt et calées sur un taux d’intérêt d’hypothèse fixe, à 4,91 %. « Le protocole d’accord permettrait d’éradiquer les emprunts structurés. Ils sont passés d’une proportion de 26 % à 6 % de 2014 à 2020. » Une baisse de proportion largement initiée par la municipalité Maurice Vincent dont l’élimination des emprunts toxiques (la moitié environ) avait été un des grands fils rouges.

Reste que pour que l’accord puisse être appliqué, et même avec le feu vert du conseil municipal obtenu ce lundi, l’évolution des conditions de marché monétaires doivent être favorables à la banque dans les 18 mois. Gaël Perdriau assure cependant que « Saint-Étienne a peu de chances d’obtenir mieux. La probabilité de victoire au tribunal est très faible, selon nos conseils. En se fiant aux jugements rendus ces 13 dernières années. Et parce qu’en novembre 2008, la municipalité, malgré l’avis contraire de son adjoint aux finances (Jean-Claude Bertrand, NDLR) a refusé une offre de Depfa de passer à un taux fixe de 4,91 %. »

Au final, cet emprunt va coûter plus de 40 M€ dont 25 M€ en intérêts et pénalités aux Stéphanois si on additionne tout : coût de sortie, capital restant dû, nouveaux intérêts à rembourser…

Pierrick Courbon, élu d’opposition du groupe Saint-Etienne Demain

« M. le maire, vous étiez conseiller municipal et avez voté pour cet emprunt toxique en 2007 »

Perdre en Justice amènerait une application du contrat dans les conditions de 2007 et ferait « peser une épée de Damoclès sur les finances municipales », conclut Gaël Perdriau. Pierrick Courbon (groupe d’opposition Saint-Étienne Demain) estime lui que l’accord est trop défavorable à la Ville  : « Au final, cet emprunt va coûter plus de 40 M€ dont 25 M€ en intérêts et pénalités aux Stéphanois si on additionne tout : coût de sortie, capital restant dû, nouveaux intérêts à rembourser… On connaît ce que ça coûte à la Ville. Pas le montant pris en charge par la banque pour sortir de cet emprunt toxique. Et donc si l’accord est équilibré. On sait le minimum, 6 M€. Pas le maximum. Sachant que cette somme est intimement liée au montant de l’indemnité de remboursement anticipé de l’emprunt toxique. »

« Information qui n’est pas dans la délibération. Il semble que vous ayez évoqué environ 35 M€, note Pierrick Courbon. Bref, la Ville s’engage fermement mais on ne connaît pas le montant précis de l’engagement par la banque. Elle se réserve d’ailleurs le droit de ne pas donner suite à cet accord jusqu’en septembre 2022 si le montant total de sa part de prise en charge de l’indemnité de remboursement anticipé était trop important pour elle. »

Nous sommes intervenus régulièrement pour stopper cette fuite en avant. Dont cet emprunt irresponsable.

Olivier Longeon, élu d’opposition du groupe Le Temps de l’écologie

« L’accord est très favorable à la banque »

D’autre part, estime encore l’opposant PS, « il serait bon d’éviter tout triomphalisme, restons modeste : rappelons, M. le maire, que vous étiez conseiller municipal et avez voté pour cet emprunt toxique en 2007. » Une piqûre de rappel également assenée par Olivier Longeon (EELV), du groupe Le Temps de l’écologie qui remonte même jusqu’à mars 2000 pour souligner que les écologistes s’alarmaient alors déjà sur l’endettement croissant de la Ville. « Nous sommes intervenus régulièrement pour stopper cette fuite en avant. Dont cet emprunt irresponsable. » Quant à l’accord proposé, « il est très favorable à la banque. Nous comprenons le besoin d’en sortir. Mais nous aurions aimé que vous ayez eu la même lucidité que nous. »

« Vous me reprochez d’avoir voté cet emprunt ? La vérité c’est que l’ensemble du conseil dont vous M. Longeon, comme d’ailleurs M. Vincent, a voté à l’unanimité en mai 2007 le droit à de M. Thiollière de contracter ces emprunts, rétorque Gaël Perdriau. À l’époque, nous n’avions pas cette visibilité et je vous trouve audacieux, voire même prétentieux de dire que vous réclamiez la sécurisation des dettes dès 2000. Ce type d’emprunt a été pris en 2007 et validé par le contrôle de légalité de la préfecture et du ministère de l’Intérieur. Ce n’est qu’à l’été 2008 que nous avons découvert leur dangerosité. Votre question de juin 2007 portait sur le désendettement. C’est ce que nous faisons avec 83 M€ de dettes en moins depuis 2014. »

Vous me reprochez d’avoir voté cet emprunt ? La vérité c’est que l’ensemble du conseil dont vous M. Longeon, comme d’ailleurs M. Vincent, a voté à l’unanimité en mai 2007 le droit à de M. Thiollière de contracter ces emprunts

Gaël Perdriau
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