La mairie de Saint-Etienne assure que son Plan cancer ne sera pas bradé
Attendue mais retardée par le contexte sanitaire, l’élaboration du plan cancer lancée par la Ville de Saint-Etienne en mai avance. Avant qu’il ne se consacre, en grande partie, aux révélations de Mediapart, le dernier conseil municipal stéphanois a effectué un « point d’étape » sur ce sujet confronté aux critiques de l’opposition. Quant aux réalités budgétaires globales à venir, elles ne l’affecteront pas, assure la mairie…
Aussi médiatique que ce soit, cela ne doit pas occulter l’essentiel, c’est-à-dire de vraies nouvelles mesures de prévention pour les Stéphanois. Mais, après tout, ils apporteraient leur pierre, certes symbolique, à cette politique au cœur d’une démarche qui se veut transversale… Alors, la création de ces espaces publics anti-tabac, piste parmi tant d’autres évoquée au lancement du plan il y a 7 mois ? « Oui, nous avons aussi avancé là-dessus, répond Patrick Michaud, adjoint à la santé de la Ville de Saint-Etienne. Plus que des grandes places comme Hôtel-de-Ville ou Jean-Jaurès, l’idée serait de plutôt de désigner symboliquement « espaces anti-tabac » les abords de nos écoles, nos salles et complexes sportifs, les parcs et jardins en cohérence avec leur fréquentation et leurs activités. »
Signataire en septembre avec huit autres élus de la majorité d’un communiqué lui faisant mettre un pied hors de ce bloc d’élus toujours derrière Gaël Perdriau, le Dr Patrick Michaud s’il n’a sûrement pas besoin de sa délégation municipale pour vivre, entend en revanche mener le travail jusqu’au bout. Pas évident, au regard du contexte de mettre en avant la longue élaboration du Plan cancer. Sa dimension très consultative (population, associations, milieux médicaux, structures éducatives, sportives, municipales…), présentée en mai lors de son lancement, explique le retard pris sur cette promesse de campagne du candidat Perdriau 2020 en raison du Covid. Mais est-ce à une municipalité et ses compétences de se charger directement de la santé ? « Au niveau du développement de la prévention oui, une municipalité est dans son rôle », tranche le maire qui en a fait « une priorité » de son mandat.
« On y mettra les moyens qu’il faut »
Mais les « priorités » qu’affiche celui-ci sont aussi nombreuses à se chevaucher que des plans quinquennaux à l’ASSE. Alors la tempête financière qui s’abat sur les coûts de fonctionnement des collectivités locales comme la Ville de Saint-Etienne ne risque-t-elle pas de rogner les ambitions de cette priorité-là ? « Non, on y mettra les moyens qu’il faut dans le budget prévisionnel 2023, a assuré Gaël Perdriau le 28 novembre en conférence de presse d’avant conseil. Sur l’élaboration et le développement du plan en soit, ce n’est que 75 000 €. Car les initiatives prises seront transversales, intégrées et réalisées par chaque délégation, chaque service. Ils auront des budgets pour. Il y a des choses qui participent déjà et qui seront accentuées, comme la végétalisation des cours d’écoles. Mais effectivement, comme Saint-Etienne n’est pas une île, cela signifie qu’il y aura des choix difficiles à faire. Ce ne sera pas là-dessus en tout cas. »
La prévention est le parent pauvre de la politique de santé en France. C’est en revanche le levier d’actions dans ce domaine d’une municipalité.
Patrick Michaud, adjoint municipal à la santé.
Sept mois après le lancement de l’élaboration, la municipalité a tenu à faire un « rapport d’étape » étayé par Patrick Michaud devant le conseil municipal du 28 novembre, dans une ambiance de faux calme avant la tempête. « L’un des leviers d’action de la municipalité, c’est la prévention. Et on le fait déjà (Bus vaccinal, Bus du cœur, contrat local de santé, etc. Ndlr), a répété l’adjoint. Or, c’est justement cette prévention qui est le parent pauvre de la politique de santé en France. Elle permettrait pourtant de réduire ne serait-ce qu’au niveau des cancers jusqu’à 40 % des cas en travaillant sur les conduites addictives. » Quatre axes de travail ont émergé des groupes de travail et de la consultation initiée lors de cette fameuse journée du 13 mai où des dizaines de personnes sont venues : habitants, membres d’associations, experts et professionnels de santé, élus de « toutes sensibilités » ou encore représentants d’entreprise.
« Le résultat sera perfectible mais sans précédent »
La plateforme de consultation web, elle, n’a en revanche pas connu le succès escompté avec seulement une vingtaine de contributions. Patrick Michaud a synthétisé cette phase en présentant les quatre thèmes qui animeront désormais les groupes de travail et dans lesquelles se répartiront une trentaine d’idées amplifiant souvent de l’existant : 1) « développer un environnement favorable à la santé » (favoriser le sport-santé, une alimentation saine) ; 2) « communiquer davantage sur les enjeux » : le 15 novembre dernier, la Ville a d’ailleurs été récompensée par le Prix Territoria Or dans la catégorie Communication pour ce plan doté de son propre support graphique ; 3) « sensibiliser tous les publics », c’est-à-dire développer une politique de dépistage auprès des plus précaires ; 4) « coordonner une politique territoriale en agissant comme en facilitateur » en allant au-delà des services municipaux via les associations et une charte pour les entreprises.
« Dans ce dernier domaine, se pose par exemple l’enjeu de la réinsertion sociale et professionnelle d’un patient. La tâche, on le voit, est immense et le résultat sera forcément incomplet, perfectible mais sans précédent à cette échelle. L’Institut national du cancer a lancé il y a 15 jours un club des collectivités contre le cancer. Forcément, on a un temps d’avance », souligne Patrick Michaud qui représente aussi Saint-Etienne en tant que membre d’une commission spécifique au sein de France Urbaine, l’association des grandes villes et agglomérations de France.Les fiches actions seront présentées au printemps 2023. En attendant, le rapport d’étape est consultable ici . Ce n’est bien sûr pas le Plan cancer qui attire le plus les foudres de l’opposition, à l’image de la prise de parole en conseil municipal de Jean Duverger du groupe Le Temps de l’écologie : « La générosité du Pr Michaud est intacte et son enthousiasme communicatif. »
Besoin « d’objectifs »
Néanmoins, « des questions se font jour sur la conduite de ce projet opportun s’il en est. Si au plan de la communication il bénéficie d’une couverture efficace, remarquée par l’attribution du Prix Territoria, il n’en va pas de même pour ce qui est de son élaboration. » Le site qui recueille les propositions et contributions ne permettait pas aux contributeurs d’entrer en dialogue, relève l’élue d’opposition. Du coup, « nous regrettons que la mobilisation ne se fasse qu’en direction des convaincus, sans que ces derniers soient mis en position de pouvoir dialoguer utilement sur le sujet ». Aussi, « nous avons suggéré que soit mis en œuvre un accompagnement comparable à ce qui avait été fait pour le grand débat citoyen par votre municipalité ».
Nous regrettons que la mobilisation ne se fasse qu’en direction des convaincus.
Jean Duverger, élu d’opposition (Le Temps de l’écologie)
Il y a, enfin, un problème de comparaison sur ce qui a déjà été fait ailleurs, estime Jean Duverger. « Un intervenant a indiqué que Strasbourg, par exemple, menait une action déjà bien avancée dont on pourrait utilement s’inspirer. Avoir en tête un panel d’initiatives permettrait que l’on puisse, le cas échéant, les adapter à la réalité stéphanoise, de façon à bénéficier plus vite de leurs retombées positives. » Enfin, « nous avons souhaité que ce plan, une fois arrêté dans ses grandes lignes, se voit assigner des objectifs, tant qualitatifs que quantitatifs. Ce serait le moyen de se rendre compte de sa pertinence et de pouvoir en assurer le suivi. Cette façon de procéder permettrait d’en ajuster le déploiement au plus près de la réalité ». Jean Duverger concluait sur le « grand flou » à ses yeux des moyens financiers et humains dévolus à l’ensemble.
« Prix Pinocchio »
Beaucoup plus offensive, même si elle saluait l’association de l’opposition à la démarche et le travail mené par Patrick Michaud, Laetitia Valentin (du groupe Saint-Etienne Demain) émettait de nombreux doutes et réserves adressées à Gaël Perdriau au regard des politiques déjà mises en œuvre qu’elle juge incohérentes avec le plan. Au niveau, listait-elle, « de la politique de l’habitat, de la lutte contre les logements insalubres, sur les déplacements en général pour réduire les émission de CO2 et en particulier votre incohérence sur le vélo, la non gratuité des transports en commun mais aussi du sport scolaire ou encore ce manque de soutien à l’Education populaire ». Bref, elle pense que « c’est ambitieux sur le papier mais encore un outil de com pour l’instant, un slogan, en espérant qu’il ne vous fasse pas obtenir un autre prix Pinocchio ».
C’est ambitieux sur le papier mais encore un outil de com pour l’instant, un slogan.
Laetitia Valentin, élue d’opposition (groupe Saint-Etienne Demain)
Listant à son tour des politiques municipales – « 3e ligne de tramway, acquisition progressive de « bus propres » pour arriver à 100 %, production photovoltaïque accrue, réseaux de chaleur, doublement des investissements dans les écoles » -, Gaël Perdriau disait interpréter cette intervention comme une attaque pleine de « haine » à relier à un autre dossier…