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mercredi 24 avril 2024
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Les réalités budgétaires n’épargnent pas le Département de la Loire

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La vraie question, c’est comment doit-on, sinon devait-on, préparer un avenir dont le caractère incertain fait, lui, l’unanimité ? Par la prudence ou une relative mais davantage prise de risque ? C’est la ligne de partage entre majorité et opposition sur le débat d’orientations budgétaires, principal sujet à l’ordre du jour du conseil départemental de la Loire vendredi. Comme ailleurs, les dépenses de fonctionnement augmentent, la capacité d’autofinancement s’effondre. Mais comme ailleurs aussi, l’investissement n’est pas – pas encore – sérieusement touché…

Image par Steve Buissinne de Pixabay.

Le plus dur, paraît-il, ce n’est pas la chute mais l’atterrissage. A ce stade, celui du Débat d’orientations budgétaires (DOB) 2023, il n’y a guère que des projections dont l’exactitude –  l’atterrissage donc – se vérifiera en fin d’année et dépend d’inconnus. Comme jamais d’ailleurs. En 2022, la réalité des comptes administratifs avait, elle, donné des résultats nettement plus positifs que la théorie présentée, elle aussi, en février. De quoi se donner – un peu – de baume au cœur quand on tombe sur le graphique d’évolution de l’épargne du Département de la Loire. En augmentation constante de 2017 à 2021, l’épargne nette passée dans ce laps de temps de 27,8 M€ à 65,8 M€, si capitale pour l’autofinancement de l’investissement et donc l’obtention des prêts qui l’accompagne, devrait subir une chute vertigineuse : 64,7 M€ actés en 2022 pour… 1,9 M€ en 2023 si ces orientations budgétaires s’avéraient exactes.

Infiniment plus violent que la pourtant impressionnante claque de – 66 % que s’attend à subir, elle, la Ville de Saint-Etienne. Le président du Département, Georges Ziegler voit dans les incertitudes de l’année à venir, le manque de visibilité, le contexte autour des ressources potentielles, des dépenses de fonctionnement à assumer s’alourdissant, la parfaite justification de sa « prudence » financière appliquée au conseil départemental depuis qu’il en a pris la tête il y a plus de 4 ans. Et assume sa préférence pour le pessimisme même si « la République des communes » tel qu’il définit le Département sera encore en mesure de proposer un investissement, certes en recul, mais relativement fort : près de 98 M€ (dont la voirie capte à elle seule 28,16 %, la coopération territoriale 25,45 %, l’Education 17,54 %), profitant avant tout aux projets municipaux, note-t-il, rappelant ce sondage sur le budget 2021 où « 84 % des mairies disaient qu’elles n’auraient pas investi sans notre aide. Derrière, le travail qu’elles commandent profite avant tout à l’économie locale. ».

Le désendettement se poursuit

Bon nombre d’entre elles ont d’ailleurs renoncé à leurs projets 2022, ajoute le vice-président aux finances Hervé Reynaud malgré ces mêmes subventions tant le contexte se tend. Le budget investissement du Département s’est élevé à 110 M€ en 2021 – dont 15 du plan de relance – comme en 2022. Pour atteindre 98 M€, les orientations budgétaires 2023 prévoient un recours à l’emprunt dont le Département n’avait eu finalement nul besoin l’an passé. Cette fois, c’est une sollicitation significative des banques de 20 M€ qui est projetée. Mais pas de quoi faire descendre Georges Ziegler de son cheval de bataille : le désendettement. Encore 13 M€ devraient être soustraits de l’ardoise des Ligériens cette année après le délestage historique de 33,45 M€ en 2022. Si 2021 avait fait exception – conséquence « covidienne », elle avait alors grimper de 5,71 M€ -, la dette est en recul à chaque exercice depuis l’exercice 2018 : – 46 M€ cumulés pour atteindre un encourt théorique 2023 de 275,88 M€. Il faut remonter à 2008 pour faire (légèrement) mieux.    

Bref, au prix d’une capacité de désendettement qui perd brusquement son caractère confortable en passant de 2,9 ans à 7,9 ans cette année (bien en dessous de la cote d’alerte cependant), ça passe. Du moins théoriquement. Encore et toujours. Mais après ? Le Département de la Loire pourra-t-il continuer à investir et donc faire investir, s’il ne peut pas rétablir une épargne nette solide, d’autant plus avec la hausse des taux ? L’exécutif n’en sait rien justement puisqu’il dénonce l’incertitude dans laquelle il est plongé comme jamais. Et pas seulement à cause de la situation internationale, l’inflation ou encore les pronostics macro-économiques fébriles sur lesquels se base tout exercice de finance publique. Hervé Reynaud à la lumière de Cahors et autres contrat de confiance, de « défiance », préfère-t-il dire, cet encadrement imposé par un Etat si mal placé pour donner la leçon puisqu’il emprunte pour faire tourner son fonctionnement (heureusement interdit pour les collectivités locales), craint qu’il ne tombe encore du ciel quelque chose sur la tête du Département.

Recettes : le Département n’a plus la main

« A chaque évolution, chaque réforme, on nous assure que les financements seront maintenus. Comme avec la DGF (majeure partie des dotations d’Etat) qui recule pour la 3e année consécutive d’1 M€ alors qu’elle était annoncée comme stable.» Car l’augmentation des dépenses de fonctionnement, elle, ne fait pas doutes. Elles devraient passer (hors dette) de 723 M€ actés en 2022 à 751 M€ en 2023. Elles sont alimentées par les augmentations décidées par le gouvernement – « dont nous ne contestons pas la nécessité mais le financement qui nous revient » – du Ségur, des accords Laforcade, des différentes hausses du Smic, du RSA, du point d’indice des fonctionnaires (+ 11,5 % de masse salariale). Par l’inflation aussi et évidemment touchant achats et fluides. Pour ce qui est du nouveau contrat d’électricité 2023, valable un an, c’est + 30 %. On verra où en est le niveau de gaz à la fin du contrat actuel en 2024…

Et la proportion des dépenses sociales dont les augmentations sont plus que souvent à la charge du Département à l’exemple symptomatique et chronique du RSA (2022 exceptée ?), poursuit son expansion : ce sera 65,7 % contre 63 % l’an passé. + 3,6 % pour la hausse du budget fonctionnement face à une projection beaucoup plus incertaine, elle, de + 3,6 % des recettes de fonctionnement. Car après la taxe foncière, voilà le Département privé de la CVAE (impôt sur les entreprises) à partir de 2023 à laquelle se substitue une fraction compensatoire de TVA, compensation à la stabilité promise par un Etat dont on connaît bien la lourde ardoise quand il s’agit d’honorer des promesses… La fiscalité directe du Département se réduit désormais à 6 % de ses recettes de fonctionnement (47,8 M€ sur 793,6), celle indirecte sur laquelle la collectivité n’a aucune maîtrise pèse désormais 65,6 %.

2022, « l’année des occasion manquées »

Dans cette part, les DMTO (Droits de mutations à titre onéreux), notamment. Taxe fixe sur les transactions immobilières qui dépendent donc de l’état du marché. Elle a été la bonne surprise des années passées : 89 M€ en 2020, 115 en 2021 pour 79 prévus, 123 encore en 2022 contre 113 prévus. Pour 2023, le ralentissement économique et la hausse des taux incitent le Département à miser sur un recul de 13 % que la baisse de 12 % sur ce seul mois de janvier semble justifier. Qu’en sera-t-il au bilan de fin d’année ? Ces interrogations, ce contexte toujours plus contraint, Pierrick Courbon, président du groupe de gauche la Loire en commun, ne le conteste pas et dit les prendre en compte dans ses critiques qui amènent les élus de l’opposition a voté contre ces orientations budget. Même « s’il a fallu attendre des décisions nationales pour des augmentations de traitement que nous appelions de nos vœux depuis longtemps. Ce qui montre un Département trop peu volontariste à ce sujet ».

Zéro emprunt l’an passé puis 20 M€ projetés en 2023 avec des taux considérablement plus hauts : le choix est critiquable. 

Pierrick Courbon, président du groupe de gauche la Loire en commun

Le conseiller PS note cependant qu’au sein de ces orientations budgétaires, qui plus est prudentes, la hausse des dépenses de fonctionnement devrait s’équilibrer ou presque avec celle des recettes, que « le nombre d’allocataires du RSA a reflué l’an passé, loin des fortes hausse de 2017, 2018 et 2019 ». Mais pour Pierrick Courbon, si la majorité se  montre trop prudente, c’est avant tout le cas les années précédentes et notamment en 2022 quand il estimait que la Loire était un Département qui, décidément, sous-investissait. L’embellie de l’an passé illustrée par le niveau des DMTO alliée à des taux d’intérêts alors encore très bas risque de faire à ses yeux, de 2022, « l’année des occasions manquées ».

Un fonds vert plutôt que de toujours désendetter ?

« Zéro emprunt l’an passé dans ce contexte pour désendetter encore et encore puis 20 M€ projetés cette année 2023 avec des taux désormais considérablement plus hauts : le choix est critiquable. »Il faudra, en effet, assumer une hausse de 7 % des frais financiers si cela se concrétise (en 2022, 7,5 M€ d’emprunts étaient prévus aux orientations budgétaires, finalement non sollicités). Ce volontarisme, propose Loire en commun, cette prise de risques aurait ou doit, s’il en est encore temps, passer par la création d’un fonds vert pour orienter massivement l’aide financière aux communes sur le terrain systématique de la transition énergétique au détriment d’un désendettement qu’elle juge trop dogmatique.

Je ne veux pas laisser, comme beaucoup d’autres, des saloperies sous le tapis.

Georges Ziegler, président du Département

Réponse de Georges Ziegler : « Il suffit de regarder la nature de nos dépenses pour voir que les curseurs sur le développement durable sont déjà à un très haut niveau. Et nous n’avons vraiment pas à rougir avec de telles contraintes de notre niveau d’investissement. Le situation est périlleuse, je ne veux pas laisser le poids de la dette peser sur les générations à venir, je ne veux pas participer à la paupérisation de la population à cause de ça. » Dit de manière plus synthétique juste avant : « je ne veux pas laisser, comme beaucoup d’autres, des saloperies sous le tapis ». Alors qui a « insulté » ou aurait « insulté » l’avenir ? L’atterrissage 2023 devrait donner un début de réponse. Sans certitudes, c’est entendu.

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