Saint-Étienne
vendredi 19 avril 2024
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Le conseil municipal de Saint-Etienne aura de douloureuses décisions à prendre à la rentrée

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Une saine gestion qui permettra de faire face plus sereinement aux dures réalités à venir ? Ou un attentisme, voire une dénégation des priorités qu’impose le contexte ? Le vote des comptes administratifs 2021 au conseil municipal de Saint-Etienne lundi a été l’occasion d’opposer la vision de la majorité à celle de l’opposition au regard de l’explosion amorcée des coûts de gestion et d’investissement. Une chose cependant les met d’accord : il y aura des choix douloureux à faire à la rentrée. Dont reporter sinon abandonner des projets d’investissement.

L’impact de inflation des coûts vaut déjà une décision modificative au budget primitif 2022 sur le fonctionnement de près de 5 M€ .

On connaît la chanson. Mais il faut reconnaître qu’elle en impose… 14,5 M€ : c’est ce que depuis 2014 la Ville de Saint-Etienne a perdu, chaque année, en recettes de la part de l’Etat (sur les dotations). Adjointe municipale chargée des finances, Nora Berroukeche tenait, une fois de plus, à la signaler, au moment de voter le compte administratif 2021 de Saint-Etienne. C’est-à-dire l’arrêté des comptes communaux tel que réellement réalisés par rapport au budget primitif voté, lui, le 22 mars 2021. L’occasion, lundi, au conseil municipal pour la majorité de mettre, à nouveau, en avant ce qu’elle estime être une gestion « rigoureuse » et « maitrisée » des finances publiques lui permettant, sans augmentation des taux d’imposition (ce sera le cas cette année en revanche via Métropole), une hausse des investissements qualifiés « d’ambitieux » tout en continuant à désendetter.

Débarrassée de son dernier emprunt toxique, la dette nette du budget principal de la Ville est en effet passée de 263,143 M€ fin 2020 à 255,606 M€ fin 2021 (- 17,3 M€ depuis le début du mandat). L’encours net par habitant tombe à 1 454 € malgré un recours à 11,9 M€ d’emprunts nouveaux et les conséquences financières liées, comme en 2020 au Covid : entre dépenses supplémentaires et perte de recettes. Le compte administratif 2021 fait apparaître un résultat de clôture de fonctionnement largement positif s’élevant à 51,838 M€ (336,78 M€ de recettes pour 284,94 M€ de dépenses). En investissement, le résultat de clôture s’élève à – 23,647 M€  (98,21 M€ de recettes pour 121,92 M€ de dépenses). Le solde des restes à réaliser (RàR) s’élève, lui à 4,833 M€. En synthèse, l’excédent global de clôture, restes à réaliser compris, s’élève à 33,024 M€.

28,4 M€ de 2021 à réaffecter

Le montant total des dépenses d’investissement réalisées en 2021 à 43,2 M€ dont 26,2 M€ sur des projets. L’épargne brute s’élève à 33 M€ en 2021 contre 32,6 en 2020. L’épargne nette se stabilise, elle, à 11,8 M€. En conséquences, il a été proposé à l’assemblée d’affecter à l’investissement près de 28,4 M€. L’ensemble des groupes d’opposition a voté contre le compte administratif 2021. Saint-Etienne Demain, par exemple qui ne partage évidemment pas l’analyse positive de la majorité. Si son groupe se félicite de « la baisse relative de la dette », son conseiller François Boyer souligne que « l’épargne nette est en léger recul à – 0,28 % et que, surtout, le résultat de clôture recule de 6 M€. Contrairement à ce qui est mentionné dans l’introduction où vous prenez en référence l’année 2019, l’investissement baisse de 11 M€ au regard du budget 2020. »

Nous notons une forte augmentation des emprunts pour investir. 

François Boyer (Saint-Etienne Demain)

L’élu d’opposition ajoute que si « les dépenses en conservation sont stables, ceux d’équipement passent de 39 à 26 M€ en raison d’une baisse sensible des recettes propres d’investissement sur les subventions 28 à 14 M€. Côté recettes, le volume des contributions directes augmente de 7 % contrairement à ce que vous dites. C’est un effort financier supplémentaire pour nos concitoyens à souligner au regard du contexte. Notons aussi, une forte augmentation des emprunts pour investir : + 30 %, la part des ressources propres en subventions diminuant. Il y a enfin, la hausse des charges de fonctionnement courantes notamment à caractère générales de 3,35 %, prémices de l’année difficile qui nous attend. Particulièrement quand on sait que des dépenses fluides, en raison de gros retards de facturation, ont été reportées alors que la flambée des cours n’a pas été inscrite au budget primitif 2022. »

« Une gestion sans priorité décisive affichée »

Nora Berroukeche répondait en assurant que François Boyer avait mal lu, sinon pas lu du tout son rapport : « Le comparatif est bien sur 2020, pas sur 2019. Vos chiffres sont erronés. Et s’il est vrai que les recettes fonctionnement augmentent, cela est le cas aussi et plus vite avec les dépenses en raison du Covid, des recrutements et achats ou encore des augmentations liées au Ségur. Ces dépenses supplémentaires ont eu leur impact oui, sur les charges de fonctionnement. » Et pour la dette et l’investissement ? « Le recours à l’emprunt a certes augmenté en 2021. Mais je le redis, le désendettement est de 7,5 M € en 2021, de 17,3 depuis le début de ce mandat ! » L’adjointe aux finances ne souhaitait pas aller plus loin dans sa réponse. L’assemblée n’en avait pourtant pas fini sur les questions de finances.

Ces dépenses supplémentaires ont eu leur impact sur les charges de fonctionnement

Nora Berroukeche, adjointe municipale chargée des finances

La délibération suivante consistait en une décision modificative sur le budget primitif 2022 découlant justement des comptes administratif 2021 : l’affectation des RàR et les recettes restant à recouvrer en investissement ainsi que les résultats comptables de l’exercice 2021 et leur affectation. Jean Duverger (Le Temps de l’écologie) est alors intervenu pour parler « d’une gestion budgétaire » appliquée mais « sans priorité décisive affichée ». Or, « on assiste à la lente érosion des marges de manœuvre qui s’amenuisent. L’épargne nette diminue, très faiblement, j’en conviens : – 0,28 %. Mais elle ne progresse plus. » Pour l’élu d’opposition, « face à l’inflation, nombre croissant des avenants pour hausse des prix qui sont examinés en Commission d’appel d’offres l’atteste sans conteste possible. Et les contrats négociés pour l’achat d’énergie vont devoir être renégociés dans une perspective de très forte hausse. »

Les conséquences de l’inflation se font déjà sentir

Alors, les écologistes le redisent : « Il faut se préparer à réviser drastiquement nos priorités, en privilégiant, la solidarité indispensable au bien être, et à la recherche urgente de tout moyen permettant de faciliter l’adaptation de notre ville au changement climatique à l’œuvre de manière aujourd’hui, très perceptible. Cela va se traduire par une hausse de la section de fonctionnement. Et à des choix drastiques à faire dans la section d’investissement en privilégiant tout ce qui doit rendre la ville plus résiliente. Tout ce qui permettra de réaliser des économies d’énergie, de faire baisser la température « intra-muros ». Je pense aux travaux d’isolation, à la végétalisation, à la réduction du trafic routier, à l’amélioration des dessertes des transports publics, etc. Or, la décision modificative qui nous est proposée, de ce point de vue, pour être charitable ne modifie rien de manière radicale. »

Il faut se préparer à réviser drastiquement nos priorités.

Jean Duverger (groupe Le temps de l’écologie).

Pour Jean Duverger, Saint-Etienne est en retard, « très en retard même » par rapport à ce qui est mis en œuvre en France et en Europe pour préparer les villes à s’adapter. Pierrick Courbon du groupe Saint-Etienne Demain, en rajoutait une couche : « Cette décision propose 5,3 M€ supplémentaires en fonctionnement dont 500 000 liés aux matières premières, au gaz et carburant. Il y a le contexte oui. Mais lors du budget primitif, nous avons signalé le manque d’anticipation sur l’envolée des prix des fluides. Vous aviez répondu que nous étions sur des contrats garantissant des prix fixes au moins jusqu’en 2023. »

Les contrats d’électricité et de gaz bientôt à échéance

De quoi pousser Pierrick Courbon à une série de questions : « Comment expliquez alors cette nécessité de crédits supplémentaires ? Et négociez-vous les contrats avec les opérateurs ? Quelles tendances ? On risque un mur budgétaire. Et parallèlement, pourra-t-on tenir la politique tarifaire des cantines ? Y aura-t-il des hausses de tarifs municipaux à la place de la stabilité des taux d’imposition ? L’inflation des matières premières va-t-elle vous pousser à revoir votre plan d’investissement annoncé il y a quelques mois ? »

Cette décision propose 5,3 M€ supplémentaires en fonctionnement.

Pierrick Courbon (Saint-Etienne Demain)

Nora Berroukeche répondait la première : « L’épargne nette est bel et bien stabilisée, M. Duverger. Et celle brute augmente. L’ajustement des factures d’électricité dans la décision modificative correspond au fait que les factures de fin d’année arrivent sur les consommations, d’où un réajustement sur 2022. Mais il ne s’agit pas du tout du prix de l’électricité. Le contrat arrive là, à échéance fin 2022. Pour le gaz, c’est fin 2023. Nous allons négocier et oui être impactés par des hausses comme pour bien d’autres choses actuellement sur le quotidien, comme l’achat de vêtements de travail par exemple : on y fait déjà face via cette décision modificative. » Sur l’ajustement éventuel de décisions autour de l’investissement et, plus globalement, au sujet de la situation générale, le maire Gaël Perdriau prenait la parole.

Des décisions douloureuses annoncées pour la rentrée

La gravité perceptible dans le ton et dans les propos en soi annonce que des décisions difficiles sont à attendre : « Il est certain que la situation de la période qui s’ouvre devant nous, va nous imposer des décisions. Saint-Etienne n’est pas une île. Notre chance, c’est que nous sommes parvenus à assainir ses finances : ses fondamentaux n’ont jamais été aussi bons et l’endettement jamais aussi bas. Mais ne me confondez pas avec mon prédécesseur (Maurice Vincent, Ndlr) : la gestion financière n’est pas pour moi une obsession, un but en soi mais un moyen. Un outil pour aménager au mieux la Ville et que les Stéphanois vivent mieux. Je me moque que notre ville soit la mieux gérée de France, je ne suis pas le banquier de la Ville de Saint-Etienne. Cet assainissement permettra cependant d’aborder la période difficile qui arrive avec sérénité. » Car oui, avec une inflation historique à 6,2 % avant même la mi-année, Gaël Perdriau s’associe à ces « inquiétudes ».

Le plan pluriannuel d’investissement (PPI) sera révisé au fil de l’exercice.

Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne

Et oui encore, il y aura des conséquences sur les « coûts d’achat, les taux d’intérêt avec des banques qui commencent à imposer aux collectivités pour leurs prêts des taux variables indexés sur l’inflation. Sans oublier le point d’indice des fonctionnaires que le gouvernement fait progresser ». Ce contexte tendu, reconnaît le maire, amène déjà à réfléchir à des arbitrages. « Nous y travaillons et des décisions à la rentrée seront prises. On ne peut pas faire comme si rien ne se passait. » L’inflation, la situation internationale, le retour du Covid… Tout cela débouchera fatalement sur « renoncements ou décalages dans le temps de nos projets. Cette décision modificative sur le budget 2022 en appellera sans doute d’autres. Et le plan pluriannuel d’investissement (PPI) sera révisé au fil de l’exercice. On s’adaptera. Mais on fera tout pour protéger les Stéphanois et notamment les plus modestes. » Avis de tempête. Bon été à tous…

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