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L’Idex, un casse-tête ? 4 points de vue pour un éclairage

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L'Université Jean Monnet de Saint-Étienne garde son autonomie © IF Média

Volet 1/4 : Le pourquoi du projet en 7 dates. Si IDEX et la fusion de l’Université Jean-Monnet (UJM) avec celle de Lyon a fait irruption dans le débat voici quelques mois, le projet, sur le point d’être adopté, remonte à plus de 10 ans. Pour mieux en comprendre les enjeux, If vous propose un retour en 7 dates sur ce parcours à rebondissements, commentés par la présidente actuelle de l’université, Michèle Cottier.

[Note aux lecteurs : De nombreux acronymes truffent ce papier, et nous vous prions de nous en excuser. Pour vous permettre de vous y retrouver, nous vous proposons un petit lexique, tout en bas de la page]

2008 : L’UJM rejoint le PRES Lyon

Au début de cette affaire, chaque territoire, éloigné d’un peu plus de 50 kilomètres, faisait les choses dans son coin, sans se soucier de ce qui se faisait dans la métropole voisine. Côté Loire, le Pôle Universitaire de Saint-Etienne (PUSE) vit ainsi le jour en 1993. Réunissant les établissements stéphanois d’enseignement supérieur, ce dernier permit alors de fédérer ces entités, créant de fait davantage de coopération et donc d’efficience. Deux ans plus tard, côté Rhône, naquit le Pôle Universitaire de Lyon (PUL) qui réunissait alors 15 établissements lyonnais. Objectif de ce rapprochement : doter ces universités, instituts et grandes écoles d’une plateforme de concertation leur permettant de mener des projets mutualisés.

« Un investissement d’avenir »

Michèle Cottier, actuelle présidente de l’UJM

12 ans plus tard, le PUL devient PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur), dénommé Université de Lyon. Différence ? Si le PUL avait vocation à fédérer les établissements en vue d’une concertation, le PRES, lui, implique une représentation des établissements membres auprès du monde socio-économique, une coordination des doctorats, une labellisation des masters délivrés conjointement par plusieurs établissements membres, le suivi des jeunes diplômés ou encore la mise en œuvre de projets communs. En bref, un peu plus de coopération et de mutualisation entre établissements que le PUL ne le permettait, et cela pour briller davantage sur la scène nationale comme internationale. En 2008, l’Université Jean-Monnet intègre ce PRES qui comporte alors 20 établissements membres.

« Notre université a rejoint le PRES Université de Lyon parce qu’il fallait, à ce moment-là, chercher d’autres formes de regroupement, indique Michèle Cottier, présidente actuelle de l’UJM. L’objectif était de tisser des relations, de nouer des partenariats. Il s’agissait en fait d’un investissement d’avenir ». Un premier pas, sur le chemin de la fusion.

2010 : Lancement d’un premier projet Idex Lyon-Saint-Étienne

En 2009, à la suite de la crise économique et d’un plan de relance sur le mode de grands travaux, Nicolas Sarkozy annonce le lancement d’un programme d’investissement d’un montant de 35 milliards d’euros. La moitié environ sera consacrée à l’enseignement supérieur et la recherche… Mais distribuée sous forme d’appel à projets « à fort potentiel de croissance » porté par les établissements. L’année suivante, le gouvernement met officiellement en place le PIA1 ou Programme Investissements d’Avenir. Pour prétendre à l’octroi d’une partie de ce budget, le PRES Université de Lyon décide alors de porter une première Initiative d’Excellence, baptisée IDEX Lyon-Saint-Étienne.

« Nous avons vu dans cette initiative d’excellence, la possibilité pour l’UJM de continuer à délivrer des doctorats, développés avec les établissements lyonnais, poursuit la présidente de l’UJM. Avant 2010, nous n’avions qu’une seule école doctorale en propre sur les 6 du PRES. Le risque était de la voir disparaître puisque les masses critiques n’étaient alors pas suffisantes. Et une école doctorale, c’est aussi ce qui permet à une université d’exister… Obtenir le label IDEX, c’était pour nous la possibilité d’obtenir des financements. »

2011 : Le premier IDEX retoqué

Problème : en 2011, le jury chargé de la labellisation retoque le projet, préconisant de concentrer suffisamment de « compétences clés de recherche et d’enseignement supérieur dans la région lyonnaise ». « Le partenariat entre les membres n’était pas assez fort, et ne permettait donc pas de comprendre que tout le monde poursuivait véritablement une stratégie commune, souligne Michèle Cottier. Malgré tout, si le jury n’a pas retenu notre site, il a néanmoins octroyé un budget pour relancer le processus et nous permettre de nous préparer à une seconde chance ».

Le budget, est alors attribué au titre du PALSE (Programme d’Avenir Lyon Saint-Étienne). Les 13 établissements membres dont l’UJM et l’ENISE pour Saint-Étienne, signent alors une charte IDEX Lyon Saint-Étienne.

2013 : Adieu PRES, bonjour ComUE

En 2013, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, également appelée loi Fioraso, du nom de la ministre Geneviève Fioraso, supprime les PRES. Les établissements publics d’enseignement supérieur ont alors à choisir entre 3 formules : l’association à un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel ; la participation à une communauté d’universités et d’établissements (ComUE) ; la fusion d’établissements.

Le PRES Université de Lyon devient alors une ComUE, qui comprend 12 membres : Lyon 1, Lyon 2, Lyon 3, l’UJM, ainsi que l’École normale supérieure, 4 écoles d’ingénieurs, deux instituts et le CNRS. 25 établissements ont un statut d’associés. Si le regroupement est de type fédéral et que le projet de chaque établissement doit ainsi être précisé, certaines compétences, dont la délivrance des doctorats, sont déléguées à la ComUE. Ses statuts sont adoptés en 2015.

« Un certain nombre d’établissements pensaient alors que le choix d’une fusion aurait été préférable en vue de l’IDEX, partant du principe que d’autres ComUE avaient échoué à l’obtenir. Mais plusieurs écoles n’étaient pas partantes. C’est donc sous forme de ComUE que nous avons présenté un nouveau projet IDEX », explique Michèle Cottier.

2017 : obtention d’un label probatoire

En 2017, après des réajustements, la ComUE Université de Lyon obtient une labellisation pour une période probatoire de 2 ans, que le jury prolongera finalement jusqu’en 2020. Le projet, dénommé IDEXLYON, obtient un financement annuel de 25 millions d’euros pour une durée initiale de 10 ans (pour une dotation non consommable totale s’élevant à 800 millions). Regroupant alors toujours 12 établissements, il se structure en trois axes : Biosanté et Société, Sciences et Ingénierie, Humanités et Urbanités. Il vise un accroissement de la compétitivité à l’échelle internationale, une participation active au développement économique de la région et du pays, une adaptation de l’organisation du contenu des formations au monde du travail en pleine évolution, un lien plus étroit avec le territoire.

« Je ne comprends pas que personne n’ait exprimé de craintes avant »

Michèle Cottier

Mais cette labellisation probatoire comporte une exigence du jury : la création d’une université-cible, et donc, une fusion des établissements qui impliquerait une perte de leur personnalité morale. Fin 2017, l’université Lyon 2, qui a fait savoir qu’elle n’était pas en accord avec les principes incontournables de l’Université cible, est écartée du projet.

2018 : Une université-cible à 5

Un an plus tard, le projet de fusion se dessine. L’université-cible Université de Lyon ne concernerait plus que 5 membres à l’horizon 2020 : Lyon 1, Lyon 3, l’UJM, l’ENS et l’INSA. D’autres membres du consortium IDEXLYON étant amenés à intégrer son périmètre plus tard. Conformément aux textes réglementaires, seules les deux écoles auraient la possibilité de conserver leur personnalité morale au sein de l’établissement-cible.

Mais au cours de l’été 2019, l’INSA le quitte. Dans une évaluation à mi-parcours de la labellisation probatoire IDEXLYON, le jury recommande d’aller plus loin encore dans la fusion. Le même mois, des élections confortent Michèle Cottier à son poste. « Aujourd’hui, des craintes quant au projet sont très largement exprimées. Je comprends qu’il puisse y en avoir, mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi elles n’ont pas été exprimées avant. On m’a réélue en 2019, alors même que le projet que je défendais était dépourvu de toute ambiguïté… »

2020 : Tout s’emballe

Dès 2019, des voix contre la fusion se font entendre. Mais au début de l’année 2020, tout s’accélère. Les statuts, qui doivent être votés par chaque établissement dans le courant de l’année, inquiètent. Du fait de la perte de la personnalité morale et juridique de l’UJM, des Stéphanois craignent en effet de la voir, à termes, totalement avalée par Lyon.

Après l’ancien maire de Saint-Étienne Maurice Vincent, le maire actuel de Saint-Étienne Gaël Perdriau monte également au créneau. De même que Régis Juanico, député de la 1re circonscription de la Loire. Fin juin, 12 vice-présidents de l’université stéphanoise démissionnent et fondent le collectif UJM pour dénoncer le projet.

Le vote des statuts, prévu fin septembre à l’UJM, est finalement reporté au 23 octobre. Le 28 septembre, Michèle Cottier propose un nouveau bureau en Conseil d’Administration pour remplacer les démissionnaires de l’été. Mais coup de théâtre, à une voix près, le CA rejette sa proposition.

Restent à présent 15 jours, avant de voir le projet basculer pour de bon, d’un côté ou de l’autre… Et voir ainsi s’achever des années de rebondissements.

Après cette entrée en matière un peu chargée, la semaine prochaine, If s’intéressera aux inquiétudes qui entourent aujourd’hui le projet IDEX et d’université-cible.


LEXIQUE
  • IDEX : initiative d’excellence ; programme dont le but est de créer en France des ensembles pluridisciplinaires d’ enseignement supérieur et de recherches qui soient de rang mondial. Une vingtaine de sites font partie des IDEX en France (ou I-Site, pour Initiative Science-innovation, territoires-économie)
  • UJM : Université Jean-Monnet, créée en 1969 à Saint-Étienne.
  • PUSE : Pôle Universitaire de Saint-Étienne, regroupement des établissements stéphanois d’enseignement supérieur. A l’œuvre de 1993 à 2008.
  • PUL : Pôle Universitaire de Lyon. Pôle universitaire de Lyon, regroupement des établissements lyonnais d’enseignement supérieur, à l’œuvre de 1995 à 2007.
  • PRES : pôle de recherche et d’enseignement supérieur. Nommé Université de Lyon pour ce qui concerne notre territoire, il remplace le PUL en 2007. L’UJM le rejoint l’année d’après.
  • COMUE : communauté d’universités et d’établissements. Remplace le PRES en 2013.
  • PIA : Programme Investissements d’Avenir. Lancé en 2009, d’un montant initial de 35 milliards d’euros. Il avait pour objectif de contribuer à la relance économique à long terme de notre pays, à la suite de la crise de 2007-2008.
  • PALSE : Programme d’Avenir Lyon Saint-Etienne. « Morceau » du PIA qui concerne l’IDEX Lyon-Saint-Étienne.
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