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La sédentarité, cette bombe sanitaire à retardement accélérée par le Covid

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C’est ce que pointe un rapport parlementaire publié ce mercredi autour de l’évaluation des politiques publiques de prévention santé. Le député stéphanois Régis Juanico (Génération.S) a conduit ses travaux ce printemps, aux côtés de la députée de l’Eure Marie Tamarelle-Verhaeghe (LaREM). A la clé, un document de 170 pages assorti de 18 propositions.

Un problème structurel en France renforcé par le confinement réduisant la pratique sportive, augmentant le temps passé devant les écrans.

L’activité physique, véritable médicament en soi, cède le pas à la sédentarité. Et le confinement enfonce le clou d’une tendance structurelle qui conduit plus vite et plus de monde au cercueil. Il y a donc urgence à agir. Voilà les conclusions de la mission parlementaire d’évaluation de la prévention en matière de santé publique. C’est fin 2019 que le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) l’avait inscrit à son programme de travail sur une demande du groupe La République en Marche (LaREM).

Une évaluation étant aussi menée parallèlement par la Cour des comptes, c’est avec l’appui de cette dernière que les rapporteurs du CEC ont choisi de cibler leurs travaux sur le rôle de l’activité physique dans la prévention. Il s’agit du député stéphanois Genération.s Régis Juanico et de Marie Tamarelle-Verhaeghe, députée LREM de l’Eure. De mars à fin juin, quelque 80 spécialistes et acteurs de terrain ont été entendus. Parmi eux par exemple, le Stéphanois Guillaume Millet, professeur des universités à l’université Jean-Monnet, porteur de la chaire ActiFS (Activité Physique Fatigue et Santé). De très nombreuses études se retrouvent dans les 170 pages du rapport.

La sédentarité provoque jusqu’à 50 000 morts par an

En 40 ans, les jeunes français de 9 à 16 ans auraient perdu 25 % de leur capacité physique

Conclusions systématiques : l’activité physique est particulièrement efficace pour prévenir les maladies chroniques, les surmonter. Mais aussi retarder la dépendance des personnes âgées et augmenter « l’espérance de vie en bonne santé ». Le rapport avance que « remplacer 30 minutes de sédentarité quotidienne par 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée réduit de 17 % la mortalité prématurée. Si ces 30 minutes sont employées à une activité d’intensité élevée, la mortalité prématurée baisse de 35 %. Et 30 minutes d’activité modérée par jour (marche d’un bon pas) réduit le risque d’accident cardio-vasculaire de 30 % en moyenne. »

Pourtant, en France, en 40 ans, les jeunes de 9 à 16 ans auraient perdu 25 % de leur capacité physique selon Fédération française de cardiologie (FFC). Et 54 % des hommes et 44 % des femmes de 18 à 74 ans, 17% des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids ou obèses. ce qui va amener un recul de 2,3 ans d’espérance de vie d’ici 2050 selon l’OCDE. En France, on estime à 50 000 chaque année les morts évitables liées aux conséquences de la sédentarité. Or, toujours selon la FFC, en 10 ans, le temps passé par les adultes devant les écrans a augmenté de 53 %.

Confinement : – 59 % d’activité physique chez les ados

Document extrait du rapport.

En novembre 2020, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), de l’environnement et du travail (Anses) a publié une évaluation faisant le rapport entre écran et risque sanitaire. Selon elle, 66 % des 11-17 ans présentent un risque sanitaire préoccupant avec plus de 2 h d’écran et moins de 60 min d’activité physique par jour. 49 % présentent un risque sanitaire très élevé avec plus de 4 h 30 d’écran et/ou moins de 20 min d’activité physique par jour.

L’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps) a publié, en février 2021, les résultats d’une enquête nationale sur les effets du confinement au niveau de l’activité physique ainsi que des comportements sédentaires. 28 000 enfants, adolescents, adultes et personnes âgées ont été interrogées. L’étude montre une diminution d’activité physique de 36 % pour les adultes et de 59 % pour les adolescents (- 42 % pour les enfants ; – 39 % pour les seniors) des classes d’âge analysées.  La baisse est plus marquée chez les adolescents et les plus actifs avant le confinement. L’activité physique a néanmoins augmenté chez les deux tiers des personnes qui étaient les moins actives avant le confinement.

Sédentarité : « Il y a urgence »

La santé des enfants et des adolescents est menacée, leur espérance de vie en bonne santé va se réduire. Outre l’activité physique, la nutrition et le sommeil se dégradent

David Thivel, Laboratoire des adaptations métaboliques à l’exercice en conditions physiologiques et pathologiques (Clermont-Ferrand)

La Fédération française de cardiologie a, pour sa part, publié, en mars une étude sur l’impact du premier confinement en termes cardio-vasculaire et psychologique qui montre qu’après un mois et demi de confinement, 63 % des participants ont rapporté une diminution de leur activité physique ou une dégradation de leur alimentation. Ce qui signifie une aggravation du risque cardio-vasculaire ainsi qu’une prise de poids. Tendance confirmée par une autre enquête (CoviPrev), menée par Santé publique France (SPF) d’avril à mai 2020. Elle fait apparaître que près de 6 personnes sur 10 ont fait moins de 30 minutes par jour d’activité physique pendant le confinement.

Selon l’Onaps, la France ne prendrait dans ce domaine que trop peu d’initiatives et une évaluation imprécise ou inadaptée. Elle se classe 119e sur 146 pays en matière d’activité physique quotidienne des adolescents. Le coordonnateur de l’étude, David Thivel , également entendu par les rapporteurs, a souligné qu’« il y avait urgence (…). Le rôle de parents est essentiel pour montrer l’exemple, puis l’école, le monde associatif, l’échelon local, régional et national (…). La santé des enfants et des adolescents est menacée, leur espérance de vie en bonne santé va se réduire. Outre l’activité physique, la nutrition et le sommeil se dégradent ».

Sport-santé : une organisation et un pilotage jugés confus

Vis-à-vis de la politique de lutte contre la sédentarité, « de nombreuses initiatives sont prises sur le terrain par des acteurs convaincus, dévoués et engagés », soulignent les rapporteurs. On compte par exemple, 110 réseaux sport-santé structurés répertoriés en 2019 . Mais « les plans ne sont pas toujours articulés entre eux et les priorités peinent à se dégager. Il existe peu d’objectifs chiffrés majeurs pour l’action et peu de repères pour mesurer l’impact des actions sur l’état de santé des Français. » Bref, une organisation et un pilotage confus pour des financements du sport-santé difficile à identifier.

Souhaitant mettre un accent particulier sur le rôle de l’école, « socle de la prévention primaire », les rapporteurs soulignent aussi les faiblesses du sport santé dans le milieu scolaire jusqu’à l’enseignement supérieur.

Document extrait du rapport.

La 4e partie du rapport analyse, enfin, les bienfaits de l’activité physique adaptée sur les patients atteints de maladies chroniques mais aussi pour prévenir la dépendance des seniors. Le rapport préconise ainsi de rendre la prescription de l’activité physique adaptée (APA) plus accessible. C’est-à-dire en instaurant une prise en charge, par l’assurance maladie, de la consultation médicale comportant le bilan médico-sportif et motivationnel préalable. Tout en formant davantage à ce sujet les médecins. L’idée serait aussi de faire progressivement des Maisons sport-santé le guichet unique d’accueil, d’information et d’orientation de l’APA dans les territoires. Un fonds de soutien financier leur serait consacré par l’attribution d’une part des taxes affectées sur les paris sportifs.

Document extrait du rapport.

18 propositions pour lutter contre la sédentarité

Reste que globalement, « la prise de conscience quant à la réalité de cette « bombe à retardement » que représente la sédentarité et les actions conduites à tous les âges de vie paraissent clairement insuffisantes », soulignent les auteurs du rapport. Celui-ci est assorti de 18 propositions. Parmi lesquelles :

  • Définir l’activité physique et sportive « grande cause nationale » dès 2022 et en faire une priorité de santé publique.
  • Mettre en place des tests de capacité physique et de forme accessibles à tous notamment à l’école et dans le cadre de l’activité professionnelle.
  • Créer un ministère délégué en charge de la prévention en santé publique.
  • Formuler dans un document unique les objectifs de prévention en santé publique et de lutte contre la sédentarité pour les différentes catégories de population et portant sur les principales pathologies. En réaliser une évaluation annuelle.
  • Inscrire l’éducation physique et sportive dans les compétences du socle commun évaluées dans le Diplôme national du brevet, dans les épreuves du CAP et du BAC.
  • Renforcer l’éducation physique et sportive au lycée en passant de deux heures à trois heures obligatoires par semaine.
  • Intégrer la pratique de l’activité physique effective de 30 min par jour et la nécessité de bouger toutes les 30 minutes dans la formation des enseignants.
  • Doter les médecins et infirmiers scolaires des outils nécessaires, partagés et interopérables, pour suivre la santé des élèves tout au long de leur scolarité.
  • Généraliser le dispositif des « 30 minutes d’activité physique par jour », à l’école et dans les établissements scolaires, en complément de l’horaire d’EPS.
  • Elargir le « Pass’sport » aux jeunes jusqu’à 20 ans, aux fédérations sportives scolaires et le pérenniser.
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