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Pas de retour à 90 km/h dans la Loire : d’où vient le coup de frein ?

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Depuis fin décembre 2019 et la promulgation de la loi dite de « mobilité », les Départements peuvent choisir de retourner ou non aux 90 km/h au lieu de 80 sur une partie de leur réseau routier. Longtemps favorable à l’idée, la Loire a, semble-t-il, jeté l’éponge. Une association d’usagers de la route, les Motards en colère, fait part de son incompréhension.

La Loire a conservé la limitation à 80 km/h sur une partie de son réseau routier, alors que la loi lui permet désormais de rétablir le fameux 90 km/h.

L’antenne ligérienne de la Fédération française des motards en colère (FFMC42) n’en démord pas : pourquoi le Département de la Loire n’a-t-il pas remis à 90 km/h une partie de son réseau, comme lui autorise la loi depuis fin 2019 ? « Nous ne le souhaitons pas pour toutes ses routes, avertit Christophe Babonneau, président de la FFMC42. Il y en a beaucoup pour lesquelles le 80 km/h, parfois même moins, se justifie. Mais il y en a certaines où il n’apporte rien, voire les rend plus dangereuses. »

Selon le FFMC, à l’annonce des 80 km/h, le Département lui aurait fait part de son désarroi autour d’une décision jugée brutale puis sa volonté de l’assouplir. « Une décentralisation de cette décision au cas par cas, avec une véritable concertation entre Départements et préfets, en lien avec les maires et les associations d’usagers de la route, aurait favorisé son acceptation et donc son efficacité », déclarait son président G. Ziegler, à nos confrères du Progrès en mai 2019. À cette époque, le gouvernement venait d’annoncer la possibilité, sous certaines conditions, de revenir sur la décision portée personnellement par l’ex Premier ministre, Édouard Philippe.

Fin janvier 2020, après avoir évoqué un travail minutieux de consultation, G. Ziegler annonçait lors de vœux à la presse ligérienne que le Département allait très probablement renoncer : les préconisations seraient trop lourdes. Par exemple, « l’absence de traversées de hameaux, la présence des cyclistes ou des engins agricoles. Et chez nous, on en retrouve pratiquement partout », déclarait-il à Activ Radio. Des dizaines d’autres départements – souvent ruraux (mais la Loire l’est en grande partie) – ont pourtant décidé de le faire. Si le Rhône y a certes renoncé, ce n’est pas le cas de nos voisins de la Haute-Loire et de l’Allier.

410 km de routes à 90 km/h en Haute-Loire

Arguant d’une « neutralité », voire « d’un bénéfice au niveau de la sécurité routière », de la « fluidité du trafic », d’impératifs pour la « vie économique et touristique » et de « l’impossibilité » de relier l’accidentologie à la vitesse maximale autorisée, deux délibérations du conseil départemental altiligérien – en juin puis fin octobre – font repasser 410 km linéaires (certains tronçons, les plus dangereux, près de 10 km, ont cependant été abaissés à 70 km/h) de départementales à 90 km/h.

Quant à l’Allier, c’est l’ensemble du réseau qui va repasser à 90 km/h à la suite du feu vert de sa Commission départementale de la Sécurité routière le 10 novembre. Les analyses des services du Département auraient montré que l’abaissement de la vitesse n’avait pas entraîné de diminution de l’accidentologie… Contacté à de nombreuses reprises depuis mi-octobre pour qu’il puisse étayer et faire le point sur sa position, le Département de la Loire n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

« L’implication de la vitesse dans les accidents est en réalité très souvent impossible à démontrer, de l’aveu même des forces de l’ordre, assure Christophe Babonneau, dont l’association a recensé chaque accident grave et leurs circonstances de juin 2019 à juin 2020 dans la Loire. Je ne dis pas que l’on doit être autorisé à rouler à la vitesse que l’on veut où l’on veut mais qu’il faut du discernement : plus que les autres usagers, un motard, par exemple, a besoin de visibilité pour éviter d’éventuels obstacles sur la route, donc de pouvoir doubler en ligne droite des poids lourds qui roulaient déjà à 80 km/h. »

« Un vrai déni de démocratie »

Question sécurité, « on pourrait aussi mettre en avant l’état des routes ou encore amplifier les formations, la sensibilisation aux comportements, comme nous le faisons de manière constructive avec les gendarmes. Mais non… Les statistiques du CISR (Comité interministériel de la sécurité routière) avant le 80 km/h, montraient une vitesse moyenne à 82,5 km/h sur les routes à 90, alors pourquoi cette décision ? Il y a encore des accidents, donc pourquoi pas 70 puis 60, puis 50 km/h ? »

Est-ce le coup de pression autour de la notion de « responsabilité » lancé par Edouard Philippe qui a fait reculer la Loire ? « Soyons sérieux. Si la règle est fixée à 90 km/h, une plainte ne sera pas recevable pour les tribunaux. Les feux intelligents en agglomération, eux, sont clairement illégaux comme 40 % des dos d’âne aussi et ça, ça ne dérange personne. En ce qui concernent les pseudo contraintes sur le retour à 90, Emmanuel Barbe, ex-délégué interministériel à la sécurité routière l’a dit en décembre 2019, je cite : « ce n’est pas une contrainte juridique » mais « des recommandations » », clame Ch. Babonneau dont les derniers courriers et leur batterie d’arguments au Département (février et juin 2020) n’ont pas obtenu de réponses. Quant au bilan de l’expérimentation de la mesure, présenté comme positive par le gouvernement dans une étude à l’été 2020, « de nombreux articles de la presse spécialisée ont montré qu’elle était complètement biaisée* ! Cette affaire un vrai déni de démocratie. »

*Ch. Babonneau cite, notamment cet article.

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