Étudiants en médecine privés de concours : ce qui se cache derrière le buzz
L’affaire avait eu un écho national¹. Les étudiants stéphanois en première année de médecine cas contact ou souffrant de la Covid ont été interdits de concours. À une semaine de l’épreuve, la décision a heurté. Mais elle vient du ministère et est valable pour toute la France. Les intéressés sont contraints de redoubler et de jeter leurs efforts considérables aux orties. Jusque-là, l’université leur a pourtant mis à disposition une salle dédiée. IF a essayé de comprendre…
Elle n’était pas spécifique à Saint-Etienne. Le 1er décembre, la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) envoie une note aux facultés de médecine de toute la France. Les épreuves du PASS (Portail accès santé spécifique) déterminantes pour accéder en deuxième année de médecine seront interdites aux étudiants cas contacts ou positifs au Covid. Ce qui entraîne leur élimination immédiate. Leur droit de se présenter deux fois ne sera cependant pas décompté.
Un moindre mal… Il est de notoriété publique que la première année de médecine n’a rien d’une partie de rigolade. La réussite de ce qui est un concours tourne autour de 15 % à Saint-Étienne. Ajoutée à un contexte Covid particulièrement stressant pour des étudiants, isolés, assignés à des cours à domicile, fragilisés socialement – et souvent économiquement – par la situation, la nouvelle d’avoir buché six mois pour rien pouvait paraître quelque peu brutale…
« La faculté de médecine de Saint-Étienne n’y est pour rien »
Mais pourquoi a-t-elle éclaté depuis Saint-Étienne le 7 décembre ? « Dans le calendrier, nous sommes la première fac à passer l’épreuve, les 7 et 8 décembre. Bien avant d’autres. D’où le buzz médiatique depuis chez nous, explique Élouan Morcel, vice-président de la Fasee², lui-même étudiant en 4e année de médecine. Mais la mesure est censée s’appliquer partout. La faculté de médecine de Saint-Étienne n’y est pour rien. Elle nous a prévenu tout de suite. »
Que pense la faculté de médecine cette décision ministérielle ? Le doyen, Philippe Berthelot rappelle son devoir de réserve : « Nous avons des directives, on les applique et ne donnons pas de position. Dans notre cas, même si la communication a été faite immédiatement, on peut comprendre que l’application de la décision, à quelque jours du concours, a heurté des étudiants déjà fragilisés. »
Dans notre cas, même si la communication a été faite immédiatement, on peut comprendre que l’application de la décision, à quelques jours du concours, a heurté des étudiants déjà fragilisés.
Pr Philippe Berthelot, doyen de la faculté de médecine de Saint-Étienne
Si des partiels, examens et contrôles dans les autres facultés ou même dans les années suivantes ont pu être reportés, sinon donné lieu à des sessions de rattrapage pour des étudiants touchés par le Covid, « nous sommes là dans le cas d’un concours : impossible d’effectuer une session de rattrapage plus tard pour des questions d’équité », précise Titouan Riffard, président de l’Adems (Association des étudiants en médecine de Saint-Étienne).
En juin, une salle spécifique réservée aux étudiants concernés
Pourtant, lors de l’épreuve de juin , une salle spécifique avait été bien réservée aux étudiants concernés. De même lors d’examens en présentiels au début de l’automne. Et on peut supposer qu’étudier la médecine suscite le respect d’un protocole strict encadré par des professeurs, eux-mêmes médecins. À ce sujet, la discipline observée par les étudiants à l’occasion des examens est d’ailleurs saluée par Philippe Berthelot, lui-même hygiéniste. Alors, pourquoi n’avoir pas reproduit le schéma précédent cette fois-ci ? « C’est bien ce que l’on essaie de comprendre », commente quelque peu dépité Élouan Morcel.
Contacté, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a répondu par courriel : « L’organisation des examens et concours (…) suit les recommandations de la cellule de crise interministérielle, qui elle-même s’appuie sur l’évolution de la situation sanitaire. C’est ainsi que le protocole sanitaire très rigoureux mis en place lors de la première vague a été reconduit avec quelques aménagements dont, par exemple, la nécessité de garder le masque pendant toute l’épreuve. Il n’y a pas de mesures dérogatoires pour les étudiants qui nécessiteraient d’être isolés à cause de la Covid-19. Le contexte sanitaire actuel n’est pas le même qu’en juin, où nous étions sortis du confinement et où la circulation du virus n’avait absolument rien à voir avec ce que nous voyons actuellement. »
Un absentéisme « similaire aux autres années »
Le ministère ne pouvait cependant « qu’en appeler à la responsabilité individuelle » pour les étudiants qui se savent cas contact ou malades. Mais finalement, rien n’empêchait ces derniers de venir. « La pression des cours avec ses chances limitées est énorme, observe Élouan Morcel. Certains ont très bien pu faire ce choix et je ne suis pas le seul à penser que si j’en connaissais, je ne les jugerais pas ».
Nous n’avons pas pu obtenir de témoignages d’étudiants ayant passé l’examen. Ou restés chez eux pour se conformer à la note. À propos de l’absentéisme constaté les 7 et 8 décembre, la faculté nous informe qu’elle a été « similaire aux autres années ». « Ils étaient un peu moins de 600 à passer cette épreuve. C’est compliqué de donner les chiffres exacts de présence car ils varient déjà d’une année à l’autre, pour toutes sortes de raisons, précise Philippe Berthelot. Cette année, le contexte provoque plus de décrochages. » Et pas forcément parce que l’on a été malade.
Une salle pour ceux ayant des symptômes… en plein examen
Reste un élément. Dans un communiqué, l’université Jean-Monnet précisait : « Comme il était également prévu dans ce texte (la note du ministère, NDLR), pour les étudiants pouvant présenter des signes cliniques (toux, fièvre …) en cours d’examen, une salle dédiée était réservée. » À ce compte-là, pourquoi ne pas avoir accordé la même salle aux cas contacts et Covid avérés ? Le ministère n’a pas répondu à cette question là… Et nous n’avons pas pu savoir si des cas suspects en cours d’examen ont effectivement été constatés à Saint-Étienne.
Au final, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il est possible que personne n’ait eu à souffrir réellement de la situation. « Nous n’aurons pas de retour sur les certificats justifiant un absentéisme avant la fin décembre », annonce Philippe Berthelot.
¹ Certains médias nationaux s’étaient emparés du sujet : par exemple Le Figaro, Le Parisien ou encore LCI.
² Fédération des associations de Saint-Étienne étudiantes. Avec quatre autres associations, elle a publié un communiqué demandant le retrait de la note.