Les orientations budgétaires de Saint-Etienne, elles non plus, ne font pas rire
Un ton en dessous en termes de tension que la polémique autour du festival ArcomiK, le Débat d’orientation budgétaire (DOB) a néanmoins tenu son rang dans les échanges du conseil municipal fleuve de lundi (8 h 15). Un exercice préparatoire au vote du budget primitif prévu en mars. La majorité annonce 50 M€ d’investissements en 2022 et met en avant une situation financière « historiquement saine ». L’opposition dénonce une absence réelle de vision et un dédain pour les réelles problématiques… Plongée dans le débat.
Voilà qui les mettra probablement tous d’accord. « Dans le cadre de la présidentielle, ce que nous réclamons à l’Etat via France Urbaine et l’AMF, c’est de la stabilité ». Le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau parle là de visibilité budgétaire. Depuis 2014, c’est un total cumulé de 130 M€ de DGF (dotations globales de fonctionnement) « pourtant justifiées par la délégation de compétences étatiques », tient à souligner Gaël Perdriau qu’a perdu une Ville comme Saint-Etienne. La suppression de la taxe d’habitation est actuellement compensée. Gravé dans le marbre ? L’exemple de la taxe professionnelle peut inviter à pronostiquer le contraire…
La prudence, c’est ce qui guidera la Ville en 2022 comme en 2021.
Nora Berroukeche, adjointe au maire en charge des finances.
Alors Nora Berroukeche, adjointe au maire en charge des finances, dans sa présentation du Débat d’orientation budgétaire lâche d’emblée le mot d’ordre : « prudence ». « C’est ce qui guidera la Ville en 2022 comme en 2021 ». Le Covid pèse pour beaucoup dans ce contexte façonné par les inconnus : en 2020, il a été responsable d’un surcoût de 8,2 M€, quasiment que du fonctionnement. L’an passé, c’était encore 4 M€ entre protocoles, masques, gels, dispositifs dans les Ehpad, soutien aux étudiants, aux associations culturelles, sportives, caritatives. Ou encore coups de main à l’Etat, « non compensés », resouligne Gaël Perdriau, pour le vaccinodrome en particulier.
Le désendettement de la ville se poursuit
Selon un graphique vu dans la présentation, l’épargne nette, du moins celle « retraitée des provisions » devrait ainsi continuer de légèrement baisser selon les tendances, elle qui a reculé de 2020 à 2021 de 10 à un peu plus de 8 M€ après une hausse en 2018 et 2019. Un niveau cependant jugé « satisfaisant » par la majorité. Contrairement à Saint-Etienne Métropole qui le justifie par une hausse spectaculaire de ses investissements, toujours pas d’augmentation d’impôts communaux au programme cette année. Malgré cela, la dette, elle, désormais débarrassée de ses emprunts toxiques, va continuer de reculer : – 1,5 M€. A un rythme cependant bien moindre que la cadence moyenne des dernières années. Depuis 2014, le désendettement cumulé totalise en effet 73 M€.
Néanmoins, l’investissement annoncé sera tout de même supérieur en 2022 à celui de 2021 : 50 M€. A ce stade de la mise en œuvre, celle prévisionnelle, du budget, si des projets spécifiques à 2022 ont été énumérés délégation par délégation, peu de chiffres affectés à ces derniers ont été donnés. Pierrick Courbon, élu PS d’opposition du groupe Saint-Etienne Demain prenait le premier la parole en attaquant la hausse fiscale de Saint-Etienne Métropole, « présidée par un certain Gaël Perdriau et qui pèse bien sur les Stéphanois. En tant que maire, vous venez valider notre analyse en écrivant que la hausse des prélèvements viendrait pénaliser les ménages les plus modestes. Dommage que le président de Métropole ne partage pas cette analyse. »
« Il n’y a pas de cap, pas d’orientation »
Tout cela procède d’une logique hypocrite et socialement injuste.
Pierrick Courbon, élu d’opposition Saint-Etienne Demain
Pierrick Courbon pointe aussi « la hausse de 2 % des tarifs municipaux et son impact non anodin pour le budget des Stéphanois, surtout qu’à part pour ceux indexés sur le quotient familial, ce n’est pas progressif comme l’impôt. Tout cela procède d’une logique hypocrite et socialement injuste ». L’élu d’opposition ajoute à ses critiques le climat social au sein du personnel municipal lié au passage aux 1 607 heures avec un mouvement dans les crèches, et celui qu’il estime « historique » de la police municipale. Quant aux investissements, si le peu de chiffres est certes « logique à ce stade, il n’y a pas de cap, pas d’orientation. On ne sait pas où vous voulez aller. Mettre à toutes les sauces bien-être social et développement durable ne garantit rien. »
Derrière « les opérations de communication », la « lenteur de déploiement » du plan de mandat surprend l’élu. « En santé, la concrétisation du plan cancer tarde comme celle de cœur d’Histoire, avec une rénovation de Waldeck-Rousseau par exemple repoussée. » De même « pour la formation de la foncière sur le commerce », « le plan vélo », « les constructions d’école qui semblent se réduire par rapport aux ambitions de campagne, comme celles des gymnases ». Enfin, « la sécurité est mise au second plan alors qu’il ne faut pas relâcher comme la réalité le rappelle jour après jour ».
« La prudence affichée est un prétexte »
Au nom du groupe Le temps de l’écologie, Jean Duverger (Génération Écologie) voyait, lui dans la prudence affichée « le prétexte pour s’interdire de rompre avec une logique qui n’est plus de mise. La relance de l’activité économique ne suffit plus. Elle doit être conditionnée expressément par le respect de règles environnementales strictes. » L’élu écologiste s’agace ironiquement des économies soulignées par la majorité sur les postes gaz et électricité grâce à « des conditions climatiques favorables ces sept dernières années ».
Il est temps de changer de braquet au risque de compromettre irréversiblement l’habitabilité de la ville.
Jean Duverger, élu d’opposition Le Temps de l’écologie
« Oui, effectivement, les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais constatées ! » Or, ces 7 années correspondent presque exactement à la durée de la majorité Perdriau, pointe Jean Duverger. « Comment avez-vous anticipé ? Comment avez-vous préparé la ville à faire face ? Les arbres en pot et les brumisateurs, mobilisés en urgence l’année dernière, ne peuvent plus faire illusion. Il est temps de changer de braquet au risque de compromettre irréversiblement l’habitabilité de la ville. »
« L’épargne nette sera finalement supérieure à 2021 »
Et Jean Duverger de citer l’exemple de Grenoble pour illustrer des « alternatives crédibles ». « Il est en effet possible de ne pas se plier aux diktats d’une soi-disante “saine gestion néo-libérale“. On peut faire autrement. Les effets d’annonce, la communication ne suffisent plus à masquer le considérable retard pris dans ce domaine par notre ville. Il faut maintenant agir. » Voilà pour l’utilisation de l’argent : il manque la pièce centrale à ses yeux au sein « d’un puzzle de projets dont on a du mal à discerner la cohérence ».
Pour ce qui est de l’état des finances, l’élu d’opposition note dans le rapport transmis « une lente érosion de nos marges de manœuvre avec, si j’en crois les chiffres que vous donnez, une érosion de l’épargne nette qui diminue de 1,245 M€. Elle passe de 38,445 M€ à 37,2 M€. Elle avait dans le rapport de l’année dernière déjà baissé de 1,050 M€. » L’adjointe en charge des finances Nora Berroukeche, devait lui répondre que les chiffres qui lui ont été communiqués dans le Débat d’orientation budgétaire ne permettent « en aucun cas de calculer une épargne nette. Je ne comprends pas que vous en parliez alors qu’avec les chiffres dégagés aujourd’hui, il est impossible de parler d’une épargne nette. Je vous donne rendez-vous au mois de mars et vous pourrez constater que l’épargne nette est supérieure à 2021. »
« La crise sanitaire a retardé le déploiement du plan de mandat »
A propos de finances, dans sa longue réponse à ses adversaires, Gaël Perdriau, rétorquait, entre autres que les finances de la Ville sont « historiquement saines. La dette n’a jamais été aussi basse depuis 40 ans ». Vis-à-vis de la fiscalité, le maire-président se défend toute schizophrénie. « La hausse de Saint-Etienne Métropole va permettre de doubler les investissements donc les services aux Stéphanois. Elle pèse pour les deux tiers sur les entreprises, un dernier tiers sur les ménages les plus aisés. »
Vous êtes vraiment les derniers Mohicans à ne pas voir la ville changer et progresser.
Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne
Dans ce contexte, il estime que « vous êtes vraiment les derniers Mohicans à ne pas voir la ville changer et progresser. Alors certes, comme ailleurs, la crise sanitaire entraîne un retard dans la mise en œuvre de beaucoup de choses. Justement, entre autres, parce que nous ne renonçons pas aux concertations des habitants, forcement repoussées ». Enfin pour l’environnement, « vous nous donnez l’exemple de Grenoble. Je préfère cent fois la qualité de notre air à celle de cette ville ou celle de Lyon (elle aussi tenue par des écologistes, Ndlr) ».