Saint-Étienne
mercredi 24 avril 2024
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Influenceur : le nouveau job étudiant ?

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De l’Élysée au festival de Cannes, ils sont partout. Difficile aujourd’hui de passer à côté des influenceurs. Et comme souvent sur les réseaux sociaux, le mélange des genres règne en maitre absolu. If Saint-Étienne a enquêté sur les jeunes influenceurs ligériens, afin de connaître leur vision du business et de ses dérives, face à une volonté de conserver leur crédibilité là où certains de leurs aînés ont échoué.

Ils utilisent Tik Tok, Instagram, Snapchat ou encore Youtube pour créer du contenu : mode, beauté, fitness, déco, il y en a pour tous les goûts. Apparus sur les réseaux sociaux il y a une dizaine d’années, les influenceurs sont devenus incontournables. Pour preuve, au mois de février, le président de la République lui-même mettait au défi les Youtubeurs McFly et Carlito de regrouper 10 millions de vues sur une vidéo rappelant les gestes barrières. Les humoristes avaient relevé le défi en à peine trois jours, en échange de quoi ils avaient été reçus en mai à l’Élysée, pour réaliser une vidéo aux côtés d’Emmanuel Macron. Plus récemment, c’est l’influenceuse Léna Mahfouf, plus connue sous le pseudo Léna Situations qui faisait une apparition au célèbre festival de Cannes. D’Internet à la célébrité, il n’y aurait donc que quelques marches ? Nous sommes allés à la rencontre des influenceurs stéphanois pour mieux comprendre ce business, les changements qu’ils y apportent, et leur volonté de ne pas se brûler les ailes.

Une ascension rapide

« Je me suis lancée il y a un an et demi sur les réseaux sociaux, se souvient celle qui se fait appeler lise_navy sur Instagram. Avant ça, je suivais des influenceuses, mais je ne publiais pas, mon compte était privé. Je me suis dit pourquoi ne pas essayer. J’ai commencé à poster des photos avec des tenues que j’aimais bien, en identifiant les marques que je portais. Petit à petit, j’ai eu des abonnés, et des marques m’ont proposé des partenariats non rémunérés au départ, mais qui faisaient grandir ma communauté, ainsi que des shootings, car je suis modèle photo à côté. » À 24 ans, la jeune influenceuse vient d’achever son master 2, au sein duquel elle avait pris soin de suivre l’option stratégie d’influence. 

Un chemin vers lequel se dirige également l’influenceur quentin_szt, bientôt 19 ans, qui vient de décrocher son bac et entend poursuivre ses études pour obtenir un master 2 dans le marketing digital. « J’ai commencé à la fin du premier confinement sur Tik Tok, à faire des vidéos, puis je me suis lancé sur Instagram. À 10 000 abonnés, j’ai été contacté par une agence d’influenceurs qui s’occupe de me trouver des partenariats, Agently. Aujourd’hui ces deux comptes regroupent plus de 100 000 abonnés. » Un jeu d’enfants donc, mais qui est pourtant géré de manière très professionnelle. 

https://www.instagram.com/p/CRepr7uJfzB/?utm_medium=copy_link
L’influenceuse stéphanoise s’est spécialisé dans des contenus mode et beauté © lise_navy

Un profil éditorialisé

Plus une communauté est importante, plus les demandes de partenariat pleuvent. Faut-il pour autant dire oui à tout pour attirer davantage de marques ? « J’accepte ce que je veux, je préfère la qualité à la quantité, explique quentin_szt. J’ai travaillé avec des commerces stéphanois comme des salons de coiffure par exemple, mais surtout beaucoup de marques de textile. » Même démarche pour l’influenceuse lise_navy, à qui il arrive de refuser des collaborations qui n’entrent pas dans la ligne éditoriale de son profil. « Il y a tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Je n’accepte pas tout sinon je vais perdre ma crédibilité. Je suis uniquement sur l’univers mode et beauté. Récemment on m’a contacté pour promouvoir un site de rencontres, j’ai refusé, je ne veux pas être vu dans n’importe quoi, même si le tarif proposé est intéressant. » Aujourd’hui, elle s’est séparée de son agence londonienne pour gérer elle-même ses relations avec les marques et développer ses collaborations.

Garder le cap

Des agents qui jouent aussi le rôle de conseil auprès des jeunes influenceurs, pour que ces derniers restent crédibles aux yeux de leurs abonnés. « La volonté de notre agence, c’est de refuser le dropshipping*, explique Louis Carboneill, co-fondateur de l’agence Agently, spécialisée dans le marketing d’influence.. » Car l’activité, qui bénéficie d’un vide juridique, a été éclaboussée par différents scandales : ventes de faux pass sanitaires, enquêtes fiscales, promotion de contrefaçons… « On préfère travailler avec des marques qui fabriquent leurs produits en France, et qui sont en cohérence avec les valeurs de Quentin. Nous faisons particulièrement attention car il est jeune, il ne faut pas qu’il en fasse trop. » Son agent le met également en garde contre les haters, qui peuvent faire beaucoup de dégâts chez les jeunes. Ici, le but est donc de ne pas sortir de l’axe du sport, du divertissement et du textile, sur lequel le profil de son client est positionné, afin de ne pas accepter les partenariats qui ne seraient pas en lien avec cette ligne éditoriale. « Certaines agences se sont un peu grillées en acceptant tout et en en faisant trop, indique l’agent. La fondatrice de l’agence Shauna Events avait de l’or dans les mains, aujourd’hui son modèle ne fonctionne plus. Si dans deux ans, Quentin a 2 millions d’abonnés, il devra rester dans sa lignée et proche de sa communauté. C’est indispensable. »

https://www.instagram.com/p/CNK5v0Nr_Xq/?utm_medium=copy_link
L’influenceur stéphanois passe 2 à 4 heures par jour sur les réseaux sociaux, pour gérer sa communauté et son contenu © quentin_szt

Le nouvel argent de poche

L’agence Shauna Events a été rendue célèbre pour avoir en gestion de nombreux profils d’influenceurs issus de la télé-réalité, et dont les profils sont inondés de partenariats tous azimuts. Mais tous les créateurs de contenu ne vivent pas à Dubaï et ne facturent pas 50 000 euros pour une story, même si les collaborations sont l’occasion de gagner rapidement un peu d’argent. « Lorsque les marques me contactent, j’ai un délai pour faire le post ou la story, dévoile lise_navy. Avec mon nombre d’abonnés, mes tarifs augmentent. Les marques regardent mes statistiques, combien de personnes sont touchées, quel est leur âge, etc. Je facture la story généralement entre 120 et 200 euros. Pour un post, comme cela reste sur le profil, les tarifs vont de 150 à 300 euros. Je n’aime pas quand un partenariat se voit trop, je fais en sorte que cela reste discret et bien intégré à la photo. » C’est également le cas de quentin_szt qui nous confie percevoir entre 100 et 500 euros chaque mois grâce à cette activité. Pour autant, son agent précise que cela pourrait atteindre les 1 500 euros mensuels s’il acceptait toutes les sollicitations et si l’agence n’avait pas pour lui une stratégie qui se construit sur le long terme.

« Un post, selon le profil, peut être rémunéré 30 euros et cela peut aller jusqu’à 700 euros voire bien plus, explique quant à elle Agathe Sivera, experte en social media chez Crown AgencyCela peut aller du restaurant à la boutique de vêtements, il y a même des entreprises qui demandent la présence d’influenceurs à des soirées qu’elles organisent. De notre côté, nous choisissons l’influenceur qui va avec la cible. » Instagram serait-il le nouveau 4 par 3 pour les entreprises ?

Une aubaine pour les marques

Cette mise en avant aux retombées immédiates n’est pas passée inaperçue chez les entreprises qui, quelle que soit leur taille, font de plus en plus appel aux influenceurs. « Notre agence compte 30 talents et 250 influenceurs ponctuels, pour pouvoir répondre à la demande des annonceurs, précise Louis Carboneill. Côté entreprise, les retombées sont incroyables et le rapport qualité prix est excellent. Et pour Quentin, ces posts sont un moyen d’avoir de l’argent de poche, pour réinvestir et créer du contenu. » L’experte en social media chez Crown Agency déclare également que les sociétés y voient une visibilité plutôt rapide, financièrement plus avantageuse qu’une campagne publicitaire. C’est pourquoi elle constate que la pratique tend à se démocratiser, et de nouvelles tendances apparaissent. « Nous arrivons à les orienter vers des influenceurs stéphanois, afin que cela reste vraiment dans du local. Les entreprises ne doivent pas négliger les micro-influenceurs qui ont certes une petite communauté mais souvent beaucoup plus ciblée et engagée. Mais c’est encore difficile à faire comprendre. » Petit à petit, le secteur se professionnalise donc.

Ne pas céder au chant des sirènes

Ces jeunes influenceurs semblent avoir tiré les leçons des profils de certains de leurs ainés, pour qui la télé-réalité a été un tremplin vers l’acquisition d’une communauté importante. « Entre créateur de contenu et une personne issue de la télé, il y a une grosse différence, estime quentin_szt. Je préfère travailler comme ça, la télé-réalité ne m’intéresse pas, ce n’est pas le même métier. » Un point de vue que partage lise_navy qui a décidé de se donner un an pour essayer de devenir modèle photo pour des publicités. « La télé-réalité, cela fait longtemps qu’on me propose d’en faire mais cela ne m’intéresse pas du tout à part peut-être Pékin Express et Beauty Match à la rigueur. Mais sinon, tout ce qui est Les Marseillais ou la Villa des Cœurs brisés, c’est non. On ne dirait pas en regardant les réseaux sociaux, mais je suis assez réservée, et je ne me sentirais pas à l’aise dans ces programmes. » Et si elle ne réussit pas, elle sait que sa grande maitrise des réseaux sociaux et de la gestion de communautés seront un atout dans la recherche d’un emploi dans la communication. 

D’ici là, pas de répit pour les créateurs de contenu, même en été ! « Par jour, je passe entre deux et quatre heures sur les réseaux sociaux, c’est une organisation à avoir, indique quentin_szt. Je filme ma journée, il faut rester actif au maximum, même en vacances. » Des vacances oui, mais sous influence. 


*le dropshipping est une forme de e-commerce par lequel le site vendeur ne possède pas de stocks et fait livrer le client final directement par son fournisseur sans, le plus souvent, que le client ne le sache.

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